Le programme du premier sommet entre les présidents américain et chinois, Donald Trump et Xi Jinping, jeudi 6 avril, s’annonce chargé. | Lee Jin-man / AP

En rencontrant son homologue chinois, jeudi 6 avril en Floride, Donald Trump aura l’avantage du terrain, son club de luxe de Mar-a-Lago, mais pas celui de l’expérience. Xi Jinping dirige la Chine depuis quatre ans, après avoir pris la direction du Parti communiste chinois au terme d’un processus autrement plus exigeant qu’une saison de primaires républicaines américaines.

Le président chinois est aussi réputé pour sa maîtrise des dossiers, alors que M. Trump est souvent décrit comme versatile. Le président américain a d’ailleurs frappé ses premiers visiteurs étrangers, selon des informations convergentes recueillies auprès de sources diplomatiques souhaitant conserver l’anonymat, par son peu d’intérêt pour les détails, et par une connaissance encore très partielle des outils de la politique étrangère.

Imprévisibilité revendiquée

La rencontre de Mar-a-Lago va également constituer un choc de cultures politiques. Le président américain a bâti une réputation controversée en publiant à tout va ses réflexions sur les réseaux sociaux, manifestement sans consulter son entourage et au mépris des usages diplomatiques. L’agence de presse officielle chinoise Xinhua s’en était émue début janvier, déplorant publiquement « l’obsession de la diplomatie Twitter » du président élu, qui revendique la flexibilité et l’imprévisibilité.

Au contraire, les dirigeants de Chine communiste s’en tiennent ordinairement à une partition réglée d’avance, ne parlent jamais à la presse et utilisent encore moins les réseaux sociaux. Alors que son successeur, Hu Jintao, était parfois qualifié de robot pour sa raideur, Xi Jinping projette l’image d’un dirigeant bonhomme et maître de lui, accompagné en outre d’une épouse charismatique, la cantatrice Peng Liyuan. Mais il a toujours évité de donner la moindre prise à la spontanéité.

Les présidents chinois et américain ont toutefois quelques points communs. A son arrivée au pouvoir, en 2013, Xi Jinping a fait largement bouger les lignes en faveur d’un agenda conservateur et nationaliste, tout comme M. Trump. Dans le cas chinois, il a été cependant pensé pour donner au pays une place prééminente dans les affaires du monde, alors que le président américain a défendu au contraire une vision presque néo-isolationniste, centrée sur la défense exclusive des intérêts américains.

Aristocratie rouge

M. Xi est une figure de l’aristocratie rouge, comme M. Trump appartient lui à une aristocratie capitalistique. Le président chinois s’est servi du thème de la lutte contre la corruption pour asseoir son pouvoir et écarter les rivaux potentiels. Son homologue américain s’est engagé lui dans une mission anti-establishment, en promettant notamment de « nettoyer le marigot » qu’est, selon lui, la capitale fédérale, jugée prisonnière de lobbys adossés à la politique.

Il n’est jusqu’au rapport avec les faits qui relie les deux hommes : l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping s’est traduite par une mise en coupe réglée de la presse chinoise dite libérale, celle qui se rapprochait le plus d’un journalisme professionnel à l’occidentale. Et par une censure sans précédent depuis le maoïsme de tout contenu contraire à l’histoire sublimée du Parti communiste. Bref, tout ce dont M. Trump, qui a évoqué à plusieurs reprises l’idée de faciliter les poursuites contre la presse, doit parfois rêver contre ceux qu’il désigne comme « l’ennemi du peuple » et « le parti de l’opposition ».

En l’espace de quatre ans, M. Xi a largement réussi à consolider son pouvoir, placer ses hommes, et faire taire les critiques. M. Trump a rencontré dès ses premières semaines d’investiture de solides résistances, y compris au sein de son propre parti. Le président chinois peut en outre s’appuyer sur une population à l’orgueil chatouilleux quand il s’agit de l’honneur de la Chine.

Un sondage du Pew Research Center, publié le 4 avril, a mis en évidence une opinion publique américaine sur une autre longueur d’onde que M. Trump sur la Chine. En dépit des attaques parfois virulentes de ce dernier contre Pékin, l’image de ce pays s’est considérablement améliorée en l’espace d’une année aux Etats-Unis selon cette enquête. Une forte majorité (55 %) avait une image négative de la Chine en 2016. Elle n’était plus que de 47 % en mars. Dans le même temps, les avis favorables sur le pays sont passés de 37 % à 44 %.