Les réactions politiques à la nomination d’Edouard Philippe à Matignon
Les réactions politiques à la nomination d’Edouard Philippe à Matignon
Le Monde.fr avec AFP
En nommant un premier ministre de droite, Emmanuel Macron a semé le trouble et suscité des mécontentements, de la gauche radicale à l’extrême droite.
Edouard Philippe, le 15 mai, à Matignon. | Francois Mori / AP
La nomination au poste de premier ministre d’Edouard Philippe, le maire Les Républicains (LR) du Havre, juppéiste convaincu, par le président de la République, Emmanuel Macron, a suscité, à droite comme à gauche, une vague de réactions politiques, lundi 15 mai.
A gauche :
Benoît Hamon a estimé lundi que la décision d’Emmanuel Macron de nommer Edouard Philippe (LR) à Matignon « clarifi(e) l’orientation (du) projet politique » du président de la République. « La place de la gauche n’est ni dans son gouvernement ni dans la majorité qui pourrait le soutenir, a poursuivi l’ancien candidat socialiste. La démocratie française est malade. (...) Qui peut croire que la gauche se reconstruira dans une coalition dirigée par un membre des Républicains? Ce n’est ni sérieux, ni crédible. »
Jean-Luc Mélenchon a estimé lundi que la nomination d’un premier ministre LR revenait à dire que « la droite vient d’être annexée » par le président Emmanuel Macron. « Ne donnez pas les pleins pouvoirs à M. Macron et à son premier ministre, une cohabitation est nécessaire » avec une gauche majoritaire aux prochaines législatives, a déclaré le leader de La France insoumise, qui tente ainsi de s’imposer comme principal opposant au nouveau gouvernement.
Pour Pierre Laurent, avec Edouard Philippe, « la présidence Macron prend sa véritable tournure : ni de gauche, ni de gauche » et « cache de vieilles recettes du libéralisme ». Dans un communiqué, le secrétaire national du Parti communiste français a ajouté : « Chacun sait donc maintenant à quoi s’en tenir : la majorité parlementaire que le président réclame aux Français lors des élections législatives serait faite pour donner au gouvernement les mains libres et engager dès l’été le laminage du Code du travail, des dépenses et des services publics, des budgets des collectivités locales. »
« Maintenant, c’est clair : avec un premier ministre de droite, le Parlement a besoin de gauche », a, quant à lui, tweeté Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste. De son côté, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Olivier Faure, a écrit dans un communiqué que le quinquennat commençait par « une marche arrière » : « Avec Edouard Philippe, le président Macron fait le choix d’un premier ministre conservateur qui n’a jamais jusqu’à aujourd’hui manifesté son ralliement au projet En marche ! (…) Les élections législatives trancheront l’orientation et les politiques » qui seront menées.
Du côté du MoDem :
Marielle de Sarnez a salué la nomination du maire du Havre à Matignon : « Il a tout notre soutien. La France a besoin d’une majorité centrale la plus large possible », a déclaré l’eurodéputée, bras droit de François Bayrou, président du MoDem, et elle-même candidate aux législatives sous l’étiquette La République en marche (LRM). « C’est un signal de large rassemblement, nécessaire pour le pays. C’est aussi un signal de recomposition politique avec des personnalités avec lesquelles nous sommes en parfaite cohérence », a-t-elle ajouté, en soulignant « l’entente de longue date » entre le MoDem et l’aile juppéiste de la droite.
A droite :
Alain Juppé a qualifié lundi Edouard Philippe d’« homme de grand talent », qui a « toutes les qualités » pour être premier ministre. Toutefois, le maire de Bordeaux, et candidat malheureux à la primaire de la droite, a réaffirmé qu’il soutiendrait les candidats de droite aux élections législatives. « Nous entrons maintenant dans une séquence nouvelle de la vie politique avec la préparation des élections législatives. Pendant cette campagne, je soutiendrai, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, les candidats investis par LR et l’UDI sur une plate-forme politique qui, pour l’essentiel, me convient. » M. Juppé, qui a démenti à plusieurs reprises avoir conclu un accord de gouvernement avec Emmanuel Macron, a glissé que « c’est à la lumière du résultat de ces élections législatives, de la composition de la future Assemblée nationale et des initiatives que le président de la République prendra à ce moment-là, qu’il conviendra de fixer notre ligne ».
Jean-Christophe Lagarde s’est dit « étonné » de cette nomination : « Qu’Edouard Philippe ait accepté d’être nommé à Matignon est une curiosité. C’est la première fois qu’un chef de gouvernement accepte de devenir le chef d’une bataille législative avec des centaines de candidats qu’il n’a pas choisis et d’être responsable d’un projet politique qu’il n’a jamais défendu (…), a souligné le président de l’UDI. En effet, c’est à l’issue de ces élections et du choix des Français que nous connaîtrons le gouvernement définitif de la France et son orientation politique. »
Bernard Accoyer a « pris acte » de la nomination d’Edouard Philippe à Matignon, y voyant « une décision individuelle » et non pas « un accord politique ». Interrogé sur une éventuelle exclusion de LR du nouveau premier ministre, le secrétaire général des Républicains a répondu : « Il n’en est pas question. » Avant de préciser sur Twitter : « Il [Edouard Philippe] se met de lui-même en dehors de notre famille politique Les Républicains. » « Le premier ministre, par définition dans nos institutions, est le chef de la majorité et il convient de lever l’ambiguïté. Soutiendra-t-il les candidats En marche ! du président de la République qui vient de le nommer ou bien soutiendra-t-il les candidats LR/UDI, ceux de sa famille politique ? »
Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, considère, lui, que la nomination d’Edouard Philippe « illustre la méthode qu’Emmanuel Macron a lui-même exposée dans le reportage sur sa campagne diffusé à la télévision ». Dans un communiqué, le bras droit de François Fillon pendant la campagne estime que cette méthode consiste à « brouiller les cartes » et à « gêner l’opposition » plutôt que « de rassembler » : « Il s’agit d’affaiblir la droite avant les élections législatives, critique le parlementaire vendéen. Il s’agit de déstabiliser les électeurs. »
Au Front national :
« La nomination sans surprise de Monsieur Édouard Philippe à la fonction de premier ministre confirme l’existence d’un système UMPS que l’on peut rebaptiser LREM », a dénoncé Marine Le Pen dans un communiqué. « C’est l’alliance sacrée des vieilles droite et gauche, unies dans leur volonté de se maintenir en place à tout prix et de poursuivre les mêmes politiques d’austérité, de soumission à Bruxelles, d’immigration massive et de laxisme qui ont pourtant déjà fortement abîmé la France », a attaqué la candidate du FN, défaite au second tour de la présidentielle et qui pourrait se présenter aux législatives dans le Pas-de-Calais. Marine Le Pen, qui escompte depuis des années une recomposition entre « mondialistes » et « patriotes » voit dans cette nomination « la démonstration qu’en aucun cas LR ne peut incarner une opposition digne de ce nom. »
« La nomination d’Edouard Philippe est la démonstration que le gouvernement d’Emmanuel Macron est la synthèse du pire de la droite et du pire de la gauche. (…) Des “juppéistes” et des “rocardiens”, ce qui nous ramène trente ans en arrière », a déclaré Nicolas Bay, secrétaire général du Front national.