Déçue par APB, « j’ai au final réalisé un rêve qui n’en était pas un au début »
Décue par APB, « j’ai au final réalisé un rêve qui n’en était pas un au début »
Par Séverin Graveleau
Chaque année, la procédure Admission post-bac, qui permet aux lycéens de s’inscrire dans le supérieur, fait des mécontents. Mais les solutions pour rebondir sont multiples, comme en ont témoigné d’anciens lycéens.
Portail APB 2017. | DR
« Je me souviendrais toute ma vie de ce jour où j’ai tout “merdé” sur Admission post-bac », lance Havana, 25 ans. Comme toutes celles et ceux qui ont répondu à notre appel à témoignages lancé sur Le Monde.fr, Havana n’a pas obtenu, lors de son année de terminale, la réponse escomptée à ses vœux d’études supérieures. Mais ce fut finalement « un mal pour un bien », affirme-t-elle, sept ans après.
Mais son cas n’est pas isolé, ce qui rassurera les quelque 800 000 jeunes appelés à formuler leurs souhaits d’orientation d’ici à un mois – le 20 mars – sur APB 2017 : en 2016, seuls 64 % des bacheliers généraux avaient obtenu leur premier vœu. Tout comme 51 % des bacheliers technologiques et… 38 % des bacheliers professionnels. Et quelque 6 % de bacheliers n’ont reçu aucune proposition à l’issue des procédures normale et complémentaire. Or, les témoignages recueillis permettent de dédramatiser la « sanction » APB. Les solutions pour rebondir se révèlent diverses et variées.
« Et pourquoi pas cette filière… finalement »
Havana concède avoir été quelque peu responsable de cette déception : « J’avais totalement oublié de classer mes vœux ». Une bourde qui la dirige directement vers une fac de droit, son premier vœu dans APB, dans une filière non sélective qui va l’accepter. Cette acceptation élimine de facto son deuxième vœu : le diplôme de technicien supérieur (DTS) en imagerie médicale qui l’intéressait vraiment. « Un vœu accepté élimine tous ceux de rang inférieur » : la règle d’or de la procédure…
Malgré un « premier semestre difficile en droit », elle a « décidé de continuer dans cette voie », trouvant peu à peu les cours « plus intéressants ». Havana est aujourd’hui une élève avocate heureuse dans la région Rhône-Alpes. Son témoignage montre qu’une orientation par défaut (certes, dans un « deuxième vœu ») n’est pas nécessairement synonyme d’échec, ni de malheur : « J’ai gravi les échelons (…) pour au final réaliser un rêve qui n’en était pas un quand j’ai commencé mes études dans le supérieur. » Encore faut-il laisser le temps à la filière en question d’exprimer sa saveur…
Contester la décision d’APB
Mais tous les candidats déçus ne décident pas d’accepter, et finalement d’apprécier, la formation proposée sur la plate-forme. Arthur, 20 ans, n’avait pas été retenu par la faculté de sciences politiques qu’il visait à cause du tirage au sort. Dans le cas des filières en tension de l’université, le tirage au sort est en effet parfois utilisé pour départager les candidats en surnombre, sans que le procédé soit réellement cadré juridiquement. Depuis quelques années, des candidats déçus saisissent avec succès les tribunaux administratifs pour contester cette utilisation et intégrer les filières initialement demandées.
Arthur n’aura pas eu besoin d’en arriver là : « J’ai décidé de m’obstiner, et de contourner le système de recrutement d’APB en déposant un dossier de dérogation à l’université, soutenu par une lettre de mon député. » Cela a été suffisant pour lui : il est aujourd’hui en troisième année. Selon lui, le portail APB ne permet pas d’imaginer « ces possibilités de contournement ».
« Tous les chemins mènent à Rome »
Que les quelque 800 000 candidats qui doivent faire leurs vœux cette année se rassurent, ce n’est pas parce que tous les regards se portent sur APB en cette période, que la décision qui va tomber le 8 juin ni, ensuite, détermine définitivement la suite de votre vie. L’enseignement supérieur français facilite, plus qu’avant, les passerelles entre les différents cursus afin de prendre en compte les erreurs d’aiguillage, améliorer la réussite ou l’insertion professionnelle. Il diversifie aussi les modes et les niveaux de recrutement afin de varier les profils. Autrement dit, vous pourrez vous réorienter ensuite.
« Tous les chemins mènent à Rome », rappelle ainsi Mathilde, 26 ans. La prépa qu’elle avait placée en premier vœu n’a pas voulu d’elle, direction donc la fac de psycho… pour quelques mois. Avant de raccrocher rapidement un BTS, puis une licence, et enfin une école supérieure de commerce (ESC) de province. « J’ai fini par être dans la même promotion en ESC qu’une fille de ma classe qui, elle, avait fait une prépa », raconte-t-elle. Comme quoi…
Même stratégie du côté de Marie. Cette année, elle va tenter de rattraper la deuxième année de licence en science cognitive qui ne l’avait pas acceptée en 2016 car elle n’était pas originaire de l’académie. « Pour contourner le refus d’APB », elle s’est inscrite en première année de psychologie dans une fac privée située dans la même académie… afin de revenir ensuite dans le public.
Tenter le « hors-APB »
Ce n’est pas parce qu’APB vous propose près de 12 000 formations sur son portail que « toutes » les filières de l’enseignement supérieur y sont proposées. Instituts d’études politiques, écoles de commerce ou d’ingénieur postbac, écoles d’arts ou formations paramédicales, etc. : rien ne vous empêche de poser des candidatures dans ces cursus en parallèle de vos demandes formulées sur la plate-forme.
Corentin, 18 ans, élève de terminale L qui n’avait pas été pris, entre autres, dans le DUT carrières sociales qu’il visait, a ainsi découvert « sur Internet » l’Institut régional de travail social (IRST) où il se prépare aujourd’hui au concours d’éducateur spécialisé. « Avec de la volonté et un peu de recul sur soi, il est largement possible de sortir la tête de l’eau », explique-t-il. Mais tout cela demande du « soutien ». Cet appui est d’autant plus important dans le cadre des filières hors APB que celles-ci peuvent être de niveaux très variables. Il faut alors être attentif aux accréditations et reconnaissances officielles (Etat, Conférence des grandes écoles, présent dans le Répertoire national des certifications professionnelles, etc.).
Faire une pause…
Plusieurs témoignages rapportent la pression – et l’impression, d’avoir, avec APB, dû choisir, sans vraiment savoir ce qu’elle recouvrait concrètement, une filière ou un domaine précis. Du haut de ses 17, 18 ans, il n’est pas toujours facile de se projeter dans un métier… qui est de toute façon amené à évoluer. Lorsqu’on s’aperçoit qu’on s’est trompé, il peut alors être bon de faire une pause, le temps de se trouver. C’est ce qu’à fait, tardivement, Fatima, étudiante de 22 ans, après trois années de prépa littéraire. « J’ai décidé de faire un service civique en rapport avec ce que j’aimais faire. » Créé en 2010, ce dispositif pour les 16-25 ans permet d’effectuer une mission d’intérêt général dans une association. Près de 100 000 jeunes ont effectué une telle mission en 2016.
Le service civique a confirmé à Fatima son envie de faire des sciences politiques, filière dans laquelle elle s’épanouit aujourd’hui. Elle le recommande logiquement. Mais il peut être aussi une simple « expérience de transition », explique de son côté Pierre-Benoît, 18 ans. De quoi « gagner un peu d’argent en se rendant utile et en découvrant le monde du travail », le temps de réfléchir à son orientation.
Que ce soit pour contester la décision, se réorienter en postulant ou non à la procédure complémentaire, ou pour tenter le « hors-APB », voire pour faire une pause enrichissante, le plus important est de réagir vite, conseille Gaitan, 19 ans, « de rebondir immédiatement et très rapidement lors des résultats APB afin de trouver une orientation qui vous convienne ». En ayant bien en tête, précise-t-il, qu’« il y a toujours une solution, malgré le refus de nos vœux par APB ».