L’industrie militaire américaine comblée par le voyage de Donald Trump en Arabie saoudite
L’industrie militaire américaine comblée par le voyage de Donald Trump en Arabie saoudite
Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant), Stéphane Lauer (New York, correspondant)
La visite du président américain dans le royaume s’est soldée par une moisson de contrats, notamment militaires.
Lors de la visite de Donald Trump à Riyad, les 20 et 21 mai, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite ont annoncé des montants astronomiques d’investissements réciproques et de contrats commerciaux, qui devraient voir le jour au cours de la prochaine décennie. Le ministre saoudien des affaires étrangères, Adel al-Joubeir, a parlé de transactions immédiates ou à venir d’un montant de 380 milliards de dollars (337,67 milliards d’euros), dont 110 milliards de contrats militaires, que le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, a présentés comme « l’accord d’armement le plus important de l’histoire des Etats-Unis ».
Cet ensemble représente la contrepartie sonnante et trébuchante du réalignement stratégique des Etats-Unis sur les priorités de l’Arabie saoudite, à commencer par sa politique d’endiguement de l’Iran. Il a été négocié en amont par Jared Kushner, le gendre et proche conseiller du président américain, qui a facilité les échanges entre les groupes d’armement américains et les autorités de Riyad. Son équivalent côté saoudien a été Ahmed Al-Khatib, l’homme de confiance du vice-prince héritier et ministre de la défense Mohamed Ben Salman, qui vient d’être nommé à tête de la SAMI (Saudi Arabia Military Industries), l’entreprise d’armement saoudienne nouvellement créée.
« Soutenir la sécurité de l’Arabie saoudite »
L’enveloppe de 110 milliards comprend 12,5 milliards d’achats d’armement américain à effet immédiat et 95 milliards se décomposant en une trentaine d’accords, ayant le statut d’accord ferme, ou bien de lettres d’intention ou de protocoles d’accord, pouvant ultérieurement déboucher sur des contrats en bonne et due forme.
Lockheed Martin, géant de l’armement américain, est ainsi bien avancé pour fournir à l’Arabie saoudite des systèmes de défense antimissile THAAD, des navires de combat, des avions de transport militaire tactiques ainsi que des technologies dans le domaine des hélicoptères. Pour la Maison Blanche, ces contrats visent à « soutenir la sécurité de l’Arabie saoudite et de la région du Golfe face aux menaces iraniennes, tout en renforçant la capacité du royaume à contribuer aux opérations antiterroristes dans toute la région, ce qui réduit la charge de la conduite de ces opérations pour l’armée américaine ».
Le groupe Lockheed Martin doit également créer une entreprise commune avec la société publique saoudienne Taqnia pour assembler, dans le royaume, 150 hélicoptères de type S-70 Black Hawk. Le projet doit aboutir à la création de 900 emplois, la moitié chez Sikorsky, une filiale de Lockheed Martin basée dans l’Etat américain du Connecticut et l’autre moitié en Arabie saoudite, qui bénéficiera dans le cadre de ce contrat d’un transfert de technologie.
« Des milliers d’emplois hautement qualifiés »
La PDG de Lockheed Martin, Marillyn Hewson, a expliqué que ces accords doivent directement contribuer à Vision 2030, le plan de développement que s’est fixé l’Arabie saoudite, « en débouchant sur des milliers d’emplois hautement qualifiés dans de nouveaux secteurs économiques ». La firme d’armement Raytheon envisage de la même façon de créer une filiale en Arabie saoudite, tandis que General Dynamics va concevoir et assembler des véhicules blindés.
En dehors de l’armement, le groupe financier américain Blackstone a annoncé la création d’un fonds d’investissement doté de 40 milliards de dollars, qui sera destiné aux infrastructures. La moitié de l’argent levé proviendra du Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite, tandis que d’autres investisseurs apporteront l’autre moitié. Il s’agit, a toutefois précisé le patron de Blackstone, Steve Schwarzman, de l’aboutissement de négociations commencées il y a plus d’un an, quand Barack Obama était encore à la Maison Blanche. Le groupe a aussi précisé dans un communiqué qu’il est question à ce stade d’un protocole d’accord « non contraignant » et que « les parties vont poursuivre leurs négociations ». Blackstone a l’intention d’utiliser ce fonds pour lever à son tour 100 milliards de dollars qui seront consacrés « principalement » à des projets d’infrastructures aux Etats-Unis.
De son côté, le géant de la chimie Dow Chemical s’est engagé à investir 100 millions de dollars dans une nouvelle usine en Arabie saoudite. Le conglomérat General Electric (GE) a lui aussi signé plusieurs protocoles d’accord pour un montant total de 15 milliards dollars. Il s’agit notamment, dans le domaine de la santé, de la fourniture de technologies et d’un plan de formation destiné à des salariés saoudiens. Un autre contrat concerne la transmission d’énergie. Enfin, GE va fournir son expertise dans le domaine industriel à Saudi Aramco, la compagnie pétrolière d’Etat, avec à la clef la création de 250 emplois hautement qualifiés dans le pays.
Recherche de nouveaux gisements pétroliers
Parallèlement, Saudi Aramco est parvenu à un protocole d’accord avec plusieurs équipementiers pétroliers, comme Schlumberger, Halliburton, Baker Hughes et Weatherford, dans la recherche de nouveaux gisements pétroliers. Ce contrat devrait déboucher sur la création de 4 850 emplois en Arabie saoudite. La compagnie pétrolière saoudienne a également annoncé la création de deux entreprises communes, l’une avec le spécialiste texan du forage Oilwell Varco, l’autre avec Jacobs Engineering. Elles permettront, respectivement, la création de 1 000 et 3 000 emplois. Enfin, Aramco va réaliser un investissement de 12 milliards de dollars aux Etats-Unis dans le raffinage, par le biais de sa filiale, Motiva Enterprises.
« Même s’il y a pas mal de lettres d’intention qui demandent confirmation, le montant global reste très élevé, fait remarquer un entrepreneur français basé à Riyad. Les Américains ont compris que pour faire des affaires avec les Saoudiens, il faut désormais investir dans leur pays, avec des créations d’emplois, des transferts de technologie ou de capital ».
La moisson de contrats et précontrats récoltés par l’administration Trump risque aussi de couper l’herbe sous le pied de certaines entreprises européennes, en quête de clients en Arabie saoudite. « Cela va impacter inévitablement les ressources budgétaires saoudiennes, confie cet homme d’affaires. On va tous en pâtir un peu ».