Quel est le candidat à la présidentielle des jeunes diplômés ?
Quel est le candidat à la présidentielle des jeunes diplômés ?
LE MONDE ECONOMIE
Les 18-25 ans ont de fortes attentes sur l’emploi et le logement. Comparatif des réponses proposées par les candidats à l’élection présidentielle.
« Le Monde Campus. Formation. Recrutement. Carrière », supplément du « Monde », 60 pages. | Le Monde/Matthias Aregui
Les jeunes diplômés sont plutôt optimistes car le marché de l’emploi va mieux à partir de bac + 5. Le baromètre Deloitte, qui mesure chaque année l’humeur des jeunes diplômés, indique qu’ils sont plus nombreux en 2017 à avoir rejoint le monde de l’entreprise : 77 % du millier de jeunes interrogés par le cabinet de conseil sont en emploi, contre 70 % à la même époque l’année dernière. « C’est en nette amélioration par rapport aux années précédentes. Le temps de recherche d’emploi s’est réduit à deux mois en 2017 contre trois mois en 2015. Et le nombre d’envois de CV a baissé. L’embellie amorcée depuis 2014 se poursuit », commente Sami Rahal, le DRH de Deloitte.
Mais l’humeur des jeunes diplômés devient chagrine quand on parle politique. 75 % d’entre eux ont le sentiment qu’on ne parle pas suffisamment des jeunes dans la campagne présidentielle. Le premier grand débat, qui s’est tenu le lundi 20 mars entre cinq des onze candidats à l’élection, a en effet fait peu de cas de la jeunesse.
Ils ont certes pu se sentir concernés par tous les thèmes abordés : l’immigration, la laïcité, la réforme des institutions, etc. Mais les sujets qui les intéressent directement, comme le logement ou la mutation numérique de la société, n’ont pas été abordés, ou si peu. Le 20 mars, seul Benoît Hamon (PS) a évoqué « l’impact de la révolution numérique » sur le travail humain pour introduire son projet de revenu de base universel et se réaffirmer comme « le candidat de la fiche de paie ».
Des besoins spécifiques qui ont évolué
Plus qu’une population particulière, la jeunesse est une période de la vie, mais dont les caractéristiques correspondent à des besoins spécifiques qui ont évolué ces dernières années. Ce « moment de construction progressive de l’identité et du statut » qu’est la jeunesse, comme la définit le sociologue Olivier Galland, a en effet changé dans sa réalité sociale. Etudes à rallonge, complexification des filières de formation et des métiers, accroissement de la mobilité sociale, la phase de transition est plus longue et incertaine. L’importance du logement, du sens du travail et des réseaux en sort renforcée à leurs yeux.
Selon une enquête réalisée en février à l’occasion du colloque « Et le travail demain ? » auprès de 1 400 personnes en âge de travailler, le travail demeure une valeur centrale pour les jeunes, plus que pour le reste de la population active. Il est à la fois la marque de l’entrée dans la vie adulte et de la citoyenneté : 39 % des 16-21 ans le considèrent comme « un moyen d’être utile à la société », contre 29 % des 16-62 ans ; 39 % des jeunes y voient également un enrichissement contre 19 % de l’ensemble des 16-62 ans. Autre critère important pour la jeunesse : l’ouverture à l’international, pour 56 % des 16-21 ans contre 43 % de la population active.
Leurs préoccupations ont malgré tout beaucoup de points communs avec celles des générations précédentes. Les priorités de la plupart des jeunes sont d’abord d’avoir un emploi, de se réaliser dans le travail et d’être autonomes. « Lorsqu’ils en ont les moyens économiques, et lorsque le marché du logement le permet, les jeunes veulent vivre dans leur propre logement ». Même s’ils restent longtemps très proches de leurs parents. « Les réseaux sociaux et familiaux prennent une place considérable dans leur parcours », ce qui génère « des réflexes conservateurs » de la part de ceux qui croient s’en sortir tous seuls, estime Olivier Galland.
Le cabinet de conseil Deloitte a interrogé les jeunes diplômés sur ce qu’ils attendent des candidats à l’élection présidentielle. Sur la question de l’emploi, leurs réponses dessinent un très large éventail de mesures : soutenir les entreprises (8 %), agir sur l’éducation (5 %), reporter l’âge de départ à la retraite pour libérer des emplois (4 %) et créer des aides pour les jeunes (4 %), sans donner de cap clair, puisque « aucune mesure n’a réuni plus de 8 % des diplômés interrogés », souligne Géraldine Segond, DRH adjointe du cabinet Deloitte.
Soutenir les entreprises
Lors du débat du 20 mars, sur ces quatre points, les cinq candidats à la présidence de la République ont joué chacun leur propre partition. François Fillon (LR) et Emmanuel Macron (En Marche !) ont prôné la relance de l’investissement, avec deux objectifs distincts. Le candidat des Républicains souhaitant « que l’économie ne passe plus massivement sous le contrôle des fonds américains ou des pays du Golfe », tandis que le candidat d’En Marche ! réaffirmait que l’investissement était la condition pour « que les entreprises embauchent ».
Pour Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), « on crée de l’emploi en remplissant le carnet de commandes » et en partageant le temps de travail. Benoît Hamon (PS), pour qui « l’impact de la révolution numérique sera moins de travail humain », a réaffirmé son projet de revenu de base universel pour garantir le pouvoir d’achat de tous. Quant à Marine Le Pen (FN), elle a déclaré miser sur « le patriotisme économique » et l’avantage donné aux entreprises françaises dans la commande publique pour relancer l’économie.
La plupart des candidats proposent un soutien aux entreprises pour favoriser l’embauche ou des dispositifs d’emplois aidés : les « emplois francs » pour M. Macron, les « contrats jeunes » de M. Mélenchon ou le « premier emploi » de Mme Le Pen.
La question de l’emploi est largement abordée par celle de la régulation du temps de travail. François Fillon (LR) proposant de « supprimer la référence aux 35 heures » et de « donner la priorité [aux entreprises] de négocier le temps de travail par des accords majoritaires », Emmanuel Macron (En Marche !) a renchéri et renvoyé la régulation du temps de travail à « l’accord majoritaire de l’entreprise ou de la branche ».
« Statut d’emploi » et protection sociale
Quelques propositions « logement » ciblent les jeunes. Pour améliorer le parcours éducatif, différentes pistes sont avancées afin de créer ou renforcer les passerelles entre études et entreprises.
Enfin, les candidats sont nombreux à porter des propositions pour refonder la vie politique du pays.
La problématique montante des travailleurs indépendants au service des plates-formes numériques, qui concernent de plus en plus de jeunes diplômés, est posée sous l’angle du « statut d’emploi » et, du bout des lèvres, sous l’angle de la protection sociale. M. Macron, qui propose qu’ils accèdent à l’assurance-chômage, a aussi précisé qu’il était « pour le salaire décent ».
Difficile d’y être défavorable, même quand François Fillon a souligné que la France était au bord de la faillite. Apparemment, les candidats à l’élection présidentielle ne partagent pas tous l’optimisme des jeunes diplômés, qui ont eux aussi joué leur partition dans cette campagne électorale pleine de surprises. Chaque candidat a ainsi été porté par un mouvement de « jeunes avec », qu’ils soient, ou plutôt pas, affiliés au parti institutionnel. Majoritairement âgés de moins de trente ans, les jeunes militants sont une ressource précieuse pour les candidats.
L’intégralité du magazine « Le Monde-Campus » est téléchargeable ici :
Tandis que de nombreux jeunes sont tentés par la défiance à l’égard des professionnels de la politique, eux sont sur le terrain ou les réseaux sociaux voire en entreprise pour nourrir le débat et raviver la conscience politique. Mais « la loi de la majorité à laquelle la minorité accepte de se plier est remise en cause », remarque Olivier Galland. Le candidat des jeunes diplômés est probablement celui qui l’aura compris.