Performance : les cous tordus d’Alexander Vantournhout
Performance : les cous tordus d’Alexander Vantournhout
Par Rosita Boisseau (Gand (Belgique), envoyée spéciale)
L’acrobate-danseur-chorégraphe belge aux postures extravagantes présente son solo « Aneckxander » au Palais de Tokyo.
Le cirque en parle, la danse aussi. Autant de bonnes fées sur la jeune carrière de l’acrobate-danseur-chorégraphe belge Alexander Vantournhout, 28 ans, augure d’atouts solides. Le festival des nouvelles formes de cirque Spring, basé en Normandie, lui a offert une carte blanche les 24 et 25 mars, et le voilà au Palais de Tokyo dans le cadre de l’opération Do Disturb, qui a lieu jour et nuit, du 21 au 23 avril, avec une quarantaine de performances au programme. En mai, les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis relaieront cette progression massive vers le succès.
Seulement quelques pièces – dont trois solos rudes et incisifs – à son actif depuis 2014 ont suffi à Alexander Vantournhout à creuser un tunnel profond, blindé de sensations fortes, inconfortables mêmes. Toujours en tournée depuis sa création, son solo Aneckxander (2015), glisse une carte d’identité artistique abrasive. Vantournhout entendait profiter de sa « longue nuque » et de ses « avant-bras larges » pour étudier son corps en cassant ses lignes et ses articulations. Avec d’épaisses chaussures Buffalos aux pieds et des gants de boxe, il balance sa nudité musclée dans des postures tordues, anatomies délirantes redéfinies au gré d’un corps-caoutchouc.
ANECKXANDER trailer / Alexander Vantournhout & Bauke Lievens
Durée : 01:38
Contorsion et pliage
Passé par l’Ecole supérieure des arts du cirque, entre 2007 et 2010, puis, suite à une blessure, par P.A.R.T.S. (Performing Arts Research and Training Studios), à Bruxelles, pendant deux ans, Alexander Vantournhout a affûté un corps acrobatique extrême, contorsion et pliage jusqu’à la défiguration. Il a aussi séjourné en 2013 dans la ferme de Steve Paxton, maître du contact-improvisation, aux Etats-Unis. Il « admire » le travail conceptuel du français Xavier Le Roy, as de la déconstruction, dont il apprécie « les esthétiques très différentes et les identités écartées comme marionnettiste, musicien, yogi… ».
Pister les contraintes, se cadrer serré, l ’artiste aime ça. Raphaël, son nouvel opus, présenté le 2 mars, au Vooruit, à Gand, met aux prises un homme et une (vraie) marionnette (Raphaël Billet) dont l’inertie extrême évoque le cadavre, l’handicapé, le pantin. « Sans recherche autour d’une situation, d’un objet, je n’ai pas beaucoup à dire sur scène, dit-il. Une forte contrainte comme pour Raphaël, me fait questionner ma relation à lui, me guide vers une thématique comme la solitude, la perversité, la non-communication. Elle permet une recherche de mouvement consistant et donne souvent la couleur du spectacle. »
Un ruban de chair
Ce pas de deux glaçant qui enroule et déroule un corps humain comme un ruban de chair (pesant tout de même plus de 60 kilos !) chavire vers un horizon de thèmes macabres. Avec un impact perturbant. Pendant la représentation, à Gand, lorsque le pseudo-mort a tendu la main vers une spectatrice au premier rang du public, elle s’est rétractée sur son siège sans pouvoir lui répondre. « Lorsque nous avons commencé à répéter ce duo “forcé” qui a nécessité trois mois de recherche avec Raphaël Billet, explique Alexander Vantournhout, j’ai travaillé pendant des semaines sur cette inertie totale, j’ai aussi fait le cadavre pour rechercher cette intimité particulière, un peu perverse, et puis nous avons décidé de qui dansait quoi. » Avec des deux côtés de cette relation très particulière, l’humilité sans faille d’une interprétation au cordeau.
Aneckxander, d’Alexander Vantournhout. Do Disturb, les 22 et 23 avril, Palais de Tokyo, Paris. Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, les 27 et 28 mai.