Les nouveaux défis de la cartographie routière pour les voitures autonomes
Les nouveaux défis de la cartographie routière pour les voitures autonomes
Par Bernard Monasterolo (Austin (Etats-Unis), envoyé spécial)
Les capteurs des voitures sans conducteur ne suffisent pas : pour qu’elles trouvent leur chemin, il leur faut des cartes d’une très grande précision.
Le patron de Daimler (Mercedes), Dieter Zetsche, a expliqué sur la scène du festival SXSW l'importance des cartes précises pour la voiture autonome. | Bernard Monasterolo / Le Monde
« Les gens de moins de 20 ans n’ont jamais connu cette expérience », plaisante Dieter Zetsche en dépliant une carte routière en papier, devant une audience matinale mais concentrée à Austin (États-Unis). « Et le pire c’est quand il faut la replier… »
Le célèbre et moustachu PDG de Daimler (Mercedes) sait y faire avec le public texan qui a bravé la pluie qui tombe drue pour le voir, samedi 11 mars, au festival de technologie SXSW. Il est même monté sur scène avec une paire de boots dont il est « très fier ». Ce n’est pourtant pas de maroquinerie dont vient parler M. Zetsche mais des avancées de Mercedes sur le front des voitures autonomes, et plus spécifiquement de la cartographie, qui permettra à ces voitures de se diriger et de se repérer sur les routes.
C’est un pari onéreux qu’a fait le constructeur allemand, associé à BMW et Audi, en rachetant la société Here à Nokia en août 2015. En mettant plus de 3 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) dans cette société spécialisée dans la cartographie routière de précision, le conglomérat misait sur l’avenir et venait se placer en compétiteur direct de géants du marché comme Apple, Amazon, Uber ou Facebook qui réfléchissent activement à cette question.
Besoin accru de précision
On s’est en effet aperçu que la technologie de détection laser de l’environnement, qui équipe et guide les voitures autonomes et semi-autonomes, n’est pas totalement fiable. Il suffit par exemple d’une séquence pluvieuse sur une route ou d’un reflet trop prononcé pour que le véhicule ne comprenne plus sa position. C’est d’ailleurs ce dysfonctionnement qui est à l’origine de l’accident mortel d’une Tesla en Floride en mai 2016. Il fallait donc que les véhicules puissent recourir à un système complémentaire, voire indépendant, pour compenser ces carences en cas de besoin.
Ce travail de cartographie est celui de l’entreprise Here, dont le charismatique dirigeant Edzard Overbeek est venu aux côtés de M. Zetsche décrire la tâche minutieuse et complexe des véhicules de sa firme. Une flotte de 400 voitures sillonne les routes du monde entier pour les cartographier en basse définition, mais de nouveaux véhicules, les « true vehicles », fournissent des données haute définition depuis plusieurs mois. Ces données permettent de localiser une voiture avec une très grande précision, à 10 centimètres près. Les véhicules équipés de caméras 4k parcourent 50 000 kilomètres par semaine et captent 70 000 points de contrôle à la seconde (la forme de la route, les panneaux routiers…).
Un exemple de carte produite par Here. | Here
Des teraoctets de données sont ainsi rapatriés quotidiennement pour être analysés. C’est d’ailleurs cette complexité à traiter une telle masse de données qui est brandie par le président de Here lorsqu’on lui demande pourquoi ce travail de cartographie est si tardif alors que la capture d’images en haute définition n’est pas nouvelle.
Cartographie augmentée
En parallèle, Edzard Overbeek mentionne le « pouvoir des foules » ou la façon dont les véhicules autonomes existants pourront en temps réel mettre à jour les informations disponibles, « car il ne s’agit pas uniquement de cartographier, il faut aussi être capable de maintenir toutes les informations nécessaires en temps réel. Le public pourra fournir lui-même les modifications qu’il constate, en envoyant des photos qui seront recoupées avec les données disponibles ».
Mais surtout, le duo insiste sur la possibilité d’ajouter des couches d’informations sur la base cartographique. Selon Overbeek, les données seront même contextuelles et personnalisées pour le conducteur : « si c’est le matin et que le pilote est amateur de croissant, les boulangeries s’afficheront sur le chemin ». C’est donc une stratégie plus large qui s’éloigne fondamentalement de celle de la construction automobile. Une stratégie nouvelle que Mercedes expérimente et dans laquelle elle investit beaucoup.
À plusieurs reprises est par exemple évoquée la possibilité de visionner, sur un écran dans la voiture, les œuvres d’art du Louvre. « La voiture va devenir le troisième espace de vie, après le domicile et le travail : il faut occuper cet espace, vous pourrez vous y relaxer, vous divertir… vous pourrez faire plein de chose dans votre voiture puisque vous ne conduisez plus » explique M. Overbeek.
Qu’est-ce que South by Southwest ?
South by Southwest, surnommé « SXSW », est l’un des plus importants festivals au monde consacré aux nouvelles technologies – mais aussi à la musique et au cinéma. Il se déroule à Austin, au Texas, du vendredi 10 au mardi 14 mars. Plus de 33 000 personnes sont attendues pour assister aux centaines de conférences qui y sont données. Après Barack Obama ou encore Mark Zuckerberg, le festival doit accueillir cette année des personnalités telles que l’astronaute Buzz Aldrin, le « futuriste » de Google Ray Kurzweil ou encore l’équipe de la série Game of Thrones. Pixels suit le festival au quotidien dans une rubrique dédiée, mais aussi sur Twitter et Instagram.