Combien de temps les constructeurs automobiles allemands pourront-ils continuer à défendre le « diesel propre » ? Une nouvelle étude, réalisée par l’Agence fédérale pour l’environnement (UBA), vient de démontrer officiellement ce que les associations environnementales répétaient depuis longtemps : les moteurs diesel de dernière génération, dits Euro 6, polluent en réalité bien davantage qu’on ne le considérait jusqu’ici. Ces moteurs dégagent en moyenne 507 milligrammes d’oxydes d’azote (NOx) par kilomètre, alors que la limite maximale autorisée s’élève à 80 milligrammes, constate l’office, qui a analysé des émissions d’une cinquantaine de véhicules.

Pour obtenir ces chiffres, les mesures n’ont pas été réalisées en laboratoire dans des conditions climatiques constantes, mais à l’extérieur, par les températures habituelles en Allemagne, plus froides. Résultat : les émissions de NOx augmentent considérablement les jours où la température est faible. Les véhicules les plus récents, équipés de moteurs correspondant à la norme antipollution Euro 6, en vigueur depuis septembre 2014, dégagent donc plus de six fois plusd’oxydes d’azote dans l’atmosphère qu’autorisé.

Les enquêteurs de l’UBA ont aussi constaté que les moteurs diesel équipés en fonction de la norme précédente, Euro 5, émettaient sur la route plus de 900 milligrammes de ces polluants, soit plus de cinq fois la limite légale. Les NOx sont accusés d’irriter les voies respiratoires et d’être particulièrement dangereux pour les personnes atteintes d’asthme, les enfants et les personnes âgées.

Premier coupable de la pollution

Or, les grandes villes allemandes sont très touchées par la pollution aux oxydes d’azote. L’Allemagne fait l’objet depuis plusieurs années d’une plainte de la Commission européenne pour non-respect des traités, car vingt-huit zones urbaines, le record européen, dépassent régulièrement les normes autorisées.

L’étude de l’UBA valide ce que dénonçaient de longue date les associations environnementales. Il est établi désormais que les voitures diesel les plus récentes ne respectent même pas, en situation climatique réelle, la vieille norme Euro 3, adoptée en 2000, date à laquelle une limite d’émissions d’oxydes d’azote a été introduite.

« Les chiffres montrent très clairement que les véhicules diesel sont le premier coupable de la forte charge en polluant des villes », a déclaré la directrice de l’UBA Maria Krautzberger. La ministre de l’environnement, Barbara Hendricks, demande au secteur automobile de « réparer » les véhicules à ses propres frais pour qu’ils correspondent aux normes. « C’est de la responsabilité des entreprises, pour la santé du public. La situation n’est plus acceptable », a lancé la ministre sociale-démocrate.

Pas de sanctions à craindre

Quelles conséquences pour les constructeurs ? Au pays de l’automobile, les industriels n’ont, pour l’instant, pas eu à craindre de sanctions. Tous ont d’ailleurs rappelé, lors de leurs conférences de presse annuelles du printemps, leur attachement au diesel. Quant aux tests permettant d’obtenir l’homologation d’un véhicule, ils ne seront que très progressivement renforcés, à partir de l’automne, pour se rapprocher de situations de conduite réelles.

En début de semaine, Berlin s’était aussi fermement opposé à une proposition de Bruxelles visant à renforcer les contrôles sur les autorités nationales d’homologation. Mais les associations environnementales pourraient obtenir gain de cause d’une autre manière. A la suite d’une plainte déposée par l’association Deutsche Umwelthilfe, la justice a obligé la ville de Stuttgart, la plus polluée, à prendre des mesures efficaces pour réduire la pollution. Acculée, la mairie a récemment décidé d’interdire certains véhicules diesel dans le centre-ville les jours de pic de pollution. D’autres villes allemandes pourraient être contraintes de s’engager sur la même voie.