Les concours, une sélection pas si sévère
Les concours, une sélection pas si sévère
Par Jean-Claude Lewandowski
En dépit de leur réputation d’exigence, les examens d’entrée des grandes écoles sont plus accessibles qu’on ne l’imagine. Quant à médecine, un doyen fait valoir qu’une fois passé la première année, « le taux d’échec est très faible ».
Les grandes écoles de management offraient l’an dernier 7 805 places en tout aux élèves des classes préparatoires, pour 10 684 candidats | CC by 2.0
Concours : le mot seul effraie les étudiants, qui préfèrent emprunter les voies des admissions « sur titres », par exemple. Ou choisissent de se tourner vers des filières réputées moins sélectives. L’idée même de numerus clausus, inhérente à la notion de concours, les tétanise, tant ils ont l’impression de se retrouver au pied d’une montagne.
Il faut pourtant y regarder de plus près. Car tous les concours ne sont pas aussi sélectifs qu’il y paraît. Bien sûr, certains d’entre eux affichent des taux de réussite particulièrement bas. A Polytechnique, la proportion des admis au cycle ingénieur est d’environ 8,5 %. « Pour 1 520 places au concours Mines-Télécom, nous avions l’an dernier environ 16 500 inscrits », indique Raymond Chevallier, directeur des études et de la formation à l’IMT Lille-Douai. De quoi faire hésiter les éventuels candidats. A Sciences Po Paris, le taux d’admis au « collège unique » – à l’issue du bac – était l’an dernier de l’ordre de 14,5 %. « Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un concours, précise Anne Lesegretain, responsable des admissions. Et les bacheliers de toutes les filières, littéraires comme scientifiques, ont leur chance. »
Certains concours d’entrée, en dépit d’une réputation d’exigence élevée, sont pourtant nettement plus accessibles. Ainsi, les grandes écoles de management offraient l’an dernier 7 805 places en tout aux élèves des classes préparatoires, pour 10 684 candidats. Soit un taux d’admissions « théorique » d’environ 73 %. Encore faudrait-il tenir compte des candidats qui se présentent en dilettantes, ou qui sont absents le jour des épreuves.
« En réalité, il s’agit plus d’un dispositif destiné à répartir les étudiants entre les écoles que d’une sélection draconienne, admet Alain Joyeux, président de l’Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales. Et sur les quelque 30 % de candidats qui n’intègrent aucune école, la plupart ont réussi un concours, mais préfèrent “cuber”[recommencer] dans l’espoir de rejoindre un établissement plus coté. » Et bonne nouvelle : le nombre de places mises au concours des écoles de commerce vient d’être légèrement relevé cette année, pour un nombre de candidats qui, il est vrai, devrait être un peu supérieur.
Une part de hasard
« Tout le monde n’accède pas aux classes préparatoires, nuance Patrice Houdayer, directeur des programmes à Skema. Un premier filtre fonctionne à ce niveau. Et par la suite, les écoles les plus cotées n’offrent qu’un nombre limité de places. Le système n’est peut-être pas draconien, mais au final, la sélection s’opère bel et bien, par étapes. » Diagnostic similaire pour Stéphan Bourcieu, directeur général de la Burgundy School of Business : « Certes, chaque candidat a de fortes chances d’obtenir une place, mais elle ne correspondra pas forcément à ses attentes. La sélection est bien réelle, et le concours reste un juge de paix entre les écoles. »
Le même constat vaut pour les écoles d’ingénieurs. « La sélection s’opère plutôt à l’entrée en classe préparatoire », dit Sylvie Bonnet, présidente de l’Union des professeurs de « prépas » scientifiques.
De même, aux concours de recrutement d’enseignants, la sélectivité est une notion parfois très relative. Certaines académies en sont réduites, faute de candidats, à abaisser la barre du dernier admis – parfois bien au-dessous de la moyenne. Et même à l’agrégation, si le taux moyen d’admis en 2016 ne dépassait pas 16,5 % des présents, il était de 22,5 % en espagnol, de 29,5 % en lettres classiques, voire de 45 % en grammaire…
Quant aux études médicales, leur accès reste difficile, avec environ 25 % d’admis seulement au concours de la première année commune aux études de santé. Mais la sélectivité varie aussi selon les universités. En outre, le numerus clausus sera relevé cette année de 478 places, pour atteindre 8 124 en tout. « Le système n’est peut-être pas aussi effroyable qu’on le dit parfois, ajoute Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine de l’UPMC. Passé la première année, le taux d’échec est très faible. Alors que dans d’autres disciplines, la sélection est étalée sur une plus longue période. »
En réalité, quand le taux d’admis à un concours est bas, c’est aussi, bien souvent, parce que nombre de candidats se présentent sans réunir vraiment les conditions requises : préparation bâclée, profil inadapté aux attentes des examinateurs… Sans compter qu’un concours comporte toujours une part de hasard. Celui-ci peut pénaliser le candidat – méforme le jour de l’épreuve ou sujet sur lequel il avait fait l’impasse. Il peut donner aussi un sérieux coup de pouce : on peut tomber sur une question que l’on a déjà traitée ou être particulièrement « inspiré » le jour J. La réputation d’exigence d’un concours ne doit donc pas décourager les candidats bien préparés. Et déterminés.