Cette semaine, cinq documentaires, sur des sujets extrêmement divers, ont retenu notre attention : sexe, bombes, Front national ou chanson réaliste, à vous de choisir.

Du côté obscur de l’industrie du sexe

PORNOCRATIE, les nouvelles multinationales du sexe - Le 18 janvier sur CANAL+
Durée : 00:42

Connue comme ancienne actrice et réalisatrice de films pornographiques, et reconnue comme « intello du X », l’auteure, activiste et documentariste Ovidie est souvent présentée comme « féministe prosexe ». Un pied dans le métier, un pied en dehors, elle mène une réflexion critique sur l’évolution de l’industrie pornographique et a mené, pour Canal+, qui diffuse aussi ses films « X » certains premiers samedis du mois, une enquête internationale sur son état actuel.

En raison de la diffusion illégale et gratuite de films ou scènes sur des « tubes » – dont l’essentiel est la propriété de la multinationale MindGeek – c’est l’ancien monde des maisons de production qui s’effondre et les conditions de travail des actrices qui s’aggravent. Celles-ci, moins payées qu’avant, sont contraintes à des activités sexuelles de plus en plus extrêmes, encouragées et « aidées » par la prise de drogues et les érections artificielles (Viagra, injections) de leurs partenaires à l’écran.

Certes, ainsi que le montre Ovidie, Internet permet aussi à certains travailleurs indépendants du sexe de s’exprimer directement à partir de chez eux avec une simple webcam. Mais, s’ils veulent en vivre, il leur faut passer par une plate-forme à laquelle les trois quarts des profits seront reversés... Quant aux jeunes filles de Timisoara (Roumanie), qui apparaissent sur ces fenêtres « pop up » dès qu’on clique sur l’un des « tubes » et qui proposent des exhibitions tarifées sur mesure, elle ne parviennent à gagner que quelque 1 400 dollars (1 310 euros) mensuels en moyenne pour des journées de dix heures de travail à faire semblant d’être une maîtresse dominatrice ou une secrétaire à lunettes...

La réalisatrice, tout en dénonçant cet univers opaque, ne dit pas autre chose que ce que l’on sait déjà de l’industrie du X : la Mafia et la pègre en tirent les plus grosses ficelles, et ce depuis l’opus 1 officiel du film pornographique, Deep Throat (1972), de Gerard Damiano. Renaud Machart

« Pornocratie », d’Ovidie (France, 2016, 52 minutes). Canal + à la demande.

Damia, la première des dames en noire

Damia, la chanteuse était en noir - ARTE
Durée : 52:24

Damia (1889-1978) avait pour habitude de dire qu’elle avait le même âge que la tour Eiffel. Comme la Dame de fer, l’artiste domina son époque et Paris de sa haute stature en devenant l’un des emblèmes de la chanson réaliste ainsi que le modèle de Piaf, puis de Barbara.

Le documentaire de Carole Wrona montre bien comment Damia provoqua une rupture avec les usages scé­niques de l’entre-deux-guerres en bannissant tout décor en fond de scène pour le remplacer par un ­rideau noir, en prenant (sous le conseil du jeune Sacha Guitry) une robe de velours noir comme costume emblématique, en coupant les lumières dans la salle et en se servant des projecteurs pour « sculpter » l’essence de sa gestuelle et de sa mimique – très proches de ce qu’on voyait au cinéma muet. C’est ainsi que Damia, « tragédienne lyrique » devint mythique, du Japon aux Etats-Unis. R. Ma.

« Damia, la chanteuse était en noir », de Carole Wrona (France, 2016, 52 minutes). Sur Arte + 7 jusqu’au 29 janvier.

Morale et raison glissées sous un tapis de bombes

Longtemps occultés de la mémoire nationale, les bombardements alliés qui touchèrent le sol français entre 1940 et 1945 firent près de 60 000 morts. Un film de Catherine Monfajon, diffusé en 2014, en exhumait le souvenir.

Aujourd’hui, Emmanuel Blanchard et Fabrice Salinié, coréalisateurs de cette France sous les bombes alliées, élargissent la focale et interrogent plus largement cette offensive par les airs, expérimentée dès les débuts de l’aviation dans le ciel libyen quand un aviateur italien entend réduire en 1911 une rébellion locale.

Mais le stade est encore balbutiant lorsque, fin avril 1937, des forces de la Luftwaffe, soutien nazi aux nationalistes franquistes, déversent 40 tonnes de bombes sur la petite ville de Guernica. Sans enjeu stratégique, la cible détruite stupéfie l’opinion. Plus qu’une première, c’est une prophétie. En moins de dix ans, le scandale absolu – le martyre de civils sans défense – s’est éteint. Et les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki sont perçus comme un recours légitime pour clore le conflit mondial.

C’est cette bascule que le film étudie, pointant la sauvagerie inouïe de cette guerre aérienne où la surenchère des belligérants disqualifie la morale comme la raison. Contrairement à une vulgate admise, ces bombardements ne furent nullement décisifs pour terminer le conflit mais pouvait-on le reconnaître sans risquer de voir les responsables comme des criminels contre l’humanité ? Eclairant et édifiant. Philippe-Jean Catinchi

« Le Monde sous les bombes », d’ Emmanuel Blanchard et Fabrice Salinié (France, 2017, 95 minutes). A revoir sur Pluzz jusqu’au 30 janvier.

Front national, un vote par désenchantement

Qui sont les électeurs du Front national (FN) ? Pourquoi sont-ils séduits par les discours de Marine Le Pen ? Qu’est-ce qui les a décidés à glisser dans l’urne un bulletin FN ? C’est à ces questions que tente de répondre le journaliste Olivier Toscer dans La Tentation du FN, les nouveaux électeurs de Marine Le Pen.

A travers plusieurs régions de France, il est allé à la rencontre de ces hommes et de ces femmes issus de milieux très différents qui ont choisi de rejoindre les rangs frontistes. De droite ou de gauche, tous ont fait ce choix par déception envers les partis traditionnels, qui n’auraient pas tenu leurs promesses et les auraient trahis. « Sarkozy nous avait promis le Kärcher, on a eu un pistolet à eau », résument les ralliés de la droite. « Hollande a fait une campagne à gauche et gouverné à droite », pointe un déçu de la gauche. Des paroles et des récits loin de la caricature ou de l’ostracisme.

Rythmé par la voix de Rebecca Manzoni, ce documentaire offre une plongée éclairante dans une France contradictoire, en perte de repères, et dont on parle peu. Daniel Psenny

« La Tentation FN, les nouveaux électeurs de Marine Le Pen », d’Olivier Toscer (France, 2017, 52 minutes). Sur Pluzz jusqu’au 2 février.

Comment sauver la mémoire d’Auschwitz ? 

Teaser documentaire "Sauver Auschwitz ?" sur Arte le 24 janvier à 22h35
Durée : 01:59

Symbole du mal absolu, le camp de concentration et d’extermination d’Ausch­witz-Birkenau est le plus grand cimetière du monde juif. Un cimetière sans sépultures, sans noms, sur lequel s’est développée une bataille mémorielle. C’est sur ce terrain que Jonathan Hayoun a choisi de se placer.

Mettant ses pas dans ceux d’Annette Wieviorka, auteure d’Auschwitz, 60 ans après (Robert Laffont, 2005) et ici conseillère historique, le réalisateur livre un premier film remarquable par la qualité des archives – souvent rares – et par le choix des intervenants (notamment celui des rescapés et des historiens). Et surtout par la manière dont il bouscule le téléspectateur à travers les multiples interrogations qu’il soulève quant au devenir et à la fonction de ce camp-musée. Christine Rousseau

« Sauver Auschwitz? », de Jonathan Hayoun (France, 2016, 55 minutes). Sur Arte+7 jusqu’au lundi 1er février.