Jawad Bendaoud jugé pour trafic des stupéfiants : l’affaire banale d’un homme surmédiatisé
Jawad Bendaoud jugé pour trafic des stupéfiants : l’affaire banale d’un homme surmédiatisé
Par Cécile Bouanchaud
L’homme qui avait loué un appartement à Saint-Denis à deux terroristes du 13 novembre 2015 a été condamné à huit mois de prison ferme au terme d’un procès mouvementé.
Après le renvoi au dépot de Jawad Bendaoud, seul Mohamed Soumah, un de ses proches, est resté dans le box des accusés. | BENOIT PEYRUCQ / AFP
Dans le huis clos de la salle d’audience de Bobigny (Seine-Saint-Denis), où règne un silence teinté d’impatience, des cris résonnent au loin. Vociférant, Jawad Bendaoud, biceps saillants sous un polo noir, cheveux longs attachés en queue-de-cheval, fait son entrée. Le visage transfiguré par la colère, celui que l’on surnomme « le logeur de terroristes du 13 novembre », jugé jeudi 26 janvier pour trafic de stupéfiants, profère une myriade d’insultes à aux forces de l’ordre.
« Ces fils de pute m’ont donné des coups de matraque. Des coups de matraque dans les parties. Je ne suis pas un terroriste, moi. Je ne suis pas Salah Abdeslam », lâche-t-il, yeux rougis, au bord des larmes, montrant une ecchymose à un coude.
On savait Jawad Bendaoud spontané, coutumier des sorties saugrenues, on le connaissait moins pris d’une colère que rien ne réprime, pas même les gestes de son avocat, Xavier Nogueras, collant sa tête contre la sienne pour le calmer.
Le logeur supposé de deux terroristes des attentats du 13 novembre 2015 est renvoyé au dépôt par les policiers, plus nombreux qu’à l’accoutumée. Son procès, reporté une première fois en novembre, Jawad Bendaoud ayant refusé d’être extrait de sa cellule, se fera donc par défaut. Son avocat peine à contenir sa colère, assurant qu’une heure auparavant, son client « était calme et dans de bonnes dispositions pour s’exprimer ».
« Il voulait être jugé. »
Une affaire ordinaire
Seul reste dans le box des accusés Mohamed Soumah, un des proches de Jawad Bendaoud, lui aussi jugé par le tribunal de Bobigny pour « trafic de stupéfiants » et « associations de malfaiteurs ». Ce dernier, par ailleurs soupçonné d’avoir été un intermédiaire entre Jawad Bendaoud et la cousine du terroriste Abdelhamid Abaaoud, qui cherchait un abri de repli à cet organisateur supposé des attentats, demande d’exercer son droit au silence. Le procès sera court.
Avec l’absence de Jawad Bendaoud, rendu célèbre par une vidéo où il clamait maladroitement son innocence, avant d’être interpellé en direct, ce procès redevient celui, ordinaire, d’un trafic de stupéfiants en récidive. Mohamed Soumah est soupçonné d’avoir fourni de la cocaïne à Jawad Bendaoud pour qu’il la transforme en crack. Des faits qui ont été établis sur la seule base de déclarations livrées aux enquêteurs au cours de la garde à vue de Jawad Bendaoud, le 18 novembre 2015, en marge de l’assaut policier mené par le RAID à Saint-Denis.
« Tout le monde rit de lui »
Alors que le procureur requiert trois ans ferme contre Mohamed Soumah et un an ferme contre Jawad Bendaoud, considérant que les aveux de ce dernier n’ont pas été « extorqués », les avocats, eux, plaident la relaxe, estimant que cette procédure judiciaire est « profondément déloyale et inadmissible » dans le sens où les accusations s’appuient sur les simples auditions de Jawad Bendouad et de son complice, et non pas sur une enquête approfondie permettant de détailler la piste du trafic. « C’est quand même étonnant, lorsqu’il dit qu’il est trafiquant, on le croit, mais quand il dit qu’il n’est pas terroriste, on ne le croit pas », lance Me Marie-Pompéi Cullin dans sa plaidoirie.
L’autre fil rouge de la défense porte sur le traitement inéquitable dont serait victime Jawad Bendaoud depuis son arrestation médiatisée. « Tout le monde en France le connaît, tout le monde rit de lui, tout le monde le piétine », lance Me Nogueras, dénonçant longuement les conditions de détention de son client, placé dans une cellule à l’isolement depuis plus d’un an à la maison d’arrêt de Villepinte. Cellule qu’il a tenté d’incendier l’été dernier, et de laquelle il ne cesse, dans d’interminables lettres, de crier son innocence aux juges d’instruction chargés de l’enquête sur les attentats les plus meurtriers jamais commis en France.
Dans l’information judiciaire ouverte à Paris sur les attentats du 13 novembre 2015, Jawad Bendaoud, que l’on présente dans sa ville d’origine de Saint-Denis comme un « petit caïd », « homme de main de marchands de sommeil » ou encore « gros fumeur de shit », avait été le premier mis en examen « pour association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteinte aux personnes ».
Dans le dossier sur le trafic de stupéfiants, il a été condamné à huit mois de prison ferme, avec mandat de dépôt, Mohamed Soumah à trois ans de prison ferme. Mais Jawad Bendaoud pourrait une nouvelle fois se retrouver sur le banc des accusés du tribunal de Bobigny. A la suite de son entrée fracassante dans ce tribunal, de nouvelles plaintes ont été déposées contre lui, pour « outrage », « menace de mort » et « apologie du terrorisme ». Brièvement placé en garde à vue, il a été libéré jeudi dans la soirée.