Emmanuel Macron, candidat du mouvement En Marche !, dédicace son livre « Révolution » à la librairie Cultura à Brive-La-Gaillarde, le 25 février. | Jean-Claude Coutausse/FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Le vieil homme tente de s’approcher, malgré les nombreux gardes du corps qui entourent Emmanuel Macron. « Je veux le toucher », s’excuse-t-il, béret sur le crâne et moustache aussi blanche que ses cheveux. Le contact des doigts sur l’épaule est bref, presque fugace. Mais il suffit à l’admirateur, qui repart déjà. Aucun mot n’a été échangé, l’ancien ministre ne s’en est même pas rendu compte, occupé à distribuer des sourires et à attraper des mains devant la librairie Cultura de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), où il est venu dédicacer son livre Révolution, samedi 25 février. Ses adversaires l’accusent de se prendre pour Jésus-Christ ou Jeanne d’Arc, mais certains de ses partisans ne sont pas loin de le penser.

Tout va mieux ! Empêtré depuis dix jours dans les polémiques nées de ses propos sur la colonisation et la Manif pour tous, Emmanuel Macron affiche à nouveau une mine réjouie. En mettant en scène son alliance avec François Bayrou, scellée dans un restaurant parisien jeudi 23 février, l’ancien protégé de François Hollande est habilement sorti de la spirale négative dans laquelle il était entré et s’attache désormais à redonner une dynamique à sa campagne.

Durant deux jours, vendredi 24 et samedi 25 février, d’abord dans le Lot puis en Corrèze et en Haute-Vienne, M. Macron a multiplié les réunions publiques et les rencontres, comme s’il voulait s’assurer de sa popularité. Il a été rassuré. A chaque halte de son périple, il a multiplié les poignées de mains et les selfies, comme si de rien n’était. « Tenez bon », « ne vous laissez pas faire », « on compte sur vous », lui ont lancé ses sympathisants. A Souliac (Lot), vendredi, l’ex-banquier a même réussi à se mettre dans la poche les quelques militants CGT venus l’attendre avant son meeting, les invitant à rentrer avec lui dans le palais des congrès de la ville, alors que l’entrée leur avait été refusée.

« Ce que je vous propose, ce n’est pas un projet fou »

Pour remobiliser ses sympathisants, un temps ébranlés par les polémiques, le candidat d’En marche ! a utilisé une vieille mais toujours efficace recette : taper sur l’adversaire. « Le débat de 2017 ne doit pas consister à savoir si l’on doit se soumettre aux juges ou pas », a-t-il lancé samedi lors d’une autre réunion publique, à Saint-Priest-Taurion, près de Limoges (Haute-Vienne), en référence aux démêlés judiciaires des candidats Front national et Les Républicains. « Fillon et Le Pen pourront bientôt faire du covoiturage pour aller voir le juge d’instruction », s’est même permis Richard Ferrand, député (Parti socialiste) du Finistère et secrétaire général d’En marche !, invité à ouvrir le meeting, qui a réuni un petit millier de personnes.

Sur le fond, Emmanuel Macron a aussi raillé les programmes de François Fillon et de Benoît Hamon. Supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, comme le préconise l’ancien premier ministre ? « Irréaliste », a dit M. Macron, qui propose néanmoins d’en réduire le nombre de 120 000 sur la durée de son quinquennat. Même ton à l’encontre de l’ancien ministre de l’éducation, critiqué pour son « projet qui ne produit pas ». « Ce que je vous propose, ce n’est pas un projet fou qui a déjà intégré la défaite face au travail », a-t-il ajouté dans une allusion au candidat socialiste. « La France n’a pas à être redressée par qui que ce soit, surtout par ceux qui ont contribué à l’affaiblir », a conclu l’ancien haut fonctionnaire.

Statuette en bois aux vertus miraculeuses

Désireux de s’adresser aux électeurs des campagnes, qu’il séduit moins que ceux des villes, M. Macron a multiplié les gestes dans leur direction. « Nos petites communes, elles demandent à entreprendre, à oser, à inventer (…). Je veux lancer une nouvelle phase de décentralisation », a-t-il insisté à Saint-Priest-Taurion, assurant que « la ruralité est une chance ». « Le projet de conquête qui est le nôtre est celui de la transformation de notre ruralité », a-t-il ajouté. Aux agriculteurs, il a détaillé son plan d’investissement de 5 milliards d’euros, destiné à moderniser leurs exploitations, sans expliquer néanmoins comment il comptait le financer. « Paysan, j’aime ce mot », a ajouté le natif d’Amiens, non sans une once de démagogie. M. Macron doit poursuivre cette opération de séduction lors d’une visite en Mayenne, mardi 28 février, et le lendemain au Salon de l’agriculture de Paris.

Ces déplacements dans de deux jours dans le centre de la France marquaient le coup d’envoi de « Territoires en marche », une opération de mobilisation des militants d’En marche ! dans les petites communes. Cinquante réunions ont été organisées au moment du meeting de M. Macron en Haute-Vienne, à Challex (Ain), à Donnay (Calvados), à Morienval (Oise) ou encore à Vibraye (Sarthe), afin de sensibiliser et mobiliser les électeurs. « C’est parti d’une idée d’un marcheur [nom donné aux militants d’En marche] et ça démarre très fort », se réjouissait l’entourage du candidat, qui espère récupérer ainsi des électeurs déboussolés de François Fillon.

Conscient qu’une campagne c’est aussi de belles images, Emmanuel Macron s’est enfin offert, vendredi, une visite de Rocamadour, la ville médiévale du Lot, fréquentée par près de 2 millions de touristes chaque année mais quasi déserte à cette période de l’année. Avec sa femme Brigitte, qui l’accompagne lors de chaque déplacement hors de Paris, l’ancien étudiant en philosophie s’est notamment rendu – sans la presse – dans la chapelle de la Vierge noire du Sanctuaire de Notre-Dame, où se trouve une statuette en bois aux vertus soit disant miraculeuses. L’histoire ne dit pas s’il a touché la sainte relique mais on ne parierait pas sur le contraire…