Beaucoup estimaient que rien ne reprendrait avant mi-2017. Que les partenaires sociaux laisseraient passer l’élection présidentielle, une période de campagne étant peu propice aux discussions, avant de se remettre autour de la table. Et pourtant : mardi 7 mars, représentants du patronat et des syndicats ont bel et bien entamé le premier tour de leurs négociations pour la signature d’une nouvelle convention régissant l’assurance-chômage, huit mois après l’échec des premières discussions.

Tous les deux ans, patronat et syndicats doivent en effet décider des règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Réunis pour plusieurs séances de travail en juin 2016, ils n’étaient pas parvenus à trouver un accord, laissant l’Etat reprendre la main et proroger la convention signée en 2014. Le point d’achoppement : la surtaxation des contrats courts, ardemment souhaitée par les syndicats et tout aussi violemment rejetée par le patronat.

Aujourd’hui, l’ambiance semble tout autre. Certes, la réunion de mardi, première d’une série de quatre séances, n’a pas encore donné de résultats tangibles. Mais elle a permis aux uns et aux autres de présenter leurs idées et leurs revendications. Surtout, elle leur a permis d’apprécier le niveau d’engagement et d’ouverture de chacun. Tous sont ressortis satisfaits, considérant que le climat des discussions était « plus apaisé » qu’en juin.

« On a senti que plusieurs voies de passage s’étaient libérées. Nous avons l’espoir d’y arriver cette fois », s’est réjoui Michel Beaugas, négociateur pour FO.

« Tout le monde était plus ouvert qu’en juin, ça donne l’impression que des voies sont possibles pour trouver un accord », a abondé pour sa part Véronique Descacq, négociatrice pour la CFDT et numéro deux de la centrale.

Un déficit de 4,2 milliards d’euros

Reste aujourd’hui à trouver des points d’accord. Car il y a péril en la demeure : l’Unédic, l’organisme responsable de la gestion de l’assurance-chômage, affiche un déficit de 4,2 milliards d’euros. Abyssale, sa dette dépasse les 30 milliards. Pour assurer la pérennité du régime, les partenaires sociaux doivent ajuster les paramètres de l’indemnisation ou alors trouver de nouvelles recettes.

Or, les propositions de l’organisation patronale, envoyées quelques jours avant la première séance de négociations, sont aujourd’hui, selon les syndicats, loin de permettre un consensus. Le Medef considère que sur les 4 milliards d’euros de déficit, un milliard est conjoncturel, soumis aux aléas de la crise et au taux de chômage encore élevé. Deux autres seraient liés à des contingences qui dépassent les modalités de gestion de l’assurance-chômage par les partenaires sociaux. Il en serait ainsi de l’indemnisation des salariés frontaliers (cotisant en Suisse à un régime « moins généreux, explique le Medef, et indemnisés dans l’Hexagone ») mais aussi des frais de gestion de Pôle emploi auxquels l’Unédic contribue à hauteur de 10 % de ses recettes.

Contre-propositions

Reste un dernier milliard de déficit, sur lequel le patronat pense que les partenaires sociaux peuvent avoir prise. Pour le résorber, ils proposent entre autres d’augmenter l’âge à partir duquel une personne, considérée comme senior, a droit à trois ans d’indemnités. Le Medef souhaitant le faire passer de 50 à 57. Si la CFDT est d’accord pour le relever à 52, FO est, elle, plus mitigée. « Ça n’empêchera pas les employeurs de licencier à 50 ans », explique M. Beaugas. Par ailleurs, s’il est d’accord avec l’idée qu’une partie du déficit n’est pas de la responsabilité des partenaires sociaux, ce dernier estime qu’il ne faut « pas priver Pôle emploi de ressources à un moment crucial ». M. Beaugas estime en outre que le chapitre des contrats courts n’est pas totalement clos, même si le patronat est opposé à tout renchérissement du coût du travail.

Les syndicats qui ont mis sur la table des contre-propositions attendent maintenant des chiffrages de l’Unédic. Ils pourraient se mettre d’accord sur un contre-projet commun avant la prochaine séance, prévue le 14 mars. S’ils ne produisent pas de texte commun, les partenaires sociaux risquent de ne plus jamais signer de convention. Que ce soit chez François Fillon ou Emmanuel Macron, le paritarisme n’est plus en odeur de sainteté.