Les promesses de Donald Trump à l’épreuve de l’augmentation de la dette américaine
Les promesses de Donald Trump à l’épreuve de l’augmentation de la dette américaine
Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Les projets du président des Etats-Unis pourraient mener le pays vers un déficit exponentiel dans la décennie à venir.
Donald Trump dans le bureau ovale le 23 janvier. | SAUL LOEB / AFP
Après le temps des promesses électorales, Donald Trump va devoir se confronter à la réalité. Et celle-ci ne s’annonce pas très engageante si l’on en croit les dernières projections budgétaires du bureau du Budget du Congrès américain (CBO), une instance non-partisane. Selon les éléments publiés mardi 24 janvier, la dette publique américaine devrait augmenter de 10 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Une anticipation inquiétante au moment où le nouveau président américain entend procéder à des baisses « massives » d’impôts, augmenter le budget de la défense, tout en lançant un ambitieux plan d’investissement dans les infrastructures de 1 000 milliards de dollars.
L’exercice budgétaire en cours, qui s’achèvera le 30 septembre 2017, devrait se solder par un déficit en léger recul à 559 milliards de dollars, avant de tomber à 487 milliards en 2018. Cette maîtrise des comptes publics est à mettre à l’actif de coupes réalisées dans les dépenses civiles et militaires. Mais les choses pourraient très vite déraper en raison de l’explosion des dépenses de santé et de retraite due au vieillissement de la population américaine, selon le CBO.
Promesses contre réalité
Se pose donc la question de la compatibilité de ces projections avec les promesses du candidat Trump. Si rien n’est fait, le déficit américain devrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2023 et même 1 400 milliards en 2027, soit 5 % du Produit Intérieur Brut (PIB). À cette date, la dette publique devrait atteindre 89 % de la richesse nationale, un niveau qui pourrait peser sur la confiance des investisseurs dans la capacité des États-Unis à emprunter. L’équation est d’autant plus compliquée que les estimations de croissance restent relativement pessimistes : autour de 1,9 % l’an sur les dix prochaines années.
Lors de son audition devant le Sénat, mardi, le candidat de M. Trump au poste de directeur du budget, Mick Mulvaney a rappelé que l’objectif du président était de porter la croissance aux alentours de 4 %, ce qui permettrait de réduire la dette sans imposer au pays une cure budgétaire. Même si ce dernier a affirmé que « la dette est un problème auquel on doit s’attaquer tôt ou tard », il a aussi promis que le président respecterait sa promesse de préserver les deux systèmes fédéraux que sont la Social Security (assurance vieillesse) et Medicare (assurance santé pour les plus de 65 ans). M. Trump s’est ainsi attiré pendant la campagne électorale les faveurs du vote populaire du midwest, qui serait la première victime de coupes dans ces prestations sociales.
Boom des retraités
Mais aujourd’hui on ne voit pas très bien comment ces dispositifs pourraient rester soutenables avec l’arrivée en masse des baby boomers à la retraite. L’une des solutions serait d’augmenter l’âge de l’éligibilité à ces deux systèmes. Son acceptabilité par la population reste toutefois très hypothétique. Des coupes budgétaires sont bien dans les cartons, comme la suppression du Fonds national pour les arts, l’agence culturelle fédérale des États-Unis. Mais il s’agit d’une goutte d’eau, qui n’est pas à la hauteur de la situation. La disparition du fonds permettrait d’économiser 300 millions de dollars, soit 0,025 % des dépenses.
Le hiatus n’a pas échappé aux parlementaires démocrates comme républicains. Lors de l’audition devant le sénat, le républicain Bob Corker a ainsi déclaré que « M. Trump a dit des choses pendant sa campagne que j’aurais souhaité qu’il ne dise pas. C’est totalement irréaliste ». Son collègue de l’Arizona, John McCain, a lui émis des doutes sur la volonté de M. Mulvaney d’augmenter les dépenses de l’armée, alors que, lorsqu’il était parlementaire, il s’y était systématiquement opposé.
Les démocrates doutent
De son côté, le sénateur indépendant du Maine, Angus King a fait part de ses doutes sur les effets du cercle vertueux que veut déclencher M. Trump en baissant drastiquement les impôts pour doper la croissance et donc réduire le poids des déficits.
Par ailleurs, si les démocrates prêtent une oreille attentive au plan d’investissement dans les infrastructures, la plupart estiment que celui-ci ne doit pas se faire à n’importe quel prix. « Nous n’allons pas réduire des budgets qui profitent aux classes moyennes comme l’éducation ou la santé pour cela », a déclaré Chuck Schumer (New York), le leader démocrate au Sénat.
Enfin, Bernie Sanders, le sénateur du Vermont et candidat malheureux à la dernière primaire démocrate, a relevé que le discours de M. Mulvaney sur le maintien des prestations sociales fédérales ne lui paraissait pas compatible avec les promesses de campagne de M. Trump. « Cela n’a aucun sens pour moi d’avoir un conseiller du président qui a des vues totalement en opposition avec celles que celui-ci a défendues pendant la campagne », a déclaré M. Sanders. La discussion budgétaire s’annonce comme l’un des premiers moments de vérité de l’ère Trump.