Le discours antimédias au cœur de la riposte du candidat de la droite
Le discours antimédias au cœur de la riposte du candidat de la droite
Par Alexandre Lemarié
François Fillon espère ressouder son électorat en se posant plus que jamais comme la victime d’un complot.
François Fillon en meeting à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne), le 9 février. | GUILLAUME SOUVANT / AFP
Feu sur les médias ! Depuis les premières révélations du Canard enchaîné, François Fillon a adopté une stratégie de riposte très offensive vis-à-vis de la presse pour tenter d’accréditer l’idée d’un complot. « On scrute ma vie au laser, cherchant la moindre erreur, la moindre faille, le moindre scoop », s’est indigné le candidat de la droite, jeudi 9 février, lors d’un meeting à Poitiers, en se disant « la cible d’une attaque impitoyable, partiale, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 » de la part d’un « tribunal médiatique ». Avant lui, l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a fait copieusement huer les journalistes présents, en les accusant d’avoir œuvré à « une entreprise de démolition ».
Trois jours plus tôt, François Fillon s’en était déjà pris à une presse qu’il juge à « 90 % » contre lui, lors de sa conférence de presse, en reprochant aux journalistes d’en avoir « trop fait » autour des soupçons d’emplois fictifs pesant sur sa famille pour le « lyncher » et l’« assassiner politiquement ». Les mots sont forts. Ils avaient été soigneusement choisis par le candidat. Sa stratégie de riposte consiste en effet à se poser en victime d’un complot qui associerait la presse, la justice et le pouvoir dans le seul but de l’« abattre » politiquement.
Son objectif ? Ressouder son électorat, en suscitant un réflexe de solidarité à son égard sur le thème : « Je suis attaqué injustement, il faut me soutenir ! » Pour contribuer à faire naître un sentiment d’« acharnement » à son encontre, ses soutiens n’ont pas eu de mots assez forts pour s’insurger contre le rôle joué par la presse dans l’affaire Fillon : Bruno Retailleau a dénoncé une « lapidation médiatique », Jacques Myard un « terrorisme médiatique », David Lisnard un « détournement d’opinion publique » ou encore « un procès à charge »…
« En désignant les médias comme un bouc émissaire pratique et en affirmant qu’ils déforment la réalité, François Fillon se situe dans un registre populiste », analyse l’historien Christian Delporte, spécialiste de la communication politique. « Ce procédé, qui consiste à créer un imaginaire hors sol et à jouer sur la défiance des Français à l’égard des journalistes, est une tradition lepéniste, abondamment utilisée par Nicolas Sarkozy », rappelle-t-il. De fait, l’ancien chef de l’Etat avait adopté cette ligne de défense à chaque mise en cause dans une affaire judiciaire.
Voix discordantes
L’usage est tout sauf nouveau. « S’attaquer aux médias est un grand classique. Les politiques s’en prennent souvent aux journalistes quand ils sont en difficulté, et notamment dans les affaires qui touchent à leur honneur. Or, les journalistes font juste leur boulot », explique l’historien des médias et président de l’Observatoire de la déontologie de l’information Patrick Eveno, dans un entretien au Monde.fr.
L’ironie du sort : si M. Fillon s’attaque aux journalistes quand il est concerné par des affaires, il se réjouissait de leur travail lorsque leurs révélations visaient son rival Nicolas Sarkozy. Jeudi, il a d’ailleurs demandé à la presse d’« exiger » des « informations » de ses concurrents à la présidentielle, en particulier Emmanuel Macron.
Au sein même de son camp, quelques voix se sont fait entendre pour critiquer cette rhétorique antimédias. « Je ne crois pas aux complots et aux officines (…) Je crois que les journalistes font leur travail », a déclaré le député LR Dominique Bussereau, jeudi, sur Europe 1. Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, l’a rejoint le lendemain, sur Franceinfo : « Il y a une révélation qui est faite par un journal, Le Canard enchaîné, qui est connu pour cela. Il y a ensuite des journalistes qui rapportent l’information, les explications, les accusations et la défense, cela me paraît parfaitement logique. » Avant de conclure : « La presse fait son travail et je ne pense pas qu’il y ait un complot. »