Sept planètes rocheuses découvertes autour d’une étoile naine
Sept planètes rocheuses découvertes autour d’une étoile naine
Par Pierre Barthélémy
L’étoile Trappist-1 est située à 39 années-lumière de la Terre. Trois de ses planètes se trouvent dans la zone dite d’habitabilité, où l’eau peut exister sous forme liquide.
Vue d’artiste dépeignant ce qui pourrait se trouver à la surface de la planète Trappist-1f, où la présence d’eau liquide est possible. | NASA/JPL-Caltech.
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C’est un peu, dans une version astronomique, l’histoire d’une femme enceinte qui croit attendre des triplés et apprend, lors de l’échographie, que sept bébés grandissent dans son ventre… La maman, c’est l’étoile Trappist-1 ; les enfants, sept planètes rocheuses plus ou moins semblables à la Terre, dont une équipe internationale emmenée par des chercheurs belges de l’université de Liège ont annoncé la découverte, mercredi 22 février, dans la revue Nature. « Ce n’est pas la première fois que l’on trouve un système planétaire avec sept planètes, mais c’est la première fois que les sept planètes en question sont toutes rocheuses », précise Franck Selsis, chercheur au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux et cosignataire de l’article.
Trappist-1 est située à 39 années-lumière de nous, dans la constellation du Verseau. Dans le jargon des spécialistes, il s’agit d’une « naine ultra-froide », c’est-à-dire d’une toute petite étoile, dont la masse représente 8 % de celle du Soleil et dont le rayon est à peine supérieur à celui de Jupiter, la plus grosse planète du Système solaire. Et elle est dite « ultra-froide » non pas parce qu’on y gèle – cela reste une étoile… – mais parce que sa température de surface, d’environ 2 200 °C, est très inférieure à celle que l’on mesure pour d’autres astres – 5 500 °C pour le Soleil par exemple.
C’est précisément ce nanisme stellaire qui a intéressé l’équipe liégeoise lorsque, sous la direction de Michaël Gillon, elle a conçu le petit télescope Trappist (pour « Transiting Planets and PlanetesImals Small Telescope »), installé en 2010 au Chili. Comme son nom complet l’indique, cet instrument exploite le phénomène appelé « transit » : lorsque, pour les observateurs lointains que nous sommes, une planète extrasolaire passe devant son étoile, la luminosité de cette dernière est légèrement amoindrie, une baisse d’éclat dont on peut déduire la présence d’une planète, et son rayon.
Un imbroglio à démêler
Plus l’étoile est petite, plus la détection est aisée. Et si elle est minuscule, il devient même envisageable d’obtenir des informations sur l’atmosphère de l’exoplanète qui transite. D’où le choix fait par les concepteurs du projet Trappist de se concentrer sur les compagnons des naines ultra-froides, car c’est peut-être d’eux que viendra la réponse à l’une des plus grandes questions de l’astronomie et de l’humanité : la vie existe-t-elle ailleurs que sur Terre ?
En 2016, l’équipe de Michaël Gillon annonçait avoir découvert trois planètes plus ou moins analogues à la nôtre autour de Trappist-1. Mais, après cette fournée déjà spectaculaire, l’analyse plus approfondie des données a intrigué les chercheurs, qui se sont demandé s’ils avaient bien tout vu… Cette interrogation a entraîné un suivi minutieux de l’étoile et la mobilisation de nombreux télescopes dans le monde entier : en plus du Trappist chilien, son double marocain a été sollicité, ainsi que quatre autres instruments aux Canaries, à Hawaï et en Afrique du Sud.
Cependant, comme l’explique Valérie Van Grootel, chercheuse à l’université de Liège et cosignataire de l’étude, le pari scientifique n’en était pas gagné pour autant : « On a accumulé énormément de transits d’origine inconnue mais sans trop savoir quoi était dû à qui… » En ignorant combien de planètes passaient devant Trappist-1, en travaillant sur des observations discontinues – la Terre tourne et l’étoile disparaît du champ des télescopes – ou sur des événements lors desquels deux voire trois exoplanètes transitaient en même temps, la modélisation du système tournait au casse-tête. Il y avait trop d’inconnues et certains transits demeuraient inexpliqués.
L’imbroglio a pu se démêler, ajoute l’astronome belge, quand l’équipe a « obtenu vingt jours d’observation, quasiment en continu, de Trappist-1 par le télescope spatial Spitzer de la NASA : contrairement à ce qui se passe au sol, dans l’espace on peut suivre l’étoile en permanence. Plusieurs groupes ont analysé les données et beaucoup d’ordinateurs ont tourné pendant des jours afin de trouver une solution où il n’y avait plus de transit orphelin ».
Les exoplanètes évoluant autour de Trappist-1 sont donc passées de trois à sept, baptisées, selon la nomenclature en vigueur dans le monde astronomique, Trappist-1b, c, d, e, f, g et h. Cinq sont à peu près de la taille de la Terre, et deux autres un peu plus petites – environ trois quarts du rayon terrestre.
Zone d’habitabilité
Dans ce système où l’étoile centrale est minuscule, tout est plus resserré, à commencer par les orbites. La planète la plus intérieure fait le tour de son soleil en seulement un jour et demi, tandis que la plus extérieure met une vingtaine de jours pour effectuer sa révolution. Qu’on ne croie pas pour autant que, situés à proximité immédiate de leur étoile, les membres de ce cortège s’apparentent tous à des astres calcinés par le feu stellaire. Certes, les trois plus proches de Trappist-1 connaissent probablement des situations à la Vénus, qu’un effet de serre galopant a transformée en enfer. La plus éloignée doit quant à elle ressembler à un monde gelé.
Mais entre ces deux extrêmes, c’est-à-dire pour les planètes e, f et g, le cadre s’annonce plus sympathique : la naine ultra-froide envoyant dans l’espace assez peu d’énergie – par rapport à ce qu’émet le Soleil –, des planètes même proches d’elle ne reçoivent qu’une chaleur modérée, ce qui les place dans la zone dite d’« habitabilité », celle où l’eau se trouve sous forme liquide, condition favorable à l’apparition de la vie. « Parmi les données qui restent à préciser, explique Franck Selsis, celle qui m’excite le plus c’est la densité de ces planètes, car on pourra en déduire si l’eau est toujours là. »
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Il y a néanmoins un risque, poursuit le chercheur français : que les exoplanètes situées dans la zone d’habitabilité… ne soient pas habitables. « Dans leur jeunesse, les étoiles naines sont très actives et émettent des rayonnements UV extrêmes, des rayons X, beaucoup de vent stellaire », décrit-il. « Cela n’est pas du tout propice à l’apparition de la vie, reconnaît Valérie Van Grootel. Cela peut éroder l’atmosphère voire la souffler complètement. »
Quoi qu’il en soit, en l’état actuel des technologies, les compagnons d’étoiles naines restent les meilleurs candidats pour étudier les atmosphères d’exoplanètes de taille terrestre. Identifier les molécules présentes dans ces atmosphères sera l’une des tâches du successeur du télescope spatial Hubble, le James Webb Telescope, qui devrait être lancé en 2018. Ce qui permet à la chercheuse belge d’émettre, posément, un pronostic : « D’ici dix ans, on saura s’il y a de la vie sur les planètes que nous venons de découvrir. »
Les aventures de Trappist-1 ne sont donc pas terminées, d’autant moins que les chasseurs d’exoplanètes n’en ont pas fini avec elle : peut-être d’autres planètes, plus éloignées, leur ont-elles échappé. « En mars vont arriver quatre-vingts jours de données recueillies par le télescope spatial Kepler de la NASA. On n’exclut pas du tout de voir d’autres planètes. On aimerait savoir s’il y a des planètes plus massives : une grosse planète rocheuse – une super-Terre – ou une petite planète gazeuse – une Neptune… » Et si, en fait, Trappist-1 avait des octuplés ?