François Hollande, en déplacement à Crolles (Isère), samedi 18 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

« Un bon débat de ministres gestionnaires », avait lancé François Mitterrand en regardant la confrontation d’entre-deux-tours entre les candidats à la présidentielle Lionel Jospin et Jacques Chirac en 1995. Que dira François Hollande, lundi 20 mars, à l’issue du premier débat télévisé, s’il prend le temps de le regarder, après son dîner de travail avec le premier ministre du Japon, Shinzo Abe ? En privé, le président multiplie les critiques contre cet exercice inédit, qu’il juge dangereux pour la démocratie, alors que les « petits » candidats – qui en sont exclus – en contestent le principe. « Le premier tour, c’est fait pour exprimer une démarche, une singularité, pas pour débattre », estime M. Hollande.

Pour le chef de l’Etat, cet échange entre les cinq principaux candidats « change la nature » du débat de second tour qui doit être « solennisé », réunir un maximum de téléspectateurs et être le moment de « cristallisation du vote ». « Si tout est banalisé, on primarise la présidentielle, on émiette, on fragmente et on met tout en équivalence », met-il en garde. « Après, cela devient difficile de refuser de débattre » avec le Front national, ajoute-t-il, en rappelant que Jacques Chirac n’avait pas voulu d’une confrontation médiatique avec Jean-Marie Le Pen, dont la fille Marine devait se trouver, lundi soir, sur le plateau de TF1, à égalité avec les autres candidats.

« La France est plus forte qu’il y a cinq ans »

Indépendamment du cadre, le chef de l’Etat se montre également très critique sur le niveau d’une campagne « altérée par le bruit et la brume » et jugée trop éloignée des préoccupations des Français. À l’écart de ce scrutin décisif, pour la première fois de sa vie politique, M. Hollande oscille entre deux attitudes : délivrer ses recommandations ou marquer ostensiblement son désintérêt. A l’heure où Benoît Hamon prononçait à Bercy son « discours du Bourget », devant 20 000 personnes chauffées à blanc, le président se promenait au château de Chambord, où il venait inaugurer les jardins à la française. Le soir de la victoire du candidat du PS, à la primaire de janvier, M. Hollande se trouvait en plein désert d’Atacama, au Chili…

Le chef de l’Etat préfère vanter son propre bilan, comme il l’a fait samedi 18 mars à Crolles (Isère) dans un long discours testamentaire, prononcé devant plusieurs centaines d’élus et militants socialistes, dans un gymnase fervent et nostalgique. « Les faits, regardons-les (…) : la France, elle est plus forte qu’il y a cinq ans. Alors, puisque peu le disent, je vais le dire à leur place », a-t-il lancé, amer et bravache, suscitant des applaudissements compatissants. « Je pense que [Benoît Hamon et Emmanuel Macron] voudraient le dire, mais ils n’y arrivent pas, allez savoir pourquoi ! », a-t-il ajouté.

Et le président d’égrener ses « résultats » : croissance à la hausse, chômage en baisse, déficit « à son plus bas niveau depuis 2008 »« J’arrête là, car je ne voudrais pas vous faire souffrir… Pas vous, ceux qui pourraient m’entendre », a conclu M. Hollande. Pour être entendu, encore faut-il être écouté. L’est-il par ceux qui briguent sa succession ? Rien n’est moins sûr. Il n’est pas certain non plus que ce président lancé dans une triste tournée des adieux soit entendu des Français.

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