Qu’est-ce que l’« option nucléaire » au Sénat américain ?
Qu’est-ce que l’« option nucléaire » au Sénat américain ?
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Le chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell va recourir à l’« option nucléaire », afin de confirmer le juge fédéral Neil Gorsuch, nommé par le président, Donald Trump, à la Cour suprême.
L’opposition démocrate du Sénat américain a fait obstruction, jeudi 6 avril, à la confirmation de la nomination à la Cour suprême du juge fédéral conservateur Neil Gorsuch. Le chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell, va recourir à une modification du règlement intérieur du Sénat, appelée aussi l’« option nucléaire » pour mener à bien le processus.
Qu’est-ce que l’« option nucléaire » ?
La formule est attribuée à des sénateurs républicains pendant le premier mandat de George W. Bush. Pour protester contre l’opposition des démocrates à des confirmations de juges fédéraux, ces sénateurs les avaient menacés de réduire la portée d’une disposition de la chambre haute américaine qui permet de limiter le filibuster (« obstruction »), terme qui désigne aux Etats-Unis l’obstruction parlementaire.
Au Sénat, tout élu a en effet le droit d’objecter. Un vote recueillant soixante voix (sur un total de cent) permet cependant de passer outre. L’« option nucléaire » vise à abaisser ce seuil à une majorité de 50 voix, sachant que le vice-président, également président du Sénat, a la capacité de faire pencher la balance dans un camp.
Pourquoi le Parti républicain y a-t-il recours ?
Le Grand Old Party ne dispose que d’une majorité de 52 sièges depuis les élections de mi-mandat de novembre 2014. Pour permettre au juge Gorsuch d’accéder à la Cour suprême, les républicains doivent bloquer l’opposition. Or, ils n’ont été capables d’obtenir le soutien que de quatre sénateurs démocrates supplémentaires, un nombre insuffisant pour atteindre ce seuil de 60 voix. La modification du seuil peut être obtenue en revanche par un vote à la majorité simple.
L’« option nucléaire » a-t-elle un précédent ?
Le seuil de 60 voix a déjà été modifié en 2013 par la majorité démocrate d’alors. Le chef de cette majorité, Harry Reid, élu du Nevada, y avait eu recours pour contrer le blocage de nominations de juges fédéraux. Les républicains avaient protesté, mais ils n’étaient pas revenus sur cette mesure après avoir repris le contrôle du Sénat.
Pourquoi le Parti démocrate veut-il bloquer le juge Neil Gorsuch ?
Après la mort du juge conservateur Antonin Scalia en février 2016, le chef de la majorité républicaine du Sénat avait refusé d’organiser une audition et un vote pour le juge nommé par Barack Obama, Merrick Garland. M. McConnell, contre toute évidence, avait assuré que la proximité de l’élection présidentielle privait le président de légitimité pour cette nomination. L’enjeu était de taille. La nomination de ce juge modéré aurait privé durablement les conservateurs de leur majorité au sein de la plus haute instance juridique des Etats-Unis. Le filibuster contre M. Gorsuch, un juge par ailleurs très conservateur constitue une réponse décalée dans le temps à ce blocage de 2016.
Quelles seront les conséquences à terme pour le Sénat ?
Le recours une nouvelle fois à l’« option nucléaire » pourrait se généraliser pour le vote des lois. Le Sénat se priverait alors de sa spécificité : la capacité à forger des majorités réunissant des élus des deux camps, alors que la Chambre des représentants vote selon des critères presque exclusivement partisans.