La mort d’un migrant rattrape le Festival de Cannes
La mort d’un migrant rattrape le Festival de Cannes
Par Clarisse Fabre
L’homme, qui se cachait dans la gare de marchandises de Cannes-La Bocca, est mort dans un wagon de TER, électrocuté.
Retour au réel. Un courriel arrive dans la boîte de réception, lundi 22 mai, à 10 h 05 : « Mort d’un migrant par électrocution à Cannes pendant le Festival. » Suit un communiqué intitulé « L’envers du décor à Cannes », signé du délégué de la Ligue des droits de l’homme de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Henri Rossi : on apprend que, « dans la gare de marchandises de Cannes-La Bocca, un migrant, qui se cachait, est mort dans un wagon de TER, électrocuté ».
Dans la région, lit-on encore, d’autres ont péri « en tombant d’une falaise, en basculant d’un viaduc de l’autoroute », ou ont été emportés « par une crue de la Roya ». La LDH condamne « l’attitude des pouvoirs publics et de l’Etat, de la région et du département, qui poussent des réfugiés à risquer aussi dangereusement leur vie en leur claquant la porte au nez ».
Au même moment, des festivaliers patientent en bas des marches du Palais des festivals, pour découvrir, vers 11 heures, le film de Michael Haneke, Happy End, en Compétition officielle. Le cinéaste autrichien ausculte l’enfermement social d’une famille bourgeoise qui vit à Calais, alors que tout autour d’eux se jouent des drames humains. Un groupe de migrants fera irruption lors des fiançailles de la mère, incarnée par Isabelle Huppert.
« Lien noué avec les réfugiés »
Il ne s’agit pas du seul film cannois à évoquer la question, loin s’en faut. Dans La Lune de Jupiter, du Hongrois Kornel Mundruczo, en compétition, un réfugié syrien plane au-dessus de Budapest. Quant au réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Iñarritu, il propose, jusqu’au 27 mai, une installation de « réalité virtuelle » dans un hangar d’aéroport proche de Cannes, Carne y Arena, où le spectateur peut vivre le cauchemar des migrants à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Il faut « recréer la réalité pour la rendre palpable », dit-il.
Et pour faire réagir ? Chiche, répond le réalisateur Michel Toesca. Autre coïncidence, il est à Cannes, lundi après-midi, pour présenter son documentaire sur la vallée de la Roya, où des habitants viennent en soutien aux migrants – le film, en cours de tournage, est produit par Jean-Marie Gigon (Sanosi Productions). A ses côtés, Cédric Herrou : l’agriculteur a été condamné le 10 février, par le tribunal correctionnel de Nice, à 3 000 euros d’amende avec sursis, pour avoir pris en charge des migrants sur le sol italien. Il en accueille aussi chez lui, entre ses oliviers et ses poules. « Ce sera un film sur la vie, léger, sur ce lien noué avec les réfugiés », explique Michel Toesca. Autour de la table, il y a Elias, qui a fui le Niger et travaille désormais avec Cédric Herrou. Et Sinawi Medine, Erythréen, photographe installé à Nice.