Le Compte-Nickel doit faire face à sa première crise de croissance
Le Compte-Nickel doit faire face à sa première crise de croissance
LE MONDE ECONOMIE
Le compte sans banque a franchi le cap des 500 000 clients, mais le SAV peine à suivre.
Depuis son lancement en février 2014, le Compte-Nickel réalise un parcours à faire pâlir d’envie fintechs et banques en ligne. En trois ans, le compte sans banque, qui s’ouvre en quelques minutes dans un bureau de tabac, a réuni plus de 520 000 clients, 6 000 comptes sont ouverts chaque semaine. Et l’établissement espère être rentable cet été.
Le concept est inédit à plus d’un titre. Il s’est adressé dès l’origine à des clients fragiles et souvent exclus du système bancaire. Le service est en outre réduit au strict minimum : le compte s’ouvre en payant un abonnement annuel de 20 euros au buraliste, en présentant une pièce d’identité et un numéro de téléphone portable. Pas de découvert, pas de crédit. Et la gestion du compte se fait en temps réel, donc le paiement ne passe que si le compte est suffisamment approvisionné.
Enfin ce compte low cost est porté par une structure extrêmement légère, la Financière des paiements électroniques (FPE), qui ne recense aujourd’hui que 137 salariés. Et c’est certainement là que le bât blesse. La start-up ne serait en effet pas toujours en mesure de gérer son succès populaire.
Dysfonctionnements d’ordre technique
Ainsi, lorsque le Compte-Nickel fait face à des dysfonctionnements d’ordre technique, nombre de clients ont pris le pli de s’adresser directement au médiateur de l’Association française des établissements de paiement et de monnaie électronique (Afepame), dont la FPE est membre. « Je reçois presque chaque jour des appels de clients souvent très démunis qui ne parviennent pas à joindre les services du Compte-Nickel pour débloquer leur situation, explique Pierre-Grégoire Marly, professeur agrégé des facultés de droit et médiateur auprès de l’Afepame. Du reste, les demandes de médiation dont je suis saisi concernent presque exclusivement le Compte-Nickel. Je ne peux toutefois pas traiter la plupart d’entre elles car cela supposerait que les voies de réclamation auprès de l’établissement aient été épuisées. Or ces voies semblent difficiles d’accès pour les clients. »
En juin 2016, le magazine 60 millions de consommateurs avait listé une typologie d’incidents, allant des virements qui n’apparaissent pas sur le compte client aux paiements débités deux fois et recrédités avec retard. Et en février, les transactions de Compte-Nickel ont été bloquées pendant deux heures en raison d’une intervention informatique lors d’un pic de trafic.
« Les litiges portent souvent sur des problèmes techniques. Mais au bout de la chaîne, ce sont des clients qui ne peuvent pas s’acheter à manger car ils n’ont pas accès à leur argent, souligne M. Marly. La finalité du Compte-Nickel est très louable, mais derrière le vernis social, je crains que la relation client soit parfois délaissée. »
Embauche de 12 ingénieurs
La direction, qui a déjà été mise en garde par l’association des établissements de paiement, a conscience de certaines difficultés. « Nous sommes doublement sous tension : nous fonctionnons en temps réel et les populations qui utilisent le Compte-Nickel ont tendance à poser des questions, à vouloir connaître leur solde avant d’aller faire leurs courses », déclare Hugues Le Bret, le président de la Financière des paiements électroniques.
Le cofondateur de la FPE estime par ailleurs que son service vocal interactif, adopté pour filtrer les appels et limiter la taille de son call center, fonctionne bien. Il a tout de même prévu de recruter 15 nouveaux salariés d’ici à la fin mars afin d’améliorer son service client.
L’entreprise a également embauché 12 ingénieurs pour mettre en place une technologie permettant de gérer des quantités massives de données et améliorer ainsi son service. Au total, FPE a prévu d’augmenter ses effectifs de 50 % d’ici à la fin de l’année, à 209 salariés.
Le Compte-Nickel a par ailleurs amélioré son dispositif sur un autre front, celui de la conformité et de la lutte anti-blanchiment, après une mission menée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2016. « Depuis la mi-décembre, lorsqu’un client scanne sa pièce d’identité pour ouvrir un compte, nous croisons ses informations avec une liste de personnes sensibles en temps réel, détaille M. Le Bret. Et depuis le début de l’année, lors de l’ouverture d’un compte, nous posons aux clients des questions sur leurs revenus et leur patrimoine. » Autant de contreparties à son entrée dans le cercle des acteurs qui comptent dans la finance.