L’exercice était inédit. Benoît Hamon, François Fillon, Alexis Corbière, qui représentait Jean-Luc Mélenchon, et Emmanuel Macron ont été auditionnés, jeudi 16 mars, par la CFDT à l’occasion de son enquête « Parlons travail ». Devant deux cent cinquante représentants de fédérations et d’unions régionales, chacun a eu droit à un grand oral d’une demi-heure. Tous ont eu un mot gentil pour leur hôte, le candidat du parti Les Républicains parlant de « relations de respect et de confiance », et celui d’En marche ! – qui, retenu à Berlin, avait enregistré une vidéo mercredi – se disant « de cœur » avec le syndicat.

Chaque candidat a joué le jeu de la vérité, sans occulter les sujets de fâcherie. Premier intervenant, M. Hamon, très à l’aise, a défendu sa taxe sur les robots et son revenu universel d’existence. « Il faut renforcer la négociation dans l’entreprise », a aussi affirmé M. Hamon, qui veut pourtant abroger la loi El Khomri, conçue dans ce but et soutenue par la CFDT. Avocat de la cogestion à l’allemande, le candidat socialiste préconise une extension des pouvoirs des comités d’entreprise afin qu’ils puissent « émettre un avis conforme sur l’usage de l’argent public » et sur « l’organisation du travail et l’emploi ».

La nouvelle loi travail de M. Hamon réhabiliterait la « fonction de régulation de la branche ». « Il y avait déjà des souplesses avant [dans le code du travail], et j’y suis favorable », a-t-il assuré, en s’engageant à ce qu’une « concertation ait lieu et que la loi soit le texte concerté ». « Je ne prendrai personne en traître pour que personne ne soit lésé, surpris et mécontent », a-t-il promis s’il est élu.

« En ce moment, c’est moyen »

Prié de dire s’il prenait du « plaisir au travail », comme 77 % des salariés dans l’enquête de la CFDT, M. Fillon a suscité des rires en répondant : « Cela dépend des moments. En ce moment, c’est moyen. » « Ce n’est pas une tâche facile de défendre cette idée à la CFDT », a-t-il enchaîné en évoquant la fin des 35 heures. « Fixer une nouvelle durée légale, c’est idiot », a-t-il lancé en proposant de laisser les entreprises négocier librement des accords majoritaires. Cette liberté de négocier – ou non – durerait entre un an et dix-huit mois. Une « durée moyenne de référence » serait ensuite fixée en fonction des accords signés.

M. Fillon a défendu la suppression de 500 000 postes dans la fonction publique et l’allongement de la durée du travail des fonctionnaires – « je reconnais que ce n’est pas la proposition la plus sexy » – en la justifiant par la nécessité de « baisser la dépense publique ». S’il a écarté l’idée « d’imposer de manière autoritaire les règles du dialogue social », il a jugé que la situation « explosive » requiert « des décisions stratégiques à prendre vite ».

« Suspendre » le compte pénibilité

M. Macron s’est présenté comme « le candidat du travail ». Il veut « suspendre » et non « supprimer » le compte pénibilité, défendu par la CFDT, et engager « une vraie négociation par branche pour le mettre en œuvre de manière adaptée ». Il serait intégré dans le système de retraite universel qu’il préconise. « Les syndicats sont mal vus parce qu’on a mal fait vivre la démocratie sociale », a-t-il souligné en affichant sa foi en « une République contractuelle ».

« Moi président, a-t-il osé, je suis pour donner moins de poids [aux syndicats] sur la gestion des grands risques, c’est de la responsabilité de l’Etat, et leur redonner beaucoup plus de place dans l’entreprise et dans la branche. Cela va changer le visage du syndicalisme. » A l’applaudimètre, M. Fillon a été le moins acclamé. « On est bien élevé à la CFDT, pestait une militante, sinon on lui serait rentré dans les dents. »