Un supporter d'Emmanuel Macron, fraîchement élu à la présidentielle, au Carrousel du Louvre, le 7 mai. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

L’élection d’un président ouvertement pro-européen est un événement difficilement compréhensible dans un Royaume-Uni où l’Union européenne (UE) est largement présentée comme un Titanic dont les Britanniques se sont sauvés à temps. Les tabloïds, qui ont jusqu’à présent eu d’yeux que pour Marine Le Pen, peinent à expliquer la large victoire d’Emmanuel Macron. De façon caricaturale, le Daily Mail, qui avait titré sur la « nouvelle révolution française » au lendemain du premier tour – pour souligner l’avancée de l’extrême droite europhobe –, ignore purement et simplement l’élection du nouveau président français dans sa « une » de lundi, jugeant plus importante la photo du prince Harry embrassant sa fiancée Meghan.

Car c’est surtout à l’aune du Brexit que l’événement est analysé. Or, du point de vue britannique, l’arrivée à l’Elysée de M. Macron n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. Certes, la première ministre Theresa May a été l’une des premières, dimanche soir, à « féliciter chaudement » le nouveau président. Elle lui a parlé au téléphone, a fait savoir Downing Street, et ils ont « brièvement discuté du Brexit ». Mme May « espère travailler » avec M. Macron sur la base de « l’exceptionnel partenariat entre le Royaume-Uni et la France », mais elle souhaite aussi « un fort partenariat avec une Union européenne sûre et prospère ».

M. Macron est le seul candidat à la présidentielle à avoir été reçu par Mme May (qui avait fait connaître son refus de rencontrer Mme Le Pen). Mais il n’est pas sûr qu’elle se réjouisse de son arrivée, au moment où vont s’engager les négociations de sortie de l’UE. Alors que Londres revendique un accès privilégié au marché unique européen même après l’avoir quitté, Emmanuel Macron avait déclaré dans la capitale anglaise, le 22 février, qu’il n’était pas question pour un pays tiers – le Royaume-Uni post Brexit – de bénéficier des mêmes droits que les Etats membres de l’UE. Qualifiant le Brexit de « grave erreur », il s’est présenté comme un « hard Brexiter » décidé à défendre l’intégrité du marché unique européen, dans un entretien au magazine Monocle. Assurant que le Royaume-Uni avait « plus à perdre » que l’UE, il a estimé que la sortie de l’Union européenne se traduisait déjà pour Londres par un « réalignement et une soumission » aux Etats-Unis.

« Chaos »

Theresa May dit souhaiter une Europe forte, mais la fermeté qu’affiche M. Macron sur le Brexit n’est pas nécessairement de bon augure pour elle, si elle aboutit à un renforcement de l’axe franco-allemand. Dimanche soir, Leave. EU, la campagne des ultra-europhobes britanniques, comparait le résultat de la présidentielle à rien moins que la défaite française de 1940 face à l’Allemagne.

Moins grossier, The Telegraph (anti-européen) souligne lundi que M. Macron ne peut convaincre l’Allemagne et relancer l’Europe que « s’il remet en ordre la maison France divisée ». Or, estime le quotidien, « les conditions ne sont pas propices, étant donné le niveau de colère et de chaos visible pendant la campagne », soulignant « la jeunesse et l’inexpérience » du nouveau président. A peine moins pessimiste, The Guardian (pro-européen) remercie certes les Français d’avoir « évité la catastrophe d’une présidence Le Pen », tout en jugeant que la victoire de M. Macron « est plus une source de soulagement qu’un événement à célébrer ». Et de titrer son éditorial : « Bonne chance M. Macron. Vous allez en avoir besoin. »