Florian Philippot est devenu coutumier des ultimatums. Interrogé sur RMC, jeudi 11 mai, à propos de la très décriée sortie de l’euro que préconise le Front national, le vice-président du parti d’extrême droite a prévenu qu’il quitterait sa formation en cas de marche arrière sur le sujet. « Si le Front national ne défend plus la sortie de l’euro, vous restez au Front national ? », lui demande le journaliste. « Si le Front demain garde l’euro ? Non, répond clairement le député européen. Je ne suis pas là pour garder un poste à tout prix et défendre l’inverse de mes convictions profondes. Je me battrai toujours pour l’indépendance de mon pays, toujours, quel que soit le moyen. »

La menace est lourde, alors que le débat sur cette mesure impopulaire refait surface au sein du parti depuis la large défaite de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le 7 mai, contre Emmanuel Macron. De nombreux frontistes s’accordent à dire que cette proposition a réduit les chances de victoire de leur candidate. D’autres estiment que les atermoiements affichés sur le sujet pendant la campagne – avec une confusion sur le remplacement de l’euro par une monnaie commune – n’ont fait qu’aggraver les choses. Il conviendrait donc de changer de pied.

Le député du Gard, Gilbert Collard, a déclaré dans Le Parisien, jeudi « pour nous, la question de l’euro c’est terminé, le peuple a fait son référendum dimanche dernier ». « Marine doit entendre ce message », a ajouté l’avocat. « Il faut mettre la monnaie au service de l’économie nationale, plaide, pour sa part, auprès du Monde le député européen Jean-Luc Schaffhauser, délégué général du Rassemblement Bleu Marine. Cela peut être l’euro dans un premier temps, mais on peut aussi en sortir en cas d’échec. Je suis pour l’euro, il nous oblige à nous concerter et à mener des politiques communes. »

Crispations

Problème de fond ou erreur de communication, la question crée dans tous les cas une vive controverse au sein du Front national. Et Florian Philippot a choisi d’en faire un marqueur personnel. Au lendemain de la défaite subie par tous les candidats frontistes au second tour des élections régionales, en 2015, le bras droit de Marine Le Pen avait déjà tiré un coup de semonce deux jours avant l’ouverture d’un séminaire qui devait débattre de la question. « Non seulement je ne reste pas, mais personne ne reste au Front national, prévenait-il dans l’hypothèse d’une volte-face sur le sujet. Et le Front national n’est plus le Front national, donc cette hypothèse est exclue. »

Cette fois, la menace est mal reçue. « Cela n’engage que lui, s’agace un parlementaire frontiste. Il a raccourci la communication sur ce sujet il y a quelques années en parlant d’une sortie sèche de l’euro, alors que nous proposons un euro monnaie commune. Il a radicalisé, mais jamais une instance n’a entériné les choses de la sorte. » D’autres dirigeants mettent en avant les considérations stratégiques qui animeraient le vice-président du FN. « C’était un enjeu pour le leadership de la campagne en 2012, quand il était en concurrence avec Nicolas Crochet, rapporte Jean-Richard Sulzer, conseiller économique de Marine Le Pen et membre du bureau politique du FN. Florian Philippot faisait campagne pour une sortie immédiate et inconditionnelle de l’euro. Il y a un certain blocage égotique de son côté. »

Le débat va alimenter les crispations et mettre Marine Le Pen sous pression, alors que sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, qui ne faisait pas de ce problème une priorité, a décidé de se retirer de la vie politique. « A chaque fois qu’on parle de l’euro, on s’enfonce, s’alarme une conseillère régionale, qui sera candidate aux élections législatives des 11 et 18 juin. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’est pas sûr de notre démarche. Mais je ne vais pas parler de l’euro dans ma campagne législative. » Un point sur lequel de nombreux frontistes devraient réussir à se mettre d’accord.

Avenir du Front national : « De grandes interrogations pour la suite »
Durée : 02:39