Vortex ou l’art de capter l’énergie des tourbillons
Vortex ou l’art de capter l’énergie des tourbillons
Par Francis Pisani
Une des technologies les plus disruptives récompensées en avril 2016 dans le cadre des Prix Le Monde-Smart cities (catégorie « énergie »), est un simple mât qui, remué par les vents, produit de l’électricité. C’est difficile à croire. Mais ça marche.
Exemples de mini mâts Vortex conçus pour alimenter des maisons. | Vortex Bladeless
Lancé par un trio espagnol, Vortex repose sur un principe scientifique connu sous le joli nom d’« allée des tourbillons de Karman ». Quand un fluide (et le vent en est un) rencontre un obstacle, il se sépare pour se reformer de façon dissymétrique de l’autre côté. Modifiée, la distribution des pressions peut entraîner des vibrations susceptibles de faire bouger l’obstacle. Elles peuvent même le faire tomber, dans le cas d’une cheminée, voire d’un pont (comme celui de Tacoma aux Etats-Unis en 1940 comme l’illustre cette vidéo impressionnante).
Les meilleures innovations transforment les problèmes en opportunité. C’est ce qu’ont fait les fondateurs de Vortex Bladeless (David Suriol, David Yañezet Raul Martin) avec leur éolienne sans pale, qui utilise le phénomène comme source d’énergie renouvelable.
En action depuis 2012, l’équipe, basée à Madrid, a commencé par travailler pour le marché des éoliennes industrielles, explique David Suriol, en envisageant des mâts de 170 mètres susceptibles de générer 1 mégawatt. Mais, précise-t-il, « nous nous sommes peu à peu réorientés pour nous convertir en une technologie qui couvrirait l’utilisation résidentielle que les éoliennes tripales ne couvrent pas ».
Pour cela, le trio a modifié les technologies utilisées et repensé certaines formulations mathématiques afin de permettre, notamment, de maintenir la résonance quand les vents changent. Un véritable défi technique, objet du dépôt d’un nouveau brevet.
« Nous nous concentrons en ce moment sur la production d’un prototype de 1 mètre de hauteur capable de générer 5 watts de puissance avec des vents soufflant à environ 5 mètres par seconde », explique David Suriol.
L’objectif est de pouvoir commencer à commercialiser fin 2017 le Vortex de 5 watts avant de passer à celui de 100 watts, puis de sauter à l’échelle des kilowatts dans le courant 2018. Ils espèrent ainsi sortir de la recherche et développement pour se lancer sur un marché qu’ils estiment extrêmement prometteur.
« Une puissance de 5 watts peut paraître petite, reconnaît David Suriol, mais elle permet de couvrir une niche considérable dans laquelle seule figure pour le moment l’énergie solaire ». Après quelques hésitations, l’objectif semble maintenant clair : s’attaquer au « marché de l’économie distribuée », c’est-à-dire celui qui, sortant des monopoles de fourniture d’électricité, s’alimente à de multiples sources, éventuellement petites, mais dont la production s’additionne à d’autres plus grandes. « Nous aspirons à être un complément pour tous ceux qui ont déjà de l’énergie solaire ou qui veulent tirer parti du vent qui souffle sur leur zone résidentielle en installant un dispositif silencieux, économique et qui ne demande qu’un entretien minimum », dit David Suriol.
Vortex Bladeless a aussi profité de 2016 pour avancer dans son financement, avec un tour de table dont le montant n’est pas dévoilé. L’entreprise a en outre bénéficié d’un soutien de 1,3 million d’euros du programme européen Horizon 2020.
La technologie Vortex « a l’air magique », pour reprendre l’expression du romancier de science-fiction britannique Arthur Clarke. Mais réjouissons-nous qu’elle n’ait pas vu le jour du temps de Cervantès. Que ferions-nous avec un Don Quichotte sans vrais moulins à vent ?