Le japonais « Resident Evil 7 », avec sa vue à la première personne et son esthétique à la « Massacre à la tronçonneuse », évoque les productions occidentales. | Capcom

Vingt ans après avoir popularisé, sinon inventé, le jeu vidéo d’horreur, Resident Evil s’offre un septième volet, disponible, mardi 24 janvier, sur PC, PS4 et Xbox One.

Un épisode qui a fort à faire pour réconcilier les fans avec une série qui, depuis quelques années, a délaissé la terreur pure pour lui privilégier l’action. Koshi Nakanishi et Masachika Kawata, respectivement réalisateur et producteur de ce retour aux sources annoncé, ont répondu aux questions de Pixels.

Le jeu d’horreur n’a jamais été aussi à la mode. Pourquoi les gens aiment-t-ils se faire peur ?

K. N. : Je pense que les gens aiment la sensation que procure l’adrénaline. Que ce soit sur un grand huit ou dans un jeu vidéo, on cherche à reproduire une situation de danger, sans pour autant prendre de risque. Certains en deviennent même accros !

Ce qui faisait peur il y a vingt ans avec le premier Resident Evil ne marcherait plus forcément aussi bien aujourd’hui. Comment fait-on pour continuer à faire peur ?

K. N. : Il y a des modes. Il y a eu celle des vampires, des zombies, etc. Mais il y a aussi des peurs élémentaires, que tout le monde partage, qui remontent à nos origines. Presque tout le monde a peur du noir. On a peur de l’inconnu, de la souffrance, des animaux ou des gens plus forts que nous et qui pourraient nous faire du mal… Des peurs ancestrales, qui traversent les modes. En s’appuyant dessus, on peut continuer à faire peur, quel que soit le jeu, quelle que soit l’époque.

Kōshi Nakanishi, réalisateur de « Resident Evil 7 ». | Capcom

La nouveauté de Resident Evil 7, c’est de ne plus faire appel à une caméra fixe comme dans les trois premiers jeux, ou qui suivrait le joueur pas à pas, comme dans les trois suivant. Mais de nous faire voir directement à travers les yeux du personnage. Qu’est ce que cela a changé à votre approche ?

K. N. : Le plus difficile a été la gestion des combats : quand on voit à travers les yeux du héros, le rapport à l’espace, aux distances, est très différent. On a l’impression d’être collé aux ennemis. Mais concernant l’exploration ou l’atmosphère horrifique, la transition s’est faite en douceur. Ce n’était pas si différent, on a pu se servir de nos expériences passées.

Pourtant cette mise en scène est l’antithèse de celle des premiers Resident Evil, où les caméras très cinématographiques permettaient de jouer avec la menace, de la dissimuler au joueur pour mieux le surprendre…

K. N. : Au contraire, c’est exactement la même chose. Quand, dans le premier Resident Evil, la caméra ne montrait qu’une moitié de la pièce, on pouvait cacher des choses dans l’autre moitié. De la même manière, en voyant à travers les yeux du héros, on ne voit que ce qu’il y a devant nous. Tout ce qui est derrière est totalement inconnu. Et même si vous faites face à un couloir, s’il est plongé dans le noir, il peut tout à fait cacher quelque chose de menaçant.

M. K. : D’une certaine façon, ce jeu est différent des autres, ou même des films d’horreur. Les caméras fixes sont plus proches de la façon de travailler d’un réalisateur de film : ici, on vous plonge directement dans une vraie maison hantée.

Quand une série est aussi respectée, aussi ancienne, quelles latitudes reste-t-il à des créateurs tels que vous ?

K. N. : Je n’ai pas ressenti le besoin de laisser ma marque sur le projet. Je n’ai pas forcément envie que les gens se disent : « C’est typiquement un jeu de Koshi Nakanishi. » C’est un titre si différent du précédent, un projet tellement ambitieux, que j’ai préféré me concentrer là-dessus plutôt que de me demander comment je l’aurais personnellement raconté…

M. K. : En tant que producteur, j’ai davantage de distance avec le développement lui-même, je trouve qu’il ressemble vraiment à une production typique de Nakanishi. C’est une question de point de vue, peut-être qu’il ne voit pas les éléments constitutifs de son style propre.

Masachika Kawata, « producteur de Resident Evil 7 ». | Capcom

Au-delà de la question du style, ce n’est pas forcément évident d’apporter du changement dans une série vieille de vingt ans…

K. N. : C’est une question d’équilibre : respecter la tradition et proposer des choses nouvelles. Mais faire du neuf, ou respecter la tradition, n’est pas une fin en soi. On commence à chaque fois avec un concept et un but. Cette fois, l’idée était de revenir à l’horreur, à un jeu très effrayant, qui donne l’impression de redécouvrir Resident Evil. Les éléments anciens et nouveaux ne sont que des outils pour atteindre ce but.

Les fans ont tendance à oublier ce qu’ils ont ressenti en jouant pour la première fois à Resident Evil. En 1996, on ne savait pas ce qu’étaient l’Umbrella Corp, ce manoir, ces zombies… Maintenant tout vous paraît logique parce que vous connaissez l’histoire. Pour retrouver le plaisir de la découverte, on ne pouvait pas simplement refaire le premier Resident Evil, parce que tout serait trop familier. Il a fallu prendre un nouveau départ, dans un nouveau lieu, avec de nouveaux personnages. Je pense que vous allez vous demander : « Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Qu’est-ce que ce zombie fait là ? » C’est le ressenti que vous avez probablement eu à l’époque du premier Resident Evil mais que vous avez oublié depuis, parce que tellement de choses se sont passées entre-temps…

Vous avez travaillé, pour l’histoire, avec Richard Pearsey, connu notamment pour le scénario du jeu antimilitariste Spec Ops The Line. Quelle influence a-t-il eu ?

K. N. : Je ne sais pas pour la version française mais, en 1996, la version anglophone de Resident Evil avait été moquée pour ses dialogues un peu ridicules, pas très naturels. Les gens ont pu aimer cette ambiance un peu kitsch, mais ce n’est pas ce qu’on visait avec Resident Evil 7. On voulait un jeu d’horreur « sérieux ». On a donc engagé un auteur occidental pour travailler sur les dialogues, le script, le rythme de l’histoire, etc. On voulait s’assurer que l’expérience soit convaincante.

M. K. : En un sens, nous avons écrit l’histoire mais Richard l’a « occidentalisée », en la rendant compréhensible par tous les publics.