Le candidat socialiste Benoît Hamon dans une foyer de femmes le 8 mars. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Objectif, « sauver l’Europe ». Benoît Hamon doit présenter, vendredi 10 mars, son projet d’un nouveau traité de démocratisation de la gouvernance de la zone euro pour tenter de sortir l’Union de la situation de blocage qu’elle traverse depuis de longs mois. Le candidat socialiste veut, selon son entourage, « trouver un chemin qui refuse tout autant de continuer à construire l’Europe contre les peuples que de participer à sa destruction ». Un positionnement qui, espère-t-il, va le distinguer dans la campagne présidentielle de ses concurrents de gauche comme de droite.

« Il faut réveiller l’idéal démocratique européen piétiné ces dernières années. Après le Brexit, le statu quo n’est plus une option, alors qu’il y a, à terme, un vrai risque d’explosion de l’Union », estime l’économiste Thomas Piketty qui a travaillé, ces dernières semaines, à l’élaboration de ce projet de traité. Ce dernier joue pleinement le jeu du renforcement de la zone euro et de davantage d’intégration des politiques budgétaires avec un budget de la zone euro, tout en voulant assurer la « cohésion sociale » et « favoriser la croissance durable ».

La pierre angulaire du projet de M. Hamon repose sur « une nouvelle assemblée parlementaire et démocratique de la gouvernance économique de la zone euro » pour « mettre l’austérité en minorité » et imposer la fin du « diktat de la Troïka [Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international] ». Ce traité ne remplacerait pas les traités existants, mais viendrait les « compléter ».

Mettre les conservateurs en minorité

La future assemblée de la zone euro aurait des pouvoirs importants pour contrôler les décisions des chefs d’Etat ou des ministres des finances de la zone euro, « qui sont prises jusqu’à présent dans le secret de leurs réunions, sans devoir rendre de comptes aux opinions publiques européennes », explique M. Piketty. Mais l’assemblée pourrait aussi faire des propositions de lois, ce qui n’est pas le cas du Parlement européen.

Cette assemblée serait constituée principalement par des membres des parlements nationaux de chaque Etat membre, au prorata de leur population. Un cinquième de l’assemblée serait composé d’actuels eurodéputés. Elle aurait le pouvoir de statuer sur un budget propre de la zone, un impôt commun sur les bénéfices des sociétés – même si chaque Etat pourra adopter un taux d’imposition additionnel –, ou la mise en commun des dettes publiques au-delà de 60 % du PIB. Autant de sujets qui ne font pas l’unanimité au sein des pays de la zone euro.

D’après des projections réalisées par l’équipe de M. Hamon, la gauche progressiste et radicale serait majoritaire dans la future chambre, et pourrait ainsi mettre en minorité les conservateurs, à commencer par ceux de la droite allemande. Mais le camp des « progressistes » européens est lui-même divisé. Les sociaux-démocrates néerlandais ou slovaques sont souvent plus près des positions allemandes que françaises ou grecques. Pour les « hamonistes », cette initiative ne peut être balayée d’un revers de main par les partenaires de la France. « L’Allemagne a toujours cru dans les valeurs de la démocratie parlementaire, on n’imagine pas que ce pays, comme d’autres, puisse repousser toute discussion sur une union parlementaire et démocratique », estime M. Piketty.

M. Hamon a déjà pris des contacts avec des dirigeants de gauche européens, notamment avec Martin Schulz, candidat social-démocrate face à Angela Merkel aux élections outre-Rhin. « Notre projet de traité est une base de discussion, à chacun demain de l’améliorer », ajoute l’économiste. A commencer par les concurrents à gauche de M. Hamon à la présidentielle, Emmanuel Macron qui propose, selon M. Piketty, « le statu quo européen déjà entendu en 2012 avec François Hollande », et Jean-Luc Mélenchon qui « brandit la menace du plan B et de la sortie de la France, mais sans avancer aucun plan A ».

François Hollande a lui aussi plaidé pour un budget de la zone euro et un parlement spécifique. « Nous avons besoin d’un parlement de la zone euro », déclarait récemment le commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici. Mais pour lui, celui-ci doit se construire autour des eurodéputés de la zone euro, avec une participation de députés nationaux : « Un parlementaire national ne peut être un moteur de l’UE. Il défend son pays, sa circonscription et accessoirement l’Europe. »

M. Hamon devra aussi imposer l’idée de créer une nouvelle structure bruxelloise qui pourrait compter entre 130 et 400 parlementaires, d’autant que de nombreux eurodéputés, y compris au sein du groupe du PS français à Strasbourg, craignent de se retrouver au chômage technique.