Dans son appartement de Lyon, Merhawi espère commencer à reconstruire sa vie
Dans son appartement de Lyon, Merhawi espère commencer à reconstruire sa vie
Par Pierre Lepidi
Série « Les nouveaux arrivants ». L’Erythréen, qui a fui l’une des pires dictatures d’Afrique, pose ses valises dans la capitale des Gaules après dix ans d’exil en Israël.
Sur le pas de la porte de son nouvel appartement, Merhawi a installé un paillasson. | Sandra Mehl pour "Le Monde"
« Ta boîte aux lettres sera celle-ci. Il faudra inscrire ton nom dessus. Peux-tu tester maintenant la serrure ? », demande Caroline Rabatel, assistante sociale au sein de l’association Forum Réfugiés, à Merhawi, cet Erythréen que Le Monde suit dans le cadre de son opération « Les nouveaux arrivants ».
Arrivé en France fin janvier, le jeune homme de 29 ans est actuellement hébergé à Villeurbanne dans un centre de transit avec ses deux fils, âgés de 4 et 5 ans. Venue d’Israël, la petite famille s’entasse dans deux pièces de 7 m² qui ne communiquent pas entre elles, obligeant le père à dormir avec ses enfants. Autant dire que Merhawi, qui vivait dans un logement plus spacieux dans le sud de Tel-Aviv, est impatient de déménager.
« La rentrée de septembre »
Situé dans le VIe arrondissement de Lyon, cet appartement marque un nouveau départ pour celui qui a fui l’Erythrée, l’une des dictatures les plus dures d’Afrique. Il a quitté son pays il y a une dizaine d’années, alors qu’il était étudiant, en passant notamment par l’Ethiopie puis l’Egypte avant de rejoindre Israël.
L’état des lieux commence. « Comme vous pouvez le voir, l’électricité n’a pas été coupée », fait remarquer la gestionnaire de cet immeuble qui appartient à ICF Habitat (Immobilière des chemins de fer français). Jusqu’à ce que l’Erythréen perçoive ses droits, le loyer sera presque intégralement pris en charge par l’association Forum Réfugiés.
En compagnie de Caroline Rabatel, Merhawi inspecte chaque pièce et teste les prises électriques avec son téléphone portable. Même s’il reste quelques travaux de plomberie à effectuer, qu’un volet résiste un peu à la fermeture et que le sol nécessite un bon coup de nettoyage, ce joli F3 de 62 m² est en bon état avec ses murs fraîchement repeints en blanc qui lui donnent une belle luminosité.
Merhawi en a conscience, lui qui rêve « de poser enfin ses valises » et considère ce logement comme une étape importante « pour démarrer une nouvelle vie entourée de ses enfants ». Envisage-t-il de les faire changer d’école ? « Je ne sais pas, je dois y réfléchir, répond le jeune homme. Il ne reste plus que trois mois avant les vacances d’été, alors je pense que ça serait bien d’attendre la rentrée de septembre. Mais l’école de Villeurbanne est tout de même un peu loin d’ici et j’aime savoir qu’ils sont près de moi. »
« Têtes thermostatiques »
En plein centre-ville de Lyon, ce logement au premier étage surélevé présente un inconvénient : il est situé au bord de la voie de chemin de fer, à quelques encablures de la gare de la Part-Dieu. S’il donne d’un côté sur une rue calme et assez peu fréquentée, on entend de l’autre le passage des trains malgré le double vitrage posé aux fenêtres.
Dans chaque pièce, Merhawi imagine son emménagement, se projette dans sa future vie. Il parle couramment le tigrigna (langue de l’Erythrée), l’hébreu (il utilise cette langue pour communiquer avec ses enfants, tous deux nés en Israël) ainsi que l’anglais. Depuis février, il suit des cours de français deux fois par semaine et montre une réelle motivation pour l’apprentissage de cette langue. Mais quand il faut lui expliquer que, d’après la gestionnaire de l’immeuble, « les têtes thermostatiques ont été changées dans la cuisine » et « qu’il faut conserver précieusement le contrat d’entretien de la chaudière », l’affaire se corse.
Dix jours plus tard, c’est le jour J. Merhawi arrive avec ses enfants, Sam et Rafaël, en vacances scolaires et accompagné d’un bénévole de l’association Forum Réfugiés pour l’aider à emménager dans son nouvel appartement. Toute la vie de l’Erythréen et de ses fils tient dans une dizaine de sacs en plastique et deux valises. Les enfants sont un peu excités et se bousculent dans le couloir. La petite famille a pu profiter d’un kit d’installation de l’association qui s’occupe d’eux. Il comprend des lits, un canapé, quelques accessoires de cuisine… Reste plus qu’à tout ranger.
Les trois premiers mois d’un Erythréen en France