Disney réduit ses ambitions sur YouTube
Disney réduit ses ambitions sur YouTube
LE MONDE ECONOMIE
En diminuant fortement le nombre de créateurs dans sa division Maker Studios, le groupe espère se rapprocher de la rentabilité.
Walt Disney Studios à Burbank, en Californie. | © Fred Prouser / Reuters / REUTERS
Disney revoit ses ambitions à la baisse sur YouTube. Jeudi 23 février, Maker Studios, une division du géant américain des médias et du divertissement, a annoncé qu’il allait très nettement réduire son activité sur la populaire plate-forme en ligne de vidéos. Il va passer de plus de 55 000 créateurs sous contrat à quelques centaines. Dans le même temps, 80 emplois seront également supprimés.
« Nous sommes devenus trop grands pour notre modèle initial. Nous allons désormais privilégier une approche plus ciblée avec nos créateurs », expliquent les responsables de Maker, sans donner de chiffre précis. Selon le Wall Street Journal, l’objectif serait de sélectionner environ 300 youtubeurs, qui disposent d’une vaste audience et qui correspondent aux valeurs familiales du créateur de Mickey.
Cette annonce intervient seulement quelques jours après la rupture du contrat qui liait Maker à PewDiePie, le youtubeur le plus suivi du monde avec près de 54 millions d’abonnés. De son vrai nom Felix Kjellberg, ce Suédois de 27 ans a été rattrapé par plusieurs vidéos controversées, dont une dans laquelle il avait rémunéré deux personnes pour danser en tenant un panneau portant l’inscription « mort aux juifs ».
Maker a été racheté par Disney en 2014
Fondé en 2009 à Culver City, dans la banlieue de Los Angeles, Maker Studios est un réseau de chaînes YouTube (multi-channel network ou MCN en anglais). Son fonctionnement se rapproche de celui d’une maison de disques. La société déniche de nouveaux talents sur Internet puis les aide à produire des vidéos, à se faire connaître et à monétiser leur audience, soit par de la publicité ou par des partenariats avec des marques. En échange, elle récupère environ 30 % de leurs revenus.
En mars 2014, Maker est racheté par Disney pour 500 millions de dollars (environ 473 millions d’euros). L’accord prévoyait également jusqu’à 450 millions de dollars de bonus, si l’entreprise atteignait différents objectifs.
A l’époque, les MCN ont le vent en poupe. En 2013, le studio d’animation Dreamworks a ainsi racheté le réseau AwesomenessTV pour un montant compris entre 33 et 117 millions de dollars. La même année, le groupe luxembourgeois RTL acquiert 51 % du capital de BroadbandTV pour 36 millions de dollars. Et l’allemand ProSiebenSat.1 crée Studio71, dans lequel TF1 vient d’investir 25 millions d’euros en échange de 6 % du capital. En 2014, le géant américain des télécommunications AT&T a pris, par ailleurs, une participation majoritaire dans Fullscreen.
Une nouvelle stratégie
Pour Disney, les belles promesses ne sont toutefois pas matérialisées. Certes, l’audience de Maker ne cesse de progresser. Le réseau revendique désormais dix milliards de vidéos visionnées chaque mois, contre quatre milliards en 2014. Mais il continue, selon le Wall Street Journal, de perdre de l’argent, tout en étant en retard sur la feuille de route fixée par sa maison-mère. D’ailleurs, le groupe de Burbank n’a finalement versé que 175 des 450 millions de dollars de bonus prévus, portant le prix final de son acquisition à 675 millions.
Constatant son échec, Disney mise désormais sur une nouvelle stratégie. Maker Studios a perdu son indépendance, intégrant la division chargée des produits dérivés et des médias interactifs du groupe de divertissement. Ses youtubeurs devraient ainsi être invités à collaborer avec les autres branches de Disney, afin de promouvoir son gigantesque portefeuille de franchises. Par exemple, pour assurer le marketing d’un nouveau film avant sa sortie en salle.
Les difficultés de Maker s’expliquent notamment par sa course au nombre. Une grande partie de ses 55 000 créateurs sous contrat génèrent une faible audience, qui ne permet pas à la société d’entrer dans ses frais. En réduisant la voilure, Disney espère ainsi se rapprocher de la rentabilité. Maker a aussi connu une vague de départs au sein de sa hiérarchie, notamment celui de Ynon Kreiz, son directeur général.
Des marges très faibles
L’entreprise a également tardé a diversifié ses sources de chiffre d’affaires. Selon le Hollywood Reporter, elle a généré 370 millions de dollars de recettes en 2016, dont 300 millions grâce aux publicités affichées sur YouTube. Or, les marges y sont très faibles. La plate-forme de Google conserve en effet 45 % des recettes. Et Maker récupère moins du tiers des 55 % restants.
Comme ses rivaux, le réseau s’est lancé dans la production de vidéos pour des partenaires. Il a notamment signé un contrat avec Sling TV, une offre américaine de télévision sur Internet, pour lui accorder une exclusivité temporaire sur une douzaine de formats courts. Maker s’était également associé avec YouTube pour produire l’émission « Scare PewDiePie », qui vient d’être annulée par Google.
Ces initiatives n’ont cependant pas eu d’impact important sur les recettes. Maker n’est pas le seul MCN à rencontrer des difficultés pour réduire sa dépendance à YouTube. La semaine dernière, AwesomenessTV a officialisé l’abandon d’un projet de chaîne premium. Et, mercredi 22 février, Brian Robbins, son cofondateur et patron, a quitté son poste.