Manifestation à l’aéroport de Los Angeles, le 28 janvier. | PATRICK T. FALLON / REUTERS

Ils sont détenteurs de cartes vertes ou de visas valides mais n’ont pas pu regagner les Etats-Unis après la fermeture sélective des frontières décidée par Donald Trump. Signé vendredi 27 janvier au soir par le nouveau président américain, ce décret interdit l’entrée sur le territoire pendant plusieurs mois à tous les réfugiés ainsi que pendant 90 jours aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane et considérés comme des viviers terroristes par Washington : Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen.

Résultat, des dizaines de personnes bloquées par les agents d’immigration et des scènes de détresse à répétition dans les aéroports de plusieurs villes américaines. La presse américaine a recueilli les témoignages de quelques-uns d’entre eux.

  • « Vais-je perdre mon travail pour toujours ? »

Nazanin Zinouri, résidente américaine depuis près de sept ans, était en Iran depuis quelques jours pour rendre visite à sa mère, son frère et sa sœur quand elle a entendu des rumeurs affirmant que les ressortissants de pays majoritairement musulmans ne pourraient pas retourner aux Etats-Unis. La jeune femme de 29 ans a immédiatement tenté de rentrer chez elle mais à Téhéran, les vols étaient retardés en raison de fortes chutes de neige. Elle n’était qu’à Dubaï quand le décret est entré en vigueur et les autorités ont refusé de la laisser monter à bord d’un avion pour les Etats-Unis.

Jointe par l’agence Associated Press (AP) dimanche, elle dit avoir passé son temps à suivre l’actualité et à angoisser notamment pour sa maison et son travail. « Que va devenir mon chien ? Mon chien est malade. Est-ce que quelqu’un va l’adopter ? », a-t-elle interrogé. « Vais-je perdre mon travail pour toujours ? », s’est aussi inquiétée cette titulaire d’un doctorat de l’Université de Clemson, en Caroline du Sud, salariée d’une société de technologie dans l’Etat.

  • « C’est tellement insultant »

Abdollah Mostafavi, originaire d’Iran, voyageait à San Francisco pour une chirurgie de la hanche quand ce détenteur d’une carte verte, âgé de 80 ans, a soudain été stoppé à l’aéroport international de San Francisco samedi. Il a été retenu six heures par les agents d’immigration avant de pouvoir retrouver sa fille, retenant ses larmes, et son petit-fils de 8 ans.

« Je ne connais aucun Iranien qui ait pris part à une attaque terroriste. C’est tellement déshumanisant. C’est tellement insultant. J’ai grandi durant la Révolution iranienne et je ressens cette même suffocation. C’est difficile de respirer », s’est indignée sa fille auprès d’AP. « Il [nous] a dit qu’il semblait qu’ils avaient pour ordre de les retenir mais qu’ils n’avaient aucune idée de quoi faire ensuite. »

  • « Le mariage a été officiellement annulé »

Nashwa Alhoussaini, âgée de 21 ans, est originaire de Damas, en Syrie. « J’ai beaucoup de famille qui vit à l’étranger », a-t-elle dit à CNN lors d’une manifestation à l’aéroport de Détroit, dimanche. « En fait, j’ai un membre de la famille qui essaie de faire venir sa fiancée ici et nous allions assister à leur mariage le mois prochain, mais il a été officiellement annulé. »

  • « Ce n’est pas pour cela que nous nous sommes battus »

Le décret a aussi donné l’occasion à Jeffrey Buchalter de participer à une manifestation pour la première fois de sa vie. Ce vétéran de la guerre en Irak, désormais instructeur chargé de l’application de la loi au Département de la sécurité intérieure des Etats-Unis, a été choqué d’entendre sur MSNBC qu’un Irakien ayant travaillé comme interprète pour les forces américaines n’avait pas pu rentrer aux Etats-Unis après l’entrée en vigueur du décret. Il a alors pris la route pour rejoindre l’aéroport international de Washington-Dulles avec sa plus jeune fille et son fils.

« Ce n’est pas pour cela que nous nous sommes battus », a-t-il expliqué Los Angeles Times. Quand il a vu une famille irakienne sortir de détention à l’aéroport, il leur a présenté une médaille Purple Heart, un médaillon violet décerné par le président des Etats-Unis, et représentant pour lui la bonne volonté de son pays. « Connaissant leur culture et leur vision de l’Amérique, pour moi, c’était un moyen de leur envoyer un message : ce qu’ils pensent être l’Amérique, c’est ça. C’est le meilleur endroit au monde. »