Le procès de Blaise Compaoré renvoyé au 4 mai
Le procès de Blaise Compaoré renvoyé au 4 mai
Par Morgane Le Cam (contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou)
L’ex-président du Burkina Faso et son dernier gouvernement doivent être jugés pour la répression des manifestations qui avaient entraîné leur chute fin octobre 2014.
« Comment ça va ? La santé ? Et le moral ? » Accolades, sourires esquissés entre Luc-Adolphe Tiao, le dernier premier ministre de Blaise Compaoré, et Gilbert Diendéré, l’ancien chef d’état-major particulier de l’ex-président du Burkina Faso. Les retrouvailles sont chaleureuses. La présence du général Diendéré, jeudi matin 27 avril, à l’ouverture du procès sur la répression de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, surprend la foule qui s’est massée au palais de justice de Ouagadougou. Que fait-il sur la première rangée du banc des accusés ?
Gilbert Diendéré est présent en tant que témoin. Mais son incarcération à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) pour son inculpation dans l’affaire du coup d’Etat manqué de septembre 2015 contraint la sécurité pénitentiaire à le placer parmi les accusés. Il s’agit de sa première apparition publique depuis son incarcération. Tête haute et sourire clairement affiché, il échange les poignées de main avec les anciens ministres du gouvernement de Luc-Adolphe Tiao inculpés. Son voisin à la MACA, Djibril Bassolé, l’ancien chef de la diplomatie, dont l’état de santé inquiète ses proches, est assis à sa gauche. Les accusés sont détendus. Ce sont les retrouvailles des anciens.
« Blaise Compaoré ? » « Blaise Compaoré ? »
Dans cette enquête, 32 ministres sont inculpés de complicité d’homicide volontaire et coups et blessures volontaires ; 25 d’entre eux étaient présents pour cette première audience. « Je souhaite que tout se passe bien pour nous. […] Jusqu’à preuve du contraire, moi, je fais confiance en la justice de mon pays », lâche Luc-Adolphe Tiao, avant de se lever pour aller à la barre. La cour commence l’appel des accusés.
« Blaise Compaoré ? », « Blaise Compaoré ? », insiste Armand Ouedraogo, le procureur de la Haute Cour de justice. « Non ? » Dans la salle, les rires retentissent. Comme prévu, Blaise Compaoré, inculpé dans cette affaire en tant que ministre de la défense et exilé depuis sa chute en Côte d’Ivoire, n’est pas présent à l’ouverture du procès. Pierre-Olivier Sur, son avocat français, non plus. Face à la cour, les ex-ministres inculpés défilent à la barre mais en l’absence de leurs avocats. Car, aujourd’hui, le barreau faisait sa rentrée judiciaire. « C’est un événement majeur de la profession auquel tous les avocats doivent prendre part. C’est pourquoi nous demandons que le procès soit renvoyé à une date ultérieure », justifie Me Somé, chargé de représenter ses confrères absents.
Renvoi du procès au 4 mai
Face à lui, les magistrats ne sont pas surpris. Tout le monde s’y attendait. Quarante-cinq minutes après l’ouverture de ce procès chargé de déterminer qui sont les responsables de 7 des 33 morts et de 88 blessés lors des manifestations des 30 et 31 octobre 2014 ayant entraîné la chute du régime Compaoré, la cour se prononce : le procès est renvoyé au jeudi 4 mai.
« Il y a plus d’une trentaine d’avocats qui défendent ce dossier. Au regard de leur absence, je trouve que c’est normal qu’on le renvoie à une date où ils sont disponibles », estime Salifou Taïta, secrétaire national adjoint chargé de la mobilisation de la jeunesse au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ancien parti au pouvoir.
Ce renvoi va surtout permettre aux avocats de la défense de mieux préparer le procès. « Nous avons reçu le dossier d’accusation il y a deux jours. Un tel dossier, on ne peut pas le consulter en quarante-huit heures ! C’est ça la réalité ! Nous souhaitons, pour la manifestation de la vérité, qu’on nous laisse le temps d’organiser la défense de nos clients », réclame Me Somé.
Plusieurs parties de ce dossier ont évoqué des procédures de justice qui n’auraient pas été respectées. En première ligne, Pierre-Olivier Sur, l’avocat de Blaise Compaoré. « Aucun acte de poursuite ne lui a été notifié et ses conseils n’ont pas eu les moyens de consulter le dossier ni de s’en faire délivrer copie », assure-t-il. Des actes manqués dont devraient profiter les avocats des accusés afin de demander de nouveaux reports et qui font craindre à l’opinion publique une parodie de procès dont le jugement semble bien incertain.