Un tétraplégique retrouve l’usage de son bras avec une neuroprothèse, une « première » médicale
Un tétraplégique retrouve l’usage de son bras avec une neuroprothèse, une « première » médicale
Le Monde.fr avec AFP
La revue médicale « The Lancet » présente ce dispositif innovant qui utilise directement la pensée pour déplacer le bras et la main pour effectuer des mouvements fonctionnels.
Tétraplégique, Bill Kochevar peut, grâce à une nouvelle neuroprothèse, manger de la purée par lui-même. | HANDOUT / AFP
Près de dix ans après un accident de vélo, un Américain paralysé à partir des épaules peut à nouveau utiliser son bras et sa main droite pour boire ou manger, grâce à une nouvelle neuroprothèse.
Présentée mardi 28 mars dans la revue médicale The Lancet, cette avancée remarquable réalisée aux Etats-Unis (Cleveland) dépend d’un dispositif qui contourne la lésion de la colonne vertébrale en utilisant des fils, des électrodes et des logiciels informatiques pour reconnecter son cerveau et les muscles de son bras paralysé.
« À notre connaissance, c’est le premier exemple au monde d’une personne atteinte d’une paralysie totale, complète », utilisant directement la pensée pour déplacer le bras et la main pour effectuer des « mouvements fonctionnels », a déclaré le co-auteur de l’étude, Bolu Ajiboye à l’AFP.
192 micro-électrodes implantées dans son cerveau
Agé de 56 ans, le patient tétraplégique Bill Kochevar, blessé au niveau de la 4e vertèbre cervicale, a deux boîtiers sur la tête et 192 micro-électrodes implantées chirurgicalement dans son cerveau, qui enregistrent les signaux que sa matière grise envoie lorsqu’il imagine bouger le bras et la main. Avec ce dispositif expérimental, ses muscles reçoivent des instructions par le biais de 36 électrodes implantées dans son bras et son avant-bras. Il peut ainsi l’utiliser pour boire une gorgée de café, se gratter le nez et manger de la purée de pommes de terre.
M. Kochevar, qui a reçu ses implants intracérébraux fin 2014, est en outre équipé d’un bras mobile de support, également sous le contrôle de son cerveau, qui l’aide à surmonter la gravité qui l’empêcherait de lever le bras pour que sa main puisse saisir la fourchette et la tasse.
Des recherches précédentes s’appuyaient sur des éléments similaires de neuroprothèse. L’an dernier, le cas d’un jeune américain, Ian Burkhart, avait été rapporté. Il avait réussi à se servir de sa main grâce à une interface cerveau-ordinateur, mais il souffrait d’une paralysie moins sévère, selon les auteurs de la nouvelle étude. Dans d’autres cas, des participants ont pu contrôler un bras robotique en utilisant leurs signaux cérébraux.
Comme lors d’autres expériences de ce genre, le patient doit, pour pouvoir le contrôler, regarder son bras pour connaître sa position. Avec la paralysie, il a en effet perdu cette capacité de savoir, sans y penser, où se trouvent ses membres.
Pour quelqu’un qui a été blessé depuis plusieurs années et « qui ne pouvait pas bouger, être capable de bouger juste ce petit peu est impressionnant », a déclaré M. Kochevar. « C’est mieux que ce que je pensais. »
Un traitement au stade expérimental
Cette étude est « innovante », c’est la première fois que l’on fait état d’une personne exécutant des mouvements fonctionnels, multi-articulations (main, coude, épaule) avec un membre paralysé grâce à une neuroprothèse motrice, souligne Steve Perlmutter, de l’Université de Washington, dans un commentaire publié avec l’article. « Cependant, ce traitement n’est pas prêt d’être utilisé en dehors du laboratoire. »
Sans l’interface cerveau-machine, il était incapable d’effectuer des mouvements utiles, ajoute-t-il. Mais les mouvements sont encore lents et approximatifs, écrit-il en pointant les nombreux obstacles qu’il reste à surmonter en matière de neuroprothèses dont la miniaturisation de dispositifs qui devront être aussi suffisamment bon marché et robustes pour être largement accessibles.
« Néanmoins c’est une démonstration passionnante » ajoute M. Perlmutter en prédisant un brillant avenir aux neuroprothèses pour surmonter la paralysie.
Le Dr Ajiboye en convient. Selon lui, ce système a besoin d’améliorations pour fonctionner dans la vie courante, et notamment concernant la durée de vie et la puissance des implants cérébraux ainsi que la possibilité de disposer d’un système « complètement implantable » sans fils, ni boîtiers extérieurs.