Au Malawi, des drones pour sauver la vie d’enfants atteints du sida
Au Malawi, des drones pour sauver la vie d’enfants atteints du sida
Par Amaury Hauchard (Lilongwe, Malawi, envoyé spécial)
L’Unicef va transporter les tests sanguins par les airs plutôt qu’en moto. Le projet est tellement prometteur qu’un corridor pour drones se prépare.
En mars 2016 au Malawi, des enfants assistent à une démonstration de drones. | UNICEF
C’est une histoire qui commence dans un avion, ironiquement. Judith Sherman, responsable américaine de l’antenne malawite de l’Unicef chargée du VIH, rentre aux Etats-Unis en vacances. « Je lisais un magazine et je suis tombée sur un reportage impliquant des drones transportant des pizzas, raconte-t-elle début janvier dans son bureau surclimatisé de Lilongwe. Je me suis dit que ça pourrait potentiellement être une idée pour le Malawi ! »
A son retour de vacances, le projet commence peu à peu à s’échafauder autour du difficile acheminement des tests sanguins aux huit laboratoires du petit pays d’Afrique australe. « Il faut amener les tests de plus de six cents centres à huit laboratoires, explique l’humanitaire. Aujourd’hui, ces livraisons se font en voiture, ou en moto pour les zones moins accessibles. C’est souvent long, et énormément de motos tombent en panne en chemin ! »
Alors l’antenne malawite de l’organisation en a référé au siège new-yorkais, « qui a immédiatement donné son feu vert », et les premiers essais ont pris place autour de Lilongwe. « On utilise des boîtes comme celle-ci, elles peuvent transporter deux kilos chacune », explique Mme Sherman, exhibant une petite caisse bleu clair à l’allure de vieille bonbonnière. Le premier vol de 10 kilomètres a eu lieu début janvier, et même s’il ne transportait pas de tests sanguins de dépistage du VIH, cela a été un franc succès.
« Alors que le dépistage peut aujourd’hui prendre jusqu’à trois mois, on espère baisser de temps d’attente pour les familles jusqu’à quelques jours », dit la directrice-pays chargée du VIH. Cette réduction des temps d’attente permettrait une mise sous traitement plus rapide des enfants atteints du virus. Selon l’Unicef, 10,8 % de la population adulte était séropositive en 2012, et 10 000 enfants sont morts de maladies liées au virus en 2014, selon le gouvernement. « C’est comme si un bus rempli d’adolescents avait un accident chaque semaine », explique Mme Sherman.
« Toutes les innovations sont possibles »
Outre l’acheminement des tests de dépistage du VIH, l’Unicef-Malawi a d’autres idées en tête pour le pays. Mi-décembre 2016, l’organisation a signé un accord de principe avec le gouvernement pour établir un corridor aérien réservé aux drones. « L’idée est de stimuler les entreprises et les acteurs humanitaires pour utiliser les drones dans d’autres domaines, explique Mme Sherman. Des dizaines d’opportunités sont envisageables… Par exemple, nous réfléchissons à installer des bornes télécoms sur les drones pour permettre une couverture réseau plus large. »
« Aujourd’hui, si les gens veulent regarder un match de football ou s’informer, ils doivent souvent marcher jusqu’à un bar ou un commerce, qui peut être très loin de chez eux, argumente l’humanitaire. Mais si on permet aux entreprises de pouvoir avoir une couverture réseau nationale et pourquoi pas le wifi, cela pourrait révolutionner les habitus malawites. » Au Malawi, seulement 35 % de la population avait, en 2015, un accès mobile régulier, et moins de 10 % un accès à Internet, selon la Banque mondiale.
Alors, le sourire aux lèvres, la quadragénaire, pleine d’espoir, liste les projets qu’elle espère voir se développer :
« Pour un usage agricole, pour la gestion des ressources hydrauliques, dans le secteur de la pêche, du transport aérien ou même dans un usage purement académique, toutes les innovations sont possibles tant qu’elles ont trait au développement. »
L’Unicef-Malawi a publié début 2017 un appel à projets, et les premiers tests aériens sur le corridor devraient être effectifs début juin, avec les entreprises et ONG sélectionnées.