Au Bangladesh, la police arrête 27 homosexuels
Au Bangladesh, la police arrête 27 homosexuels
Par Julien Bouissou (New Delhi, correspondant en Asie du Sud)
L’homosexualité est un crime dans le pays en vertu d’une loi héritée de l’Empire britannique jusqu’à présent peu appliquée.
Des policiers à Dacca au Bangladesh. | A.M.AHAD / AP
Après les journalistes, les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’homme, c’est au tour des homosexuels d’être jetés dans les geôles du Bangladesh. Vingt-sept hommes ont été arrêtés, vendredi 19 mai, dans un centre communautaire de la capitale, Dacca, où la police dit avoir découvert des drogues et des préservatifs. « Des homosexuels originaires de vingt districts se sont rassemblés là-bas. Ils avaient l’habitude de s’y retrouver tous les deux mois », a déclaré un responsable du Bataillon d’action rapide, une force d’élite au sein de la police, au quotidien bangladais Dhaka Tribune.
La police n’a toutefois pas précisé si elle allait les poursuivre pour détention et usage de drogue ou pour leur homosexualité, qui est aussi un crime au Bangladesh, mais bien plus difficile à prouver. Les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont illégales dans le pays en vertu d’une loi héritée de l’Empire britannique. Or, cette dernière était jusqu’à présent peu appliquée. Les homosexuels bangladais, déjà menacés de mort par des islamistes radicaux, doivent désormais vivre avec la crainte d’être emprisonnés.
En avril 2016, Xulhaz Mannan, figure du mouvement LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) du Bangladesh, et Mahbub Tonoy, un autre militant, ont été tués à coups de machette dans leur appartement de Dacca par un commando de tueurs se revendiquant de la branche bangladaise d’Al-Qaida. « Les activités de la communauté ont cessé. Ceux d’entre nous qui n’avons pas quitté le pays avons trop peur de nous réorganiser », témoignait fin avril un militant bangladais LGBT dénommé « Ta » sur le site d’Amnesty International. Depuis ce double assassinat, les militants ont dû retirer leurs écrits et effacer toute trace de leur identité sur le Web, et vivre dans la clandestinité en changeant d’appartement régulièrement.
« Réduire au silence »
Certains ont fui à l’étranger. « Les militants ne se sentaient pas protégés par les autorités alors qu’ils étaient menacés par des islamistes radicaux », souligne Meenakshi Ganguly, la directrice en Asie du Sud de l’organisation Human Rights Watch. Devant le Conseil des droits de l’homme, réuni à Genève début mars, le ministre bangladais de la justice, Anisul Huq, a réitéré son refus de mettre fin à la pénalisation de l’homosexualité : « Nous habitons dans un pays où ces droits nous sont sûrement étrangers. Notre société n’est pas encore prête pour une telle libéralisation. »
Harcelés par la police, les homosexuels bangladais ont rarement été victimes d’arrestations de cette ampleur. Celles-ci interviennent quelques jours seulement après l’ouverture d’un blog appelé « Dhee », en mémoire des deux militants LGBT assassinés , où on peut lire certains messages critiques vis-à-vis des autorités. Une simple coïncidence ? « Il est probable que le gouvernement a voulu réduire au silence la communauté homosexuelle au moment où toutes les voix dissidentes sont réprimées », explique Meenakshi Ganguly.
Comme l’a révélé le site d’information bangladais bdnews24.com, le gouvernement dirigé par Sheikh Hasina a même ordonné à ses ambassades de surveiller l’activité des journalistes bangladais en voyage à l’étranger. « Les voix dissidentes sont prises en tenailles entre la peur et la répression », s’alarme Amnesty International dans un rapport publié le 2 mai.