Benoit Hamon et Manuel Valls, lors du débat télévisé précèdant le second tour de la primaire à gauche, le 25 janvier, à La Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). | BERTRAND GUAY / AFP

Editorial du « Monde ». Chef des socialistes pendant onze ans et chef de l’Etat depuis cinq ans, François Hollande laissera-t-il le PS dans l’état où François Mitterrand l’avait trouvé au début des années 1970 ? C’est-à-dire un parti en miettes, sans leader, sans projet, sans stratégie et sans alliés ? Un parti en fin de cycle, voire en fin de vie ? On en prend tout droit le chemin.

Le soutien spectaculaire apporté, mercredi 29 mars, par Manuel Valls à Emmanuel Macron n’est, en effet, que le dernier épisode d’une crise beaucoup plus grave. Au-delà du choix de l’ancien premier ministre de ne pas soutenir le candidat socialiste Benoît Hamon, au-delà des bordées d’injures qui ont accueilli ce renoncement à l’engagement qu’il avait pris dans le cadre de la primaire à gauche en janvier, au-delà de la guerre ouverte qu’il a ainsi déclenchée, la décision de M. Valls résulte d’un constat cinglant, mais exact : la stratégie de Benoît Hamon « mène à la marginalisation ».

De fait, largement surclassé par Emmanuel Macron et devancé par Jean-Luc Mélenchon, le candidat socialiste paraît condamné à échouer à la cinquième place au soir du 23 avril. Le spectre d’un effondrement comparable à celui de Gaston Defferre en 1969 plane désormais sur sa campagne.

Habiletés, ambivalences et ambiguïtés

L’humiliation serait terrible. Mais logique, après tout. Car le PS souffre de quatre plaies qui, ajoutées les unes aux autres, peuvent se révéler mortelles. La première est idéologique. Entre posture utopiste-contestataire et démarche réaliste-gestionnaire, entre cultures d’opposition et de gouvernement, entre défense des credo historiques de la gauche et volonté d’adaptation aux évolutions du pays et du monde, les socialistes n’ont pas su trancher clairement, ou inventer une synthèse mobilisatrice. Les voilà donc pris en tenaille entre le champion d’une gauche « insoumise » (Mélenchon) et celui d’un centre gauche postmoderne (Macron).

La crise strictement politique n’est pas moins dévastatrice. Les habiletés, les ambivalences et les ambiguïtés de François Hollande, ses choix de politique économique occultés durant sa campagne de 2012 et mal expliqués ensuite, ses résultats trop timides et trop tardifs pour convaincre, des initiatives pour le moins hasardeuses (déchéance de nationalité et loi travail), son manque d’autorité sur son camp : tout a contribué à alimenter la fronde, à attiser divisions et griefs dans les rangs socialistes. En dépit du renoncement du président de la République à briguer un second mandat, Benoît Hamon paye aujourd’hui le prix de ce quinquennat raté et des rancœurs inexpiables qu’il a suscitées.

Un socle érodé

Mais il paye aussi le prix de deux crises structurelles qui minent en profondeur le PS. Au fil des élections municipales, départementales et régionales de 2014 et 2015, c’est tout le socle local du socialisme, patiemment consolidé au fil des décennies, qui est aujourd’hui érodé, ébranlé, voire carrément laminé. Ce sont des milliers de responsables et de relais locaux qui lui font défaut. Quant au mythique « peuple de gauche », solidement enraciné dans les catégories populaires, cela fait belle lurette qu’il a fondu comme neige au soleil.

Au début des années 1970, diront ceux qui ont encore la foi du charbonnier, le PS avait échappé à la mort que beaucoup lui annonçaient. C’est vrai. Mais il avait alors trouvé un leader (Mitterrand), reconstruit une base sociale, bâti une stratégie mobilisatrice (l’Union de la gauche). Rien de tel aujourd’hui. Pour son malheur.

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