En 2016, 54,8 % des Japonais décédés lors d’un accident de la route étaient des personnes âgées. | The Asahi Shimbun/Getty Images

Au Japon, pays des records en matière de vieillissement démographique, tout est bon pour inciter les personnes âgées à cesser de conduire. Dernière initiative en date, celle
du département d’Aichi – pourtant fief du constructeur automobile Toyota – qui a décidé d’offrir une réduction de 15 % sur le montant de leurs funérailles aux plus de 75 ans qui accepteraient de remettre leur permis à la police.

L’offre est valable depuis le 1er mars chez le prestataire Heiankaku, qui dispose de 89 sites pour funérailles dans tout le département. Outre qu’un tel rabais est bienvenu dans un pays où les obsèques peuvent être particulièrement onéreuses, la mesure illustre l’inquiétude des autorités face à la hausse des accidents impliquant des personnes âgées.

En novembre 2016, à Tachikawa (département de Tokyo), une femme de 83 ans en route pour aller voir son mari hospitalisé a perdu le contrôle de son véhicule, qui a heurté des passants. L’accident a causé la mort de deux personnes. La conductrice a déclaré avoir freiné. Mais la police, n’ayant trouvé aucune trace de freinage, craint qu’elle n’ait confondu avec la pédale d’accélérateur. Un problème similaire serait à l’origine d’un autre accident, survenu quelques jours plus tôt. Dans le département de Tochigi (centre du Japon), un homme de 89 ans a percuté plusieurs personnes sur le bord de la route, tuant une femme.

Évaluations des capacités mnésiques

Outre les problèmes de maîtrise du véhicule, certaines personnes âgées se trompent parfois au moment d’entrer sur les autoroutes, les empruntant en sens inverse. En 2016, 5,13 millions de Japonais de plus de 75 ans avaient leur permis, soit deux fois plus qu’en 2006. Et 54,8 % des 3 904 victimes d’un accident mortel étaient des personnes âgées.

Largement reprise par les médias, la multiplication de ces drames a incité le gouvernement à mettre en place le 12 mars des mesures obligeant les plus de 75 ans ayant le permis à passer des tests de trente minutes. Leur but : évaluer les capacités mnésiques et d’analyse en cas d’infraction. La validité de leur permis a également été limitée à trois ans. Si un problème est détecté pendant le test, la personne doit passer un examen auprès d’un des 3 100 médecins habilités dans tout le pays pour vérifier qu’elle ne souffre pas de sénilité. La police s’attend à 15 000 retraits de permis par an pour raison médicale, contre 1 844 en 2016.

« Il faut modifier les panneaux de signalisation en prenant en compte la dégénérescence des capacités audiovisuelles. » Heii Arai, président de la société de psycho-gériatrie

Ces mesures s’ajoutent à celles mises en place au niveau départemental. Avant d’offrir des rabais sur les funérailles, Aichi avait proposé des coupons de réduction dans les restaurants de l’enseigne Sugakiya. En général, les incitations portent plutôt sur des avantages pour prendre un taxi ou accéder aux transports en commun. Mais ces encouragements n’ont que des effets limités.

S’immisçant dans le débat, la société japonaise de psycho-gériatrie a suggéré notamment l’interdiction de l’accès aux rues desservant des écoles aux personnes âgées conduisant ou encore une aide à l’achat de véhicules équipés de systèmes de freinage automatique. « Il faut également modifier les panneaux de signalisation en prenant en compte la dégénérescence des capacités audiovisuelles », estime Heii Arai, président de la société de psycho-gériatrie, qui s’inquiète par ailleurs de la raréfaction des transports publics dans les campagnes désertifiées… conséquence du vieillissement de la population.