Des pharmaciens qui vaccinent ? C’est désormais possible, du moins dans le cadre d’une expérimentation, et dans deux régions. La publication, jeudi 11 mai, au Journal officiel, du décret permettant aux volontaires d’administrer des vaccins contre la grippe était très attendue.

« On va dire qu’il était temps », lance Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine. Pour vacciner, les pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes et de Nouvelle-Aquitaine devront attester d’une formation à cet acte dont l’administration était jusque-là réservée aux médecins et aux infirmiers. Ces derniers n’avaient d’ailleurs pas manqué de dénoncer « un démantèlement de leurs compétences » et la mesure, d’abord comprise dans la loi santé votée en décembre 2015, avait été retirée. Elle avait finalement été inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2017.

Pour procéder aux vaccinations, les pharmaciens devront recevoir le feu vert de l’agence régionale de santé. Ils seront aussi soumis à des contraintes, comme l’obligation de recueillir le consentement écrit de la personne vaccinée ou de remonter les informations relatives à l’injection sur une plate-forme et une messagerie sécurisées. Selon l’ordre des pharmaciens, plus de 4 000 d’entre eux, soit la moitié des effectifs sur les deux régions, se seraient déjà portés volontaires pour se former.

« Laisser de la souplesse »

S’il salue l’expérimentation comme une véritable avancée, M. Bonnefond déplore que le décret n’aille pas assez loin sur le champ d’application et la rémunération. Une personne bénéficiant d’une prescription devra s’acquitter de 4,50 euros, et de 6,30 euros pour une personne titulaire d’un bon de prise en charge du vaccin par un organisme de sécurité sociale. Des montants inférieurs aux 10 euros préconisés par les syndicats.

Mais surtout « le champ d’application n’a été réservé qu’aux personnes ayant un remboursement du vaccin. Or, si l’on veut améliorer la couverture vaccinale, il faut toucher des personnes qui ne sont pas malades et qui iront plus facilement dans une pharmacie que chez un médecin », prévient M. Bonnefond. « Le champ des patients couverts devrait être tous les adultes, sans restrictions », abonde Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.

Les précautions imposées aux pharmaciens leur posent aussi problème. « Il faut laisser de la souplesse et ne pas imposer des contraintes auxquelles on ne soumet pas les médecins ou les infirmiers », avance M. Bonnefond. Il met notamment en cause le délai de quinze minutes durant lequel les pharmaciens devront garder une personne vaccinée avant de la laisser partir.

S’ils émettent des critiques, tous voient dans cette tentative une opportunité de prouver que les pharmaciens peuvent améliorer la prévention de l’épidémie, à l’origine de plus de 14 000 décès en 2016. « On va faire l’expérimentation et on a trois ans pour faire évoluer les conditions d’une éventuelle généralisation », explique M. Besset. Pour eux, le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, qui a fait de la « prévention » un axe fort de son programme de santé, pourrait d’ailleurs avoir une oreille attentive.