La sélection cinéma du « Monde »
La sélection cinéma du « Monde »
Chaque mercredi, dans La Matinale, les critiques cinéma du « Monde » présentent les meilleurs films à découvrir sur grand écran.
LA LISTE DE NOS ENVIES
Tandis que les bons crus se tarissent à l’approche du Festival de Cannes, quelques titres maintiennent le cap. Au programme de la semaine, une croustillante satire zadiste signée Eric Judor, le retour de Sir Ridley Scott et de son monstre le plus gluant, une chronique familiale géorgienne, et un beau récit post-apocalyptique nippon.
BIENVENUE CHEZ LES ZADISTES : « Problemos »
PROBLEMOS Bande Annonce (2017) Eric Judor, Comédie
C’est l’été. Une famille de Français moyens quitte l’autoroute des vacances pour faire une halte dans une communauté zadiste.
Jeanne, la mère, jeune femme dynamique tendance super bobo (Célia Rosich), a été invitée par son ancien prof de yoga, un des fondateurs du mouvement. Victor (Eric Judor), le père, informaticien de son état, la suit à reculons, tandis que leur fille préadolescente pique crise de nerfs sur crise de nerfs à l’idée qu’il va lui falloir laisser son iPhone à l’entrée du camp, comme l’exige la charte de la zone sans ondes. Tout se compliquera lorsqu’un virus aura décimé alentour l’humanité entière, en s’arrêtant à la porte du camp zadiste.
Réalisé par Eric Judor, coécrit par Noé Debré, scénariste proche de Jacques Audiard, et de Blanche Gardin, humoriste passée par le Jamel Comedy Club et familière des milieux militants, Problemos séduit par la manière qu’il a de s’inscrire de plain-pied dans une réalité à la fois médiatisée et polarisante. Isabelle Regnier
« Problemos », film français d’Eric Judor, avec Eric Judor, Blanche Gardin, Youssef Hajdi (1 h 25).
LE RETOUR DE LA BÊTE : « Alien : Covenant »
Alien: Covenant | Official Trailer [HD] | 20th Century FOX
Les prémices d’Alien : Covenant ont bien sûr quelque chose d’immédiatement familier. Le vaisseau spatial Covenant, parti pour coloniser une planète d’une lointaine galaxie, est détourné de sa route vers une mystérieuse planète.
Les membres de l’équipage y découvrent les vestiges d’une civilisation ancienne ainsi que les débris d’un gigantesque vaisseau spatial. D’invisibles bactéries en contaminent quelques-uns qui accouchent chacun d’une créature monstrueuse guidée par un pur instinct de destruction.
Mais ici le thème de la créature extraterrestre monstrueuse est couplé avec celui, bien connu des amateurs de science-fiction, de la révolte des robots. L’équipage du Covenant compte parmi ses membres un androïde incarné par Michael Fassbender. Celui-ci rencontre, sur la planète visitée, un de ses doubles. La rencontre des deux humanoïdes prend la forme de longs échanges un peu verbeux, au cours desquels les projets du robot mégalomane commencent à affleurer.
Ces échanges dialogués confirment ce que le début du film avait laissé pressentir : la volonté du cinéaste et de ses scénaristes d’enrober le film d’un vernis culturel haut de gamme. Jean-François Rauger
« Alien Covenant », film américain de Ridley Scott, avec Michael Fassbender, Catherine Waterston, Billy Cudrup (2 h 02).
UNE FAMILLE HEUREUSE Bande Annonce (Comédie Dramatique - 2017)
UNE ÉMANCIPATION GÉORGIENNE : « Une famille heureuse »
Porté par des acteurs formidables (au premier rang desquels Ia Shugliashvili, dans le rôle de Manana), Une famille heureuse pose un regard bienveillant et paisible sur les tribulations dérisoires et vitales d’une tribu géorgienne, dont, au début du film, trois générations partagent un même appartement.
Les metteurs en scène (elle est géorgienne, lui est allemand) s’amusent un temps à dessiner les personnages, certains plus grands que nature, d’autres d’une banalité confondante, parmi lesquels Manana, quinquagénaire, mère de famille, fille dévouée, professeure de littérature au lycée, qui prend conscience que sa vie a été faite de trop de gros plans sur ses proches, et qu’il lui faut maintenant prendre du champ.
Sa découverte de l’autonomie, sa mise en perspective des malheurs des uns et des bonheurs des autres servira de fil conducteur à cette chronique modeste qui profite de l’occasion pour se faire de temps à autre tableau de la vie quotidienne dans une société qui n’en finit pas d’être post-soviétique. Thomas Sotinel
« Une famille heureuse », film géorgien et allemand de Nana Ekvtimishvili et Simon Gross, avec Ia Shugliashvili, Merab Ninidze, Berta Khapava (1 h 59).
APOCALYPSE JAPONAISE : « Sayonara »
Sayonara - Japan Cuts 2016
Sayonara, troisième des films à sortir en France du jeune Koji Fukada (après Au revoir l’été et Harmonium), est une plage d’étrangeté flottante, l’une de ces œuvres uniques et inclassables qui semblent inventer à chaque plan leur propre territoire de fiction. Celle-ci postule rien moins qu’un Japon rayé de la carte, forcé d’évacuer l’ensemble de sa population suite à l’explosion d’une douzaine de centrales nucléaires.
Tania (Bryerly Long), une réfugiée sud-africaine souffrante et cacochyme, attend son tour aux côtés de Leona, son androïde personnelle, inopinément endommagée (elle se déplace en fauteuil roulant), dans une petite maison de campagne isolée de tout.
Mais les départs sont ordonnés par une implacable hiérarchie sociale, si bien que Tania se retrouve parmi les rebuts d’une société qui s’estompe dans une lancinante exhalaison de toxicité. Adapté d’une pièce courte de l’écrivain Oriza Hirata, Sayonara fait parfois penser à un certain théâtre de la dévastation, comme celui de la dramaturge britannique Sarah Kane (Anéantis, 1995). Mathieu Macheret
« Sayonara », film japonais de Koji Fukada, avec Bryerly Long, Hirofumi Arai, Makiko Murata, Nijiro Murakami (1 h 52).