En pleine campagne électorale, des commémorations « à risques »
En pleine campagne électorale, des commémorations « à risques »
Par Nathalie Guibert
Les cérémonies du centenaire du Chemin des Dames et les 55 ans du cessez-le-feu en Algérie pourraient être agitées, redoute le secrétaire d’Etat aux anciens combattants.
François Hollande au cimetière de Cerny-en-Laonnois, près de Chemin des Dames, le 10 juillet 2014. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Le grand-père de François Fillon a combattu au Chemin des Dames, tout comme celui de François Hollande. Le 16 avril 2017, pour le centenaire de l’offensive lancée par le général Nivelle – une boucherie avec 350 000 morts – se retrouveront-ils côte à côte unis dans le souvenir ? En pleine campagne électorale, le calendrier mémoriel de l’année 2017, présenté mercredi 1er mars par le secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, pourrait être agité.
Le 19 mars, c’est M. Todeschini qui présidera la commémoration des 55 ans de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre la France et le gouvernement provisoire de la République algérienne. En 2012, François Hollande a fait du 19 mars la Journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie, des combats en Tunisie et au Maroc. Après les propos du candidat Emmanuel Macron, qui a qualifié le 14 février en Algérie la colonisation de « crime contre l’humanité », la communauté harkie et des rapatriés est à cran. M. Fillon, mais aussi la candidate du Front national, Marine Le Pen, ont vivement critiqué M. Macron. « Des manifestations sont attendues » pour cette cérémonie qui se tiendra à Paris, indique M. Todeschini.
Le 23 mars, le monument rendant hommage aux militaires morts en opérations extérieures, très attendu par les associations qui le voulaient aux Invalides, sera inauguré par le chef de l’Etat dans le parc André-Citroën à Paris.
« Unifier » les mémoires
Par ailleurs, le cycle des cérémonies du centenaire de la Grande Guerre se poursuit. Le 6 avril marque l’entrée en guerre des Etats-Unis – pas trop de chausse-trappe ici, n’était une cérémonie à Kansas City, au cours de laquelle le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, doit croiser les pas du président américain, Donald Trump.
Le 9 avril, ensuite, sera une journée très symbolique, pour l’anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, fondatrice dans l’histoire de l’émancipation du Canada vis-à-vis de la Couronne britannique. Vingt-cinq mille personnes sont attendues autour de François Hollande, dont le premier ministre canadien, Justin Trudeau, son homologue d’Ecosse, l’anti-Brexit Nicola Sturgeon, et trois princes anglais, Charles, William et Harry.
Le 16 avril, danger. Le Chemin des Dames, rappelle M. Todeschini, « porte une mémoire compliquée, avec les mutineries et les fusillés pour l’exemple ». Et, pour la première fois, un président de la République en exercice dirigera cette cérémonie nationale. « Si François Hollande avait été candidat, je pense qu’il n’y serait pas allé. »
En 1998, à Craonne (Aisne), le premier ministre Lionel Jospin avait décidé « d’intégrer dans la mémoire collective les fusillés pour l’exemple ». La Chanson de Craonne fut celle des mutins. Aujourd’hui, les historiens ont établi que la majorité des fusillés ont été exécutés en 1914 et 1915. Pour l’année 1917, 500 condamnations à mort avaient été prononcées, 27 furent effectives. Il s’agit, explique le gouvernement, d’un geste de « reconnaissance » qui doit « unifier » les mémoires en « mettant les cérémonies du Chemin des Dames au même niveau que celles de Verdun et de la Somme ».
« Commémoration compliquée »
« Notre politique est celle de l’apaisement des mémoires, mais cela ne veut pas dire l’oubli des mémoires », précise le secrétaire d’Etat, pour qui « c’est une commémoration compliquée, à hauts risques ». La chanson de Craonne sera entonnée. « Elle intéressera l’extrême gauche, tandis que la mention des fusillés pour l’exemple dans le discours présidentiel mobilisera l’extrême droite. »
Enfin, le 8 mai, lendemain du second tour de la présidentielle, le nouveau chef de l’Etat devrait inviter son prédécesseur à la traditionnelle cérémonie de la victoire de 1945. En 2012, François Hollande avait convié le sortant Nicolas Sarkozy. Le futur président en fera-t-il de même ?