Polémique autour d’un tableau au déjeuner d’investiture de Trump
Polémique autour d’un tableau au déjeuner d’investiture de Trump
Par Henri Salomon
Une pétition proteste contre le prêt d’une œuvre intitulée « Le Verdict du peuple », pour la cérémonie du 20 janvier.
C’est une cérémonie d’investiture qui aura décidément fait parler d’elle. Après les différents refus d’artistes d’y participer, c’est désormais au tour d’un tableau d’être au cœur d’une controverse. Une pétition, protestant contre le prêt, pour l’événement, d’une toile de G.C Bingham, The Verdict of the people (1855), lancée en décembre 2016, a recueilli près de 4000 signatures sur Change.org.
La tradition de prêter une œuvre pour marquer visuellement le moment de l’investiture du président remonte à la seconde élection de Reagan, en 1985 : un tableau fut en effet utilisé comme toile de fond de déjeuner, dans le Statuary Hall du Capitole, après la cérémonie officielle.
Les deux femmes à l’origine de la pétition, l’artiste Ilene Berman et l’historienne de l’art Ivy Cooper, s’élèvent contre le fait que l’œuvre serve à « suggérer que l’élection de Trump a été réellement ‘le Verdict du peuple’, estimant que c’est Hillary Clinton qui a remporté le vote populaire et rappelant que c’est le système électoral qui a permis à Trump de gagner. Par ailleurs, dit au Monde Ilene Berman, « cela normalise la présidence. La misogynie, le racisme, la xénophobie et l’anti-intellectualisme du président élu sont dangereux, et vont au-delà de la normalité ».
« Une critique du processus électoral »
Le tableau en question appartient au Saint-Louis Art Museum (Missouri) et représente une foule réunie pour l’annonce des résultats d’une élection du Missouri. La scène est mouvementée et agitée. L’œuvre fait partie d’une trilogie, Elections, où G.C. Bingham (1811-1879) dépeint sa vision d’une société américaine, actant son processus démocratique et la tension qui s’en dégage, à l’aube de la guerre civile.
Selon Ilene Berman, « dans son œuvre, le peintre critique le processus électoral ». Et pour cause, Bingham a été l’un des premiers artistes engagés en politique, siégeant à la Chambre des représentants du Missouri en 1848, mais perdant deux ans plus tard une élection, qui est l’objet d’une peinture de la même série, The County Election (1852) où il semble symboliser son adversaire essayant d’acheter des voix en échange de liqueur.
Le sénateur républicain Roy Blunt, président de la commission mixte du Congrès chargée des cérémonies de l’investiture, voit quant à lui dans le Verdict du Peuple une image totale de l’électorat américain, où toutes les strates de la société – travailleurs, marchands, enfants, politiciens, vétérans… – se rassembleraient pour l’annonce du vainqueur, oubliant qu’un esclave afro-américain et une femme encadrent le tableau et n’étaient pas encore libres ou n’avaient le droit de voter à l’époque. C’est ce même Roy Blunt, ancien professeur d’histoire de l’art, qui a choisi The Verdict of the People en septembre 2016, bien avant la victoire de Trump.