Semaine de la critique

Après Les Apaches (2013), le réalisateur Thierry de Peretti poursuit l’exploration de sa Corse natale, dont il fait un prolifique territoire de fiction, avec ce deuxième long-métrage que la Semaine de la critique présente en séance spéciale. Sa densité politico-historique ainsi que son ampleur romanesque en font un projet atypique dans le cadre du jeune cinéma français.

Inspiré d’une affaire réelle de règlements de comptes entre bandes rivales, ayant provoqué la mort d’un jeune homme de 27 ans (Nicolas Montigny), le film suit le parcours, situé entre les années 1990 et 2000, de Stéphane (Jean Michelangeli), fils sans problème d’une famille bastiaise aisée, qui verse un temps dans le trafic d’armes, avant de s’engager dans un mouvement indépendantiste radical, prônant la lutte armée contre l’Etat. Il embarque avec lui tout un groupe d’amis proches, avec lesquels il gravit très vite les échelons de l’organisation. N’hésitant pas à se salir les mains pour la cause, Pierre et ses compagnons se retrouvent bientôt isolés, puis visés par une vendetta.

Extrait 1 UNE VIE VIOLENTE de Thierry de Peretti

Ascension et chute du héros

Une vie violente, non content d’opérer une décentralisation salutaire de la fiction française, fraie avec deux types de récits bien distincts : un « rise and fall » typiquement scorsésien, qui retrace l’ascension et la chute de son héros, doublé d’une solide rétrospective historique sur l’activisme nationaliste corse, tel qu’il s’est revendiqué dans la continuité des luttes de décolonisation (on cite Frantz Fanon), et de ses dérives mafieuses, orientées vers le profit et la satisfaction d’intérêts privés. Le film souligne notamment le jeu de dupes dont furent victimes bon nombre d’activistes, exécutant, parfois jusqu’à l’assassinat commandité, les consignes des têtes pensantes, qui jouaient double jeu avec certains représentants de l’Etat central.

Extrait 2 UNE VIE VIOLENTE de Thierry de Peretti

Thierry de Peretti a judicieusement considéré qu’on ne filmait pas la France, et à plus forte raison la Corse, comme les Etats-Unis

Fort de son récit criminel porté par des individualités fortes, Une vie violente aurait pu foncer tête baissée, comme d’autres avant lui, dans le miroir aux alouettes d’un cinéma de genre à l’américaine (du type du film de gangsters). Mais Thierry de Peretti a judicieusement considéré qu’on ne filmait pas la France, et à plus forte raison la Corse, comme les Etats-Unis.

Sa mise en scène, aussi perturbante que stimulante, enfouit la fatalité du récit dans un naturalisme profus, pensé comme une longue suite de conversations et de scènes de groupes, où le héros se promène parmi ses relations (famille, amis, compagnons de lutte) organisées en cercles concentriques. Avec ce parti pris résolument non opératique, ce Parrain joué comme un drame en appartement prend sans doute le risque de noyer un peu ses personnages. Mais il restitue tout autant le mouvement ordinaire de la vie quotidienne que la pente tragique d’une génération ayant scellé un pacte faustien avec la violence.

Extrait 3 UNE VIE VIOLENTE de Thierry de Peretti

Film français de Thierry de Peretti avec Jean Michelangeli, Henri-Noël Tabary, Cédric Appietto, Marie-Pierre Nouveau (1 h 47). Sortie en salles le 9 août. Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-catalogue/une-vie-violente.html