L’Assemblée nationale, à Paris. | BERTRAND GUAY / AFP

L’affaire Peneloppe Fillon a mis ces professionnels sous le feu des projecteurs. Qui sont les collaborateurs et les attachés parlementaires ? Que font-ils réellement ? Combien sont-ils payés ?

Dans une enquête publiée vendredi 3 février, Le Monde les a interrogés : ils décrivent un quotidien prenant et multiforme.

Nous avons également invité Marianne Darmon, assistante parlementaire du député socialiste Christophe Borgel et coprésidente du Cercle des collaborateurs et attachés parlementaires, à répondre à vos questions dans un chat diffusé aujourd’hui.

evisabelle : J’aimerais savoir comment s’organise votre journée en tant qu’assistante parlementaire, la proportion entre travail aux côtés du parlementaire en question et travail de représentation (réunions publiques, points presse…). Par ailleurs quel employeur effectif apparaît en haut de vos fiches de paie ? Merci.

Marianne Darmon : je suis collaboratrice à l’Assemblée et non en circonscription donc je ne fais pas de « terrain ». Je suis l’employée directe de mon député, c’est donc son nom qui apparaît en haute de ma fiche de paie dans la catégorie « employeur ».

G. : Comment sont gérés les contrats et les salaires des assistants parlementaires ? Est-ce que tout passe par l’Assemblée (ou le Sénat), ou le parlementaire gère-t-il personnellement l’enveloppe qui lui est attribuée pour ses assistants ? Si un parlementaire ne dépense pas l’intégralité de la somme attribuée pour ses assistants, qu’advient-il du reste ? Merci

Marianne Darmon : chaque contrat est déposé au service de la gestion financière parlementaire de l’Assemblée. C’est le trésorier de l’Assemblée qui verse le salaire indiqué sur le contrat de travail. Le député fixe seul le salaire dans la limite du crédit collaborateur qui lui est alloué, ou prend les sommes manquantes sur son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

La somme totale des salaires doit entrer dans les limites du crédit collaborateur du député (7 300 euros net par mois). Si le crédit collaborateur n’est pas épuisé, les sommes restent dans les caisses de l’Assemblée nationale.

teletravail : Est-ce que beaucoup d’attachés parlementaires travaillent exclusivement en dehors des hémicycles ?

Marianne Darmon : Aucun collaborateur ne travaille dans l’hémicycle, seuls les députés et les ministres ont le droit d’y entrer. Nous partageons un bureau avec notre député.

sam sansdents : Comment fait-on pour être « choisi » comme assistant si personne de notre famille n’est parlementaire ?

Marianne Darmon : comme pour tout travail, on envoie un CV et une lettre de motivation, puis on passe un entretien. En tout cas, j’ai fait comme cela.

Dume Quel est le sort d’un attaché parlementaire dont le député n’est pas réélu ?

Marianne Darmon : notre contrat est lié au mandat du député. Le jour où le mandat s’arrête, notre contrat tombe aussi automatiquement.

Lectrice : Est-il selon vous concevable qu’un ou une attaché parlementaire puisse effectuer ce travail pendant plusieurs années sans jamais être vue par qui que ce soit, à l’Assemblée nationale comme dans sa propre circonscription ? Merci d’avance, pour votre réponse.

Marianne Darmon : Ça me parait très difficile… A l’Assemblée, même si l’on reste enfermé dans son bureau, les huissiers et les agents d’accueil nous voient. Mais, de toute façon, nous sommes amenés à circuler pour aller au bureau des transports, apporter des parapheurs à son député près de l’hémicycle, aller à des réunions de travail, de validation d’amendements, etc.

En circonscription, les collaborateurs travaillent dans les permanences parlementaires, reçoivent les citoyens, vont à des réunions avec les élus locaux, accompagnent le député dans des manifestations locales, des fêtes, des visites d’entreprises, d’associations… et la liste est encore longue !

freddy : Pouvez-vous voter un texte de loi par procuration ?

Marianne Darmon : Non. Seul un député a la capacité de voter, c’est lui qui a été élu par les citoyens. Nous n’avons d’ailleurs pas le droit d’entrer dans l’hémicycle pendant une séance.

Manu : J’ai cru comprendre que la plupart des contrats d’assistant parlementaire sont des CDI. Qu’advient-il de ce contrat en fin de législature, si le parlementaire n’est pas réélu ou ne se représente pas ? Avez-vous les mêmes droits qu’un « salarié ordinaire » qui subit un licenciement (chômage par exemple) ?

Marianne Darmon : oui, nous sommes pour ainsi dire tous en CDI, sauf ceux qui remplacent des collègues en congé maternité par exemple, ou lorsqu’il y a un surcroît de travail (les députés appliquent la loi, en fait !). Notre contrat tombe automatiquement quand le mandat du député cesse, c’est-à-dire s’il ne se représente pas, s’il est battu aux élections, s’il décède, s’il est nommé au gouvernement ou en mission longue auprès du gouvernement. Nous allons donc à Pôle emploi comme tout salarié de ce pays.

C’est d’ailleurs un vrai débat entre les collaborateurs et le Sénat et l’Assemblée. Car nous sommes licenciés pour motif personnel. Or, nous pensons que nous devrions être licenciés pour motif économique. Car, quand le mandat cesse, la TPE qu’est l’équipe parlementaire à la tête de laquelle le patron est le député, disparaît purement et simplement. Nous aurions alors une meilleure allocation chômage et surtout un meilleur accompagnement d’aide au retour vers l’emploi.

Jef : « Le Monde » parle de collaborateurs et d’attachés parlementaires. Cette distinction de vocabulaire correspond-elle à des activités et statuts différents ?

Marianne Darmon : on peut dire de manière indistincte assistant, collaborateur ou attaché. Classiquement, un attaché travaille pour un ministre. Un collaborateur ou un assistant travaille pour un député. Nous préférons dire « collaborateur », ce qui est un peu plus valorisant pour notre profession (et pour le député également !). Mon association s’appelle le Cercle des collaborateurs et attachés parlementaires, car elle regroupe les personnes qui travaillent pour des députés et des ministres de gauche.

Titin : Combien gagne un assistant parlementaire, en moyenne ?

Marianne Darmon : l’Assemblée nationale fournit des statistiques. Le salaire médian d’un collaborateur (Assemblée et circonscription confondues) est de 2 200 euros net par mois pour un temps plein. 10 % de nos collègues les moins bien payés gagnent moins de 11,21 euros bruts de l’heure. 90 % des collaborateurs parlementaires gagnent moins de 29,67 euros bruts de l’heure.

Alexandre T : L’Assemblée nationale fixe-t-elle des limites à vos fonctions ? Un parlementaire peut-il vous embaucher pour son secrétariat, lui faire des synthèses des amendements, être son chauffeur, repasser ses chemises ou ses robes, travailler sur sa campagne en vue de sa réélection ?

Marianne Darmon : le député fixe lui-même les missions de ses collaborateurs, mais elles doivent avoir un lien avec le mandat. Un collaborateur pourrait donc faire tout ce que vous venez d’indiquer - bon, le repassage, c’est limite, mais déposer une chemise au pressing est tout à fait possible -, à l’exception du travail pour la campagne qui est parfaitement prohibé par la loi et serait un motif d’annulation de l’élection.

Distic : Est-ce un choix de votre part de restreindre votre association à la gauche, ou est-ce une contrainte politique ?

Marianne Darmon : mon association a été fondée en 1985 (je n’étais pas née !), et une association de droite existait déjà depuis quelques années. Il s’agit de l’Association française des collaborateurs parlementaires, qui existe toujours et qui a les mêmes raisons d’être que la mienne. Nous avons les mêmes problématiques et entretenons de bonnes relations, car nous sommes finalement dans le même bateau. J’étais d’ailleurs avec son président, Nicolas Thibault, hier dans la matinale d’Europe 1 pour faire un peu la lumière sur notre métier, qui est exactement le même à gauche qu’à droite.

FE : Sur une semaine « moyenne », combien d’heures de travail « officiel » ? Puis chez vous ? Combien de courriels envoyés, reçus ? De courriers ? De documents Word, Excel, PDF échangés ? Merci !

Marianne Darmon : tout dépend de l’actualité, mais je ne fais pas 35 heures. Nous n’avons pas de pointeuse et il peut effectivement m’arriver de travailler un vendredi par mois de la maison pour la simple et bonne raison qu’il y a moins d’activité le vendredi à l’Assemblée - voire aucune - et le député est en circonscription.

Je continue alors à bosser sur les dossiers en cours, j’écris des notes, des articles pour le site de mon député, je gère la boîte mail à distance. Quant à vous donner des chiffres de documents et de mails échangés (vers l’extérieur, vers mon chef, vers ma collègue), il y en a tellement que je ne saurai vous dire !

Jean-Charles Bonjour : Quel cursus avez-vous ? Et quel est, en général, le profil des assistants parlementaires (âge, sexe, niveau d’étude et filière…) ? Merci.

Marianne Darmon : les cursus sont variés. Il y a quelques collaborateurs, souvent de circonscription, qui sont peu diplômés, mais la tendance fait qu’il y a de plus en plus de jeunes très diplômés. Pour ma part, j’ai fait une hypokhâgne et une khâgne, j’ai deux licences et un master d’Institut d’études politiques. Pour la répartition femmes/hommes, à l’Assemblée, c’est 50/50, en circonscription, plutôt 65/35.

Séverine : Avez-vous une idée de la proportion de collaborateurs apparentés à leur député/sénateur ? Merci !

Marianne Darmon : Apparenté peut s’entendre de deux manières : un lien de parenté ou « apparenté politique ».

Dans le premier cas, j’entends dire que cela concernerait 10 %, parfois 20 %, des parlementaires. Pour ma part, depuis cinq ans bientôt que je suis à l’Assemblée, je n’ai connu que trois cas de lien de parenté, et il y avait un réel travail effectué.

Dans le second cas, je ne connais pas de collaborateur qui ne partage pas la couleur politique de son élu. L’inverse me paraîtrait un peu schizophrénique. C’est un travail très prenant, nous écrivons pour le député, nous traduisons juridiquement la vision politique, sa volonté, lorsque nous rédigeons des amendements, des propositions de loi, nous imaginons leurs mots quand nous écrivons leurs discours. Nous sommes même parfois assimilés à notre député. Je vais prendre un exemple concret : pendant les débats sur le mariage pour tous, mon député, comme tous les députés qui soutenaient le texte, recevait des courriers, des mails, voire des appels ignobles. Pour tenir bon, vous êtes obligés de partager le même combat politique !

Juju : En moyenne, combien d’assistants ou d’attachés parlementaires par député ? Et sont-ils le plus souvent sur Paris, à l’Assemblée nationale, ou dans la circonscription du député ?

Marianne Darmon : l’équipe-type, c’est un collaborateur à l’Assemblée et deux en circonscription. A partir de quatre collaborateurs, soit ils ne sont pas très bien rémunérés (je rappelle que le crédit collaborateur est de 7 300 euros net par mois), soit il recourt à des temps partiels.

T : Utilisez-vous la boîte mail de votre député, ou bien avez-vous une adresse propre ?

Marianne Darmon : On peut faire une demande de création d’adresse mail, mais ce n’est pas une adresse@assemblee-nationale.fr. C’est quelque chose d’alambiqué, comme@clb-dep-nom du député.nom du collaborateur… Bref, une horreur ! Ça en dit d’ailleurs peut-être long sur notre place dans cette institution… En ce qui me concerne, j’utilise la boîte mail de mon député, que je gère, et je signe « Marianne Darmon, collaboratrice de CB ». C’est d’ailleurs la signature automatique de la boîte mail. Sinon, j’utilise également ma boîte personnelle pour les échanges avec ma collègue ou mon député.

Marie : Qu’aimez-vous dans votre travail ? Quelles sont vos missions « préférées » ? Merci !

Marianne Darmon : je déteste la routine, je suis une hyperactive qui a peur de s’ennuyer. Mon activité est liée à l’actualité politique et législative qui change tous les jours. Dans ce métier que j’exerce depuis 2012, je suis un véritable couteau-suisse : secrétaire, juriste, plume, conseillère, attachée de presse, webmaster, community manager… En fait, un « collab’», comme on dit, c’est un « chef cab »/« dir cab » sans cab’. Mes missions préférées, ce sont celles où je vois concrètement comment j’aide mon député à mener à bien la mission pour laquelle il a été élu. C’était travailler sans relâche pendant des mois lorsqu’il a été rapporteur de la loi sur le non-cumul des mandats.

Une de mes plus « jolies » victoires, c’est une habitante de la circonscription qui a envoyé un mail à mon député parce qu’elle venait d’apprendre par sa caisse de retraite qu’elle n’avait pas le droit à la retraite progressive. La raison invoquée est qu’elle était auxiliaire de vie à domicile et qu’elle avait plusieurs employeurs. J’ai vérifié dans la loi, c’était effectivement fondé. J’ai donc appelé la conseillère parlementaire de Marisol Touraine [ministre des affaires sociales et de la santé] qui a pris l’attache de son collègue conseiller « retraites », au sein du cabinet de Mme Touraine. Quelques mois plus tard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été voté et il étendait la retraite progressive à tous les salariés. On avait effectivement mis en exergue qu’il y avait un « trou dans la raquette ». Le gouvernement y a remédié. Alors oui, j’aime mon métier :-)

Elfe Aquitain : Un assistant peut-il cumuler la fonction et être celui de plusieurs députés ?

Marianne Darmon : Si un collaborateur a un temps partiel, il ne peut pas, pour compléter son salaire, exercer n’importe quelle autre profession. Etre lobbyiste, par exemple, est interdit pour d’évidentes raisons de déontologie. Il y a des collaborateurs qui ont deux demi-temps pour deux députés du même groupe politique, surtout si les députés siègent dans la même commission. Le travail de production de note est, par exemple, ainsi mutualisé, en somme.

Edith : A lire vos réponses, il semble que le statut d’attaché soit relativement précaire et que vos fonctions dépendent uniquement de votre employeur direct. Ne pourrait-on pas imaginer un statut défini au niveau national, ce qui diminuerait sans doute une certaine précarité et préviendrait les abus ?

Marianne Darmon : Bien vu ! Si je ne me sens pas précaire dans ma rémunération (ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous les collaborateurs parlementaires), nous sommes tous précaires dans notre emploi. Celui-ci est en effet lié au mandat du député. Et le contrat est en outre basé sur un lien de confiance : le député n’a qu’à invoquer une confiance « brisée » pour le rompre.

C’est pourquoi, avec nos amis syndicalistes, et notamment le SNCP-FO, nous nous sommes battus depuis de longues années pour avoir un accord collectif. Victoire, après l’expertise d’un avocat reconnu du droit du travail, la création d’une association de députés-employeurs et des mois de négociations : nous avons enfin un accord collectif qui entrera en vigueur dans un mois. Il est assez minimaliste :

  • pérennisation des acquis existants, comme le maintien intégral du salaire pendant le congé maternité. Ces acquis relevaient jusqu’à présent de décisions unilatérales de l’employeur (du président de l’Assemblée nationale en fait, ou de la questure : les trois députés élus par leurs pairs pour tenir, notamment, les finances de l’Assemblée).
  • forfait-jour pour les salariés qui bénéficient de l’autonomie dans l’organisation de leur travail.
  • indemnité de fin de législature. C’est une sorte de prime de licenciement qui s’ajoute à l’indemnité légale de licenciement. Elle est plafonnée, loin d’être mirobolante, et sera bien utile s’il y a un changement de majorité parce que nous serions à nouveau des centaines en même temps sur le marché du travail.

Nous aimerions que cet accord soit plus vaste et surtout qu’il soit étendu à tous nos collègues - et pas qu’aux collaborateurs dont le député a bien voulu adhérer à l’association des députés-employeurs. Mais pour cela, il faudrait qu’il y ait une branche des collaborateurs parlementaires. C’est au ministère du travail de le décider. Par ailleurs, nous aimerions bénéficier du licenciement pour motif économique et non personnel. Sur ce point, je vous renvoie à une réponse que j’ai écrite plus tôt dans ce live.

laedelao : Je suis assistante parlementaire à temps partiel (je fais le suivi législatif, je rédige des interventions, des amendements en lien avec les collaborateurs du groupe etc.). Je travaille en circo, mais je me rends compte que je connais très mal mes droits. Et notamment en cas de rupture du contrat. En cas de non réélection de « mon » député, est-ce forcément un motif personnel qui sera invoqué ? Qui décide cela ? L’Assemblée ou le député ? Je n’ai jamais eu de badge à l’Assemblée nationale, j’ai un mail perso pour le travail dont je me sers très peu puisque je réponds directement aux mails sur la boîte mail du député. Par contre, il me semble que ce ne serait pas compliqué de « prouver » mon travail. Avec tous les écrits, les mails échangés, les collaborateurs, les cabinets, les élus et les citoyens impliqués dans ce travail « ultra-relationnel », même quand il s’agit de rédiger, j’ai de nombreux échanges. J’aimerais avoir les coordonnées de votre association. Merci pour ce travail au service de ce « vrai » métier. Merci pour ce live.

Marianne Darmon : Merci pour ta question témoignage. C’est très révélateur de l’isolement que peuvent ressentir nos collègues de circonscription. Tu trouveras nos coordonnées en tapant CCAP dans ton moteur de recherche, ou bien en te tournant vers les syndicats de l’Assemblée (comme le SCNCP-FO que j’ai pu citer tout à l’heure, mais aussi la CGT, la CFDT, etc.).

Si ton député n’est pas réélu, tu seras forcément licenciée pour motif personnel car même si c’est ton député qui t’emploie, seule l’Assemblée fixe les règles (oui, je sais c’est étrange…). Et elle ne semble pas vouloir revenir là dessus pour cette fin de législature. Nous aurons a priori à la place une sorte de surprime de 2 000 € pour les collaborateurs qui ont au moins un an d’ancienneté et qui seraient « sur le carreau » si leur député n’a plus de mandat en juin 2017. Pour toute la deuxième partie de ton message, ton cas est très courant. Au plaisir de te rencontrer ou te parler un jour !

Dapsang : Quelle est l’origine des fonds qui servent à payer vos prestations ? La réserve parlementaire ? L’indemnité du parlementaire ? Quel est contractuellement votre employeur : l’institution ou le parlementaire ? Pour sa propre imposition, déduit-il les rémunérations versées aux attachés ? Etes-vous assujettie au régime général de la Sécurité sociale ? Payez-vous l’IRPP ? Bénéficiez-vous d’avantages fiscaux ?

Marianne Darmon : je suis payée via le crédit collaborateur qui est provisionné dans le budget de l’Assemblée nationale (celui-ci est voté en loi de finances mais aussi composé de fonds propres à l’Assemblée). Son montant est de 9 561 euros bruts, les cotisations patronales étant payées par l’Assemblée. Mon contrat est géré par l’Assemblée, je suis payée par virement bancaire chaque mois par le Trésorier général de l’Assemblée nationale. Mais mon seul et unique employeur est le député qui m’a embauchée et qui a confié la gestion de mon contrat à l’Assemblée contre une contribution de 60 € par mois. Je ne bénéficie d’aucun avantage fiscal, je suis une salariée lambda. Si je compare ma feuille d’imposition avec celle de mon conjoint qui est pharmacien hospitalier, il n’y a que le revenu fiscal de référence qui est différent, toutes les lignes sont identiques. Pas d’avantage, pas de chauffeur, pas d’appart’de fonction, pas de 7 000 € par mois, je suis tristement banale 😉


Franck : y-a-t-il des députés qui n’ont pas d’assistant parlementaire, soit parce qu’ils réalisent le travail eux-mêmes, soit parce qu’ils produisent si peu que cela n’est pas nécessaire ? En effet, lorsque l’on suppose que l’intégralité du budget du crédit collaborateur est versée pour un emploi fictif, il faut tout de même bien que le travail soit fait.

Marianne Darmon : à ma connaissance, aucun député n’emploie aucun collaborateur. Ou alors, il ne fournirait aucun travail et la sanction serait celle des urnes ou de son parti qui ne le réinvestirait pas ! Il faut forcément quelqu’un pour répondre au téléphone, recevoir les habitants, associations, élus, dans sa permanence, débroussailler les projets et propositions de loi, répondre aux courriers, mails, rédiger les amendements, etc. Si un député arrive à faire tout cela et siéger en plus en commission, dans l’hémicycle, et assister aux réunions et auditions, c’est que Superman existe !!


Mohamed : Les indemnités des assistants parlementaires sont-elles plafonnées par individu ou le député gère-t-il une enveloppe à sa guise ?

Marianne Darmon : le député décide lui-même de la répartition des 7 200 euros nets entre ses collaborateurs. Mais, à aucun moment, il ne voit cet argent. C’est l’Assemblée qui verse les salaires sur la base du salaire inscrit sur le contrat déposé au service de la gestion financière parlementaire de l’Assemblée. Dans la majorité des cas, le crédit collaborateur n’est d’ailleurs pas à 100 % utilisé. Il peut rester par exemple 3 000 euros en fin d’année sur ce qu’on appelle le « reliquat du crédit collaborateur ». Le député peut décider de donner une prime (dans la limite de 3 000 euros tous les trois mois) à ses collaborateurs (toujours à sa discrétion). Il peut en céder une partie à son groupe politique pour rémunérer les collaborateurs qui travaillent au groupe. L’argent peut également rester dans les caisses de l’Assemblée.

Le seul plafond qui existe, et c’est sous la législature du président Bartolone - débutée en 2012 - que cela a été instauré, c’est qu’un député ne peut verser plus de la moitié de son crédit collaborateur à un collaborateur qui a un lien de parenté avec lui. En somme, le salaire maximum, ce serait le maximum du crédit collaborateur, et le salaire minimum, c’est le SMIC.

Chantal : Un barème pré-établi des salaires des collaborateurs et attachés parlementaires ne pourrait-il pas éviter des salaires non justifiés ? Et, bien sûr, plus de transparences sur la justification de ces emplois.

Marianne Darmon : C’est effectivement une bonne piste. Mais le risque serait que des députés décident de revoir les salaires à la baisse. Je sais en tout cas que l’idée d’un barème ne fait pas l’unanimité chez mes collègues. Quant à la justification des emplois, je ne saurais pas vous dire comment procéder. Jusqu’à cette affaire, je ne m’étais jamais posé la question parce que je vois tous mes collègues travailler, que ce soit dans mon couloir à l’Assemblée ou quand j’appelle dans les permanences en circonscription.

Je pense que le premier des contrôles possibles, c’est celui des citoyens. Chacun peut concrètement vérifier si le député de sa circonscription a une permanence, si quelqu’un décroche le téléphone, si le site Internet du député a une activité qui relate son activité législative et sur le terrain. Je ne crois pas en la remise en cause de la démocratie représentative. Mais je pense que les citoyens, notamment par leur vote, peuvent facilement en être acteurs.