Le Maroc se retire d’une zone contestée au Sahara occidental
Le Maroc se retire d’une zone contestée au Sahara occidental
Par Charlotte Bozonnet
La région de Guerguerat, à la frontière avec la Mauritanie, était, depuis août 2016, le théâtre de tensions entre Rabat et les indépendantistes du Front Polisario.
Après plusieurs mois de tensions dans la région de Guerguerat, à l’extrême sud-ouest du Sahara occidental, la nouvelle a pris de court. Dimanche 26 février, le Maroc a fait savoir, sans donner d’explication, qu’il quittait la zone : « Le royaume du Maroc procédera, dès aujourd’hui, à un retrait unilatéral de la zone » de Guerguerat, à la frontière avec la Mauritanie, a annoncé le ministère des affaires étrangères dans un communiqué. Le royaume n’en a pas dit davantage, mais son annonce devrait permettre d’apaiser le climat dans ces quelques kilomètres de no man’s land, théâtre d’un face-à-face tendu entre Rabat et les indépendantistes du Front Polisario.
En août 2016, le Maroc avait entrepris des travaux de goudronnage d’une route entre la partie du Sahara occidental qu’il contrôle et la Mauritanie, distante de quelques kilomètres, officiellement pour lutter contre la contrebande. « Les travaux que [le Maroc] mène à Guerguerat sont éminemment civils et limités dans le temps, et ce jusqu’à la finalisation de la construction de la route », avait expliqué, en septembre 2016, Omar Hilale, l’ambassadeur marocain à l’ONU, parlant d’un objectif « stratégiquement sécuritaire » et d’un « petit tronçon de 3,5 kilomètres qui était un espace de non-droit, et où s’activaient tous les trafiquants de petites armes, d’êtres humains, de drogue et de voitures ». Pour cela, des ingénieurs, escortés par des éléments de l’armée, avaient franchi le mur de défense, c’est-à-dire la ligne de démarcation délimitant la partie du Sahara occidental sous contrôle marocain. De leur côté, les indépendantistes du Front Polisario, qui n’avaient pas de présence permanente dans la zone, y ont déployé une unité.
« Situation grave »
Les Nations unies s’étaient inquiétées des risques de dérapage de la situation. Un document confidentiel transmis fin août 2016 au Conseil de sécurité estimait que le Maroc et le Front Polisario avaient tous deux violé l’accord de cessez-le-feu de 1991, en déployant des hommes armés dans cette zone tampon. Vendredi 24 février, le roi du Maroc, Mohammed VI, s’est entretenu au téléphone avec le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en fonctions depuis le 1er janvier, pour « attirer son attention sur la situation grave » dans la zone. Le lendemain, dans un communiqué, le responsable onusien a exhorté les deux parties à retirer leurs troupes de la zone tampon le plus rapidement possible.
Ancienne colonie espagnole, le territoire du Sahara occidental est disputé par le Maroc – qui en contrôle, depuis 1975, environ 80 % – et les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Ceux-ci réclament la tenue d’un référendum d’autodétermination, comme fixé par les Nations unies, tandis que Rabat, considérant la zone comme faisant partie intégrante de son territoire (« ses provinces du Sud »), propose un statut d’autonomie.
Cette annonce marocaine survient quelques semaines après le retour du royaume au sein de l’Union africaine qu’il avait quittée en 1984 (il s’agissait alors de l’Organisation de l’unité africaine) pour protester contre la reconnaissance par cette instance de la République arabe sahraouie démocratique. La question du Sahara occidental a été centrale dans les discussions sur l’intégration du Maroc, certains Etats membres s’inquiétant de voir le conflit semer la zizanie au sein de l’organisation. Dans un communiqué publié dimanche, le Front Polisario a qualifié le retrait marocain de « poudre aux yeux ».