Non, Google ne peut pas « dépixelliser » une image comme dans les séries policières
Non, Google ne peut pas « dépixelliser » une image comme dans les séries policières
Par Morgane Tual
Des chercheurs de Google Brain ont développé une technologie permettant de composer un visage à partir d’une image très pixellisée. Mais pas au point d’identifier une personne.
A gauche, l’image pixellisée. A droite, l’image originale. Au centre, la proposition du programme développé par Google Brain. | Google Brain
C’est un cliché des séries policières : les agents obtiennent l’image d’un suspect, souvent issue d’une caméra de surveillance, mais elle est tellement pixellisée qu’il est impossible de reconnaître la personne. Grâce à un logiciel perfectionné, ils vont toutefois parvenir, en quelques secondes, à « dépixelliser » l’image pour voir apparaître nettement le visage du suspect.
Jeudi 2 février, des chercheurs de Google Brain, une branche du géant du Web consacrée à l’intelligence artificielle, ont publié un article – qui n’a pas, pour le moment, été évalué par d’autres scientifiques – montrant comment ils parvenaient à recomposer des visages à partir d’images de 8 pixels sur 8 seulement. La fiction est-elle pour autant en train de devenir réalité ? Pas si vite.
Pas le bon visage
Concrètement, qu’ont réussi à faire les chercheurs de Google ? A partir d’une image de 8 × 8 pixels, ils créent effectivement un visage. Mais à aucun moment ils ne prétendent réussir à reconstituer le visage initial : ils parviennent « seulement » à créer un visage à l’apparence réaliste, avec une résolution de 32 × 32 pixels. En clair, la machine essaie de deviner ce à quoi aurait pu ressembler le visage avant sa pixellisation, mais il ne s’agit que d’une supposition fondée sur des probabilités – et le programme peut en faire plusieurs.
A partir de la même image pixellisée, le programme peut émettre plusieurs propositions… parfois monstrueuses. | Google Brain
Aussi, si les visages proposés par la machine sont dans certains cas relativement proches de l’original, ils sont souvent très différents. Dans ces conditions, l’idée de pouvoir utiliser ce type d’algorithme à des fins d’identification par la police est « dangereuse », estime Jean Ponce, chercheur en vision artificielle à l’Ecole normale supérieure :
« Pour la police, il faudrait une technologie plus valide, on ne peut pas arrêter des gens sur la foi d’un algorithme qui ne marche que de temps en temps. »
Mais, comme il le souligne, « cet algorithme n’a pas été conçu pour ça ». Les chercheurs de Google Brain ne disent à aucun moment que leur technologie pourrait servir à des fins d’identification, notamment pour les forces de l’ordre.
Des technologies déjà existantes
Qui plus est, ce type de technologie n’a rien de nouveau. L’équipe de Google Brain n’est pas la seule à s’être penchée sur le sujet. Depuis des années, des chercheurs travaillent à « dépixelliser » des images. Mais cela se fait à partir d’images de bien meilleure résolution que celles sur lesquelles se penche Google Brain. « Plein de techniques existent déjà, qui fonctionnent plus ou moins bien », précise Jean Ponce. Travailler sur des images de 8 × 8 pixels est en revanche très rare.
L’article de Google Brain donne peu de détails sur la technologie développée, si ce n’est qu’elle se repose sur une méthode d’apprentissage fondée sur des réseaux de neurones artificiels – comme la plupart des techniques de dépixellisation les plus efficaces aujourd’hui. Elle consiste à « entraîner » la machine avec un grand nombre de paires d’images, composées de la version originale et de la version pixellisée. Elle doit ensuite tenter, à partir de ces nombreux exemples, d’en déduire l’apparence initiale d’une image pixellisée – et donc « de générer de nouveaux détails plausibles pour un observateur humain », souligne l’équipe de Google.
Ses résultats sont intéressants, mais ne s’apprêtent pas à révolutionner l’enquête policière. Google n’a d’ailleurs pas tenu à mettre en avant cet article, parmi ceux que ses chercheurs publient régulièrement en ligne.