Primaire à gauche : le lourd silence des « non-alignés »
Primaire à gauche : le lourd silence des « non-alignés »
Par Solenn de Royer
Un tiers du groupe PS à l’Assemblée nationale refuse de choisir parmi les candidats et plusieurs ministres se tiennent prudemment à l’écart de la primaire.
Sur le perron de l’Elysée le 18 janvier, Ségolène Royal et Marisol Touraine; ministres de l’environnement et des affaires sociales n’ont pris position pour aucun des candidats à la primaire à gauche. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
A J-3, ils n’ont toujours pas choisi ou ne participeront pas au scrutin. Déçus ou frustrés, désabusés, ces « non-alignés » disent le désarroi d’une partie des troupes socialistes devant une primaire dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Au gouvernement, si la majorité des ministres ont rallié Manuel Valls, d’autres ne soutiennent toujours personne, dont Marisol Touraine (affaires sociales), Jean-Marc Ayrault (affaires étrangères), Matthias Fekl (commerce extérieur), Thierry Mandon (enseignement supérieur), ou encore les hollandais Stéphane Le Foll (agriculture), Clotilde Valter et Martine Pinville. « Je souhaite que cette primaire soit une réussite mais nous n’avons pas vocation à être comme des trophées accrochés au mur », explique au Monde Mme Touraine, qui a caressé l’idée de se présenter, avant de renoncer. La ministre, qui sera en Amérique latine avec François Hollande dimanche, ne votera pas.
Ségolène Royal, qui fait des yeux de Chimène à Emmanuel Macron, ne soutient-elle non plus aucun candidat à la primaire. « Dans les non-choix des uns et des autres, il y a aussi beaucoup de règlements de comptes », analyse un ministre. C’est surtout le dernier carré des irréductibles hollandais qui fait de la résistance, incapable de choisir entre des candidats qui auraient contribué selon eux à « saboter » le quinquennat et la candidature du chef de l’Etat. Ainsi, le maire de Dijon François Rebsamen a refusé de dire pour qui il voterait entre M. Peillon et M. Valls. Au dernier bureau national du PS, lundi soir, il a dû démentir les sympathies que beaucoup lui prêtaient déjà pour M. Macron.
« Préparer la suite »
De son côté, la sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac – qui s’est battue jusqu’au dernier jour pour que le président soit candidat –, garde un silence lourd de sens : « Hollande, c’est un engagement de vingt ans, c’est compliqué de dire : “Je passe à quelqu’un d’autre” », déclare-t-elle. Ces fidèles continuent de se voir une fois par semaine autour de Stéphane Le Foll pour « préparer la suite ».
Le silence est également assourdissant chez les poids lourds, Bertrand Delanoë, Christiane Taubira ou Martine Aubry. Premiers lieutenants de la maire de Lille, les députés François Lamy ou Jean-Marc Germain ne se sont prononcés pour personne. « On a laissé la liberté aux nôtres, qui se partagent entre Hamon et Montebourg », confie Lamy. A l’Assemblée nationale, un tiers du groupe PS serait « non aligné », assure-t-on à la présidence du groupe. Son patron, Olivier Faure, ne choisira personne. Tout comme la jeune garde des députés proches de l’Elysée, dont Razzy Hammadi, Erwann Binet, Audrey Linkenheld ou Luc Belot, « orphelin de François Hollande ». « Les candidats étaient tous très motivés pour tuer le père mais ils n’avaient pas préparé la suite. C’est un peu gênant », constate de son côté M. Binet.
Ces « non-alignés » exaspèrent les autres candidats. « On est plombé par le noyau dur des hollandais aigris », soupire un ministre vallsiste. « On a le droit d’être déçu mais dans une bataille on doit se battre, reconnaît un proche du chef de l’Etat. C’est compliqué de regarder en l’air. Les non-alignés prennent la responsabilité de voir le socialisme de gouvernement battu. »