Le G20 se fixe comme priorité de stimuler l’investissement privé en Afrique
Le G20 se fixe comme priorité de stimuler l’investissement privé en Afrique
Par Marie de Vergès (Baden-Baden (envoyée spéciale)
Réunis, vendredi et samedi à Baden Baden, les ministres des finances et les banquiers centraux des vingt pays les plus riches du monde ont accueilli leurs pairs de cinq pays du continent noir. Les ONG craignent une initiative sans grand contenu.
C’est une première : à Baden-Baden, l’Afrique s’est invitée au G20. Réunis, vendredi 17 et samedi 18 mars, dans cette petite ville allemande proche de la frontière française, les ministres des finances et les banquiers centraux de ce club des grandes puissances (85 % du produit intérieur brut mondial) ont accueilli leurs pairs de cinq pays du continent noir : la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Rwanda, le Sénégal et la Tunisie. Objectif : articuler le lancement du « Compact with Africa », un projet présenté comme une priorité de la présidence allemande du G20 et censé stimuler l’investissement privé en Afrique.
Les symboles comptent. « Que le G20 passe un long moment avec cinq ministres africains, cela envoie un message important », insiste le grand argentier français, Michel Sapin. Même tonalité du côté des parties concernées. « Le G20 offre une excellente tribune et il est important que le reste du monde – et notamment l’Afrique – y soit associé », souligne le ministre des finances sénégalais, Amadou Ba.
Reste à savoir si l’initiative se traduira en acte. Et avec quelle portée. « C’est une chose excellente que le G20 mette enfin l’Afrique à l’agenda, mais le risque est que l’éléphant accouche d’une souris », met en garde Friederike Röder, directrice pour la France de l’organisation non gouvernementale de lutte contre l’extrême pauvreté ONE. « Ce projet, c’est beaucoup de “window dressing” [habillage symbolique], abonde une source européenne proche des travaux préparatoires. La présidence allemande du G20 n’est pas très étoffée, ils ont donc trouvé au dernier moment quelque chose qui donnait une coloration développement à l’ensemble. »
Rationalisation et coordination
De quoi est-il exactement question ? Le projet « Compact » repose sur une logique très allemande de rationalisation et de coordination. D’un côté : clarifier et mettre en cohérence tous les financements auxquels un pays peut prétendre de la part des bailleurs multilatéraux. De l’autre : engager ce même pays à souscrire à un paquet de mesures de « bonne » politique macroéconomique.
La caution du G20 à ce contrat d’ensemble doit catalyser l’investissement privé. Autrement dit, le groupe des Vingt apporte sa signature. Mais pas un centime d’argent nouveau.
Pour les observateurs, la direction est bonne : le continent noir souffre d’un manque criant d’investissements dans les infrastructures. Selon des données de la Banque mondiale, pour rattraper son retard en la matière, l’Afrique subsaharienne aurait besoin de plus de 93 milliards de dollars chaque année. Or, seule la moitié de ce montant est couverte.
Reste à savoir si le « Compact » peut réellement servir de déclencheur. « Il est difficile de croire qu’en se contentant de mettre un texte chapeau à des initiatives déjà existantes, on puisse vraiment changer les choses », doute Mme Röder, qui s’étonne aussi du faible nombre et du profil des pays aujourd’hui candidats : parmi les 54 Etats du continent, les cinq aujourd’hui sélectionnés figurent dans le haut du peloton en ce qui concerne la croissance ou le niveau de vie. Et sont déjà comparativement bien servis, à l’échelle africaine, en matière d’investissements privés.
Ne pas se cantonner aux images symboliques
Au risque de démentir la vocation d’une initiative axée sur le développement. « Il s’agit de maximiser les chances de réussite en se concentrant sur des pays qui ont un cadre macroéconomique robuste et ont déjà opéré des réformes, explique le ministre marocain des finances marocain, Mohamed Boussaid. C’est sans exclure les autres mais ça se fera de façon progressive. »
Côté africain, on prévient toutefois qu’il ne faudra pas se cantonner aux images symboliques. « On doit éviter que tout cela reste une idée, une initiative comme les autres autour de laquelle on se contente d’échanger », demande M. Ba. « Tout cela crée des attentes qu’il faudra remplir », renchérit M. Boussaid. Un événement est convoqué en juin à Berlin pour donner un coup d’accélérateur aux travaux.