L’Ouganda saura-t-il éviter l’écueil d’une économie tout-pétrole ?
L’Ouganda saura-t-il éviter l’écueil d’une économie tout-pétrole ?
Par Gaël Grilhot (contributeur Le Monde Afrique, Kampala)
Le pays d’Afrique de l’Est sera exportateur de brut dès 2020. Mais, à l’affût de nouveaux investisseurs, Kampala s’est fortement endetté pour développer ses infrastructures.
De pays importateur de pétrole, l’Ouganda devrait devenir pays exportateur d’ici à 2020. Une chance pour son gouvernement, qui a mis en place un programme d’infrastructures pour dynamiser son économie. Mais ces investissements se fondent essentiellement sur l’espoir de revenus pétroliers qui n’existent pas encore : 6,5 milliards de barils de réserves, dont 1,5 milliard de barils immédiatement « récupérables » : les ressources du nord du lac Albert devraient permettre, selon Kampala, de récupérer 2,4 milliards de dollars (2,25 milliards d’euros) par an à partir de 2020. L’ambition affichée des autorités ougandaises est d’arriver à faire passer le pays au rang d’« économie à revenu moyen » à cet horizon.
Conscient de sa faible production en électricité, qui freine le développement économique, le gouvernement a ainsi développé plusieurs projets, dont la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Est, inaugurée à Soroti en décembre 2016, et qui doit fournir de l’électricité à plus de 40 000 habitants de la région. Ou encore le barrage de Bujagali, achevé en 2012, qui bénéficie d’une capacité de 250 MW. D’autres projets sont en cours de construction, comme le barrage – controversé – d’Isimba, mais le pays a énormément de retard à combler, 80 % de la population n’étant officiellement pas encore raccordé au réseau électrique.
Des synergies entre le ferroviaire et la route sont également en prévision, avec le vaste projet multinational du Standard Gauge Railways (SGR), qui doit relier Mombassa, au Kenya, à Kampala dans un premier temps, avant d’être prolongé vers Kigali au Rwanda, ou encore vers la République démocratique du Congo (RDC). Le réseau routier a également déjà connu de profonds réaménagements avec la rénovation et la création de nouvelles routes et voies express, s’inscrivant là encore souvent dans une perspective d’intégration régionale.
Diversification en cours
Un vaste programme de grands travaux, donc, dont le but est de faire venir plus d’investisseurs, et qui est soutenu dans son principe par le Fonds monétaire international (FMI). Mais, pour financer cette ambitieuse politique, l’Ouganda emprunte beaucoup, et pas toujours dans les meilleures conditions. La directrice du FMI, Christine Lagarde, en visite dans le pays vendredi 27 janvier à l’occasion d’une tournée en Afrique qui l’aura menée en République centrafricaine et à l’île Maurice, a ainsi rappelé que s’il y avait « une abondance de financements disponibles » seront privilégiés « les projets [qui] s’opèrent de façon disciplinée, rigoureuse, et sont mis en œuvre de la meilleure manière possible ». Une critique à peine voilée, pour un pays qui a vu les derniers prêts de la Banque mondiale suspendus en septembre 2016 en raison de « retards dans l’efficacité des projets, de faiblesses dans le contrôle (…) et du faible niveau des décaissements ».
De 20 % du PIB en 2010, la dette ougandaise atteint désormais les 35 %. Rien de catastrophique en soi, mais les principaux revenus du pays sont tirés de l’agriculture (café, thé) et de l’exportation de matières premières. Les progrès dans le domaine de l’industrie de transformation (produits laitiers, biocarburants, industrie sucrière, etc.) ou encore dans les services ou le tourisme, sont certes probants, mais demeurent insuffisants pour que l’on puisse réellement parler d’économie diversifiée, susceptible d’apporter plus de revenus fiscaux à l’Etat.
« Si nous commençons à exporter ce pétrole, insiste le ministre des finances, tous ces problèmes de budget deviendront beaucoup plus faciles à résoudre. » Mais déjà, en octobre 2016, le FMI avait tenu, en présentant son rapport sur l’état des économies subsahariennes depuis Kampala, à avertir l’Ouganda de ne pas se reposer uniquement sur les futurs pétro-shillings. Sous peine de subir les mêmes déconvenues que le Nigeria, par exemple, qui a pris de plein fouet la crise pétrolière, et est aujourd’hui entré en récession (-1,8 % en 2016, selon les prévisions du FMI).
Jusqu’à aujourd’hui, aucun Etat africain n’est parvenu à suivre la voie norvégienne, et à mettre en place un modèle économique et social soutenu par l’argent du pétrole, sans faire reposer toute son économie dessus.