États-Unis : cinq laboratoires soupçonnés d’avoir dissimulé les risques de dépendance à des antidouleurs
États-Unis : cinq laboratoires soupçonnés d’avoir dissimulé les risques de dépendance à des antidouleurs
Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
La procédure judiciaire a été lancée par le ministre de la justice de l’Ohio qui leur reproche notamment de ne pas avoir informé les praticiens sur les effets secondaires.
Le scandale des médicaments antidouleur à base d’opiacés, à l’origine d’une vague d’overdoses aux États-Unis, a pris une nouvelle dimension, mercredi 31 mai. Le ministre de la justice de l’Ohio, l’un des États les plus touchés par ce type d’addiction, a en effet lancé une procédure judiciaire contre cinq laboratoires pharmaceutiques. La plainte déposée estime que les fabricants ont alimenté cette crise de santé publique en dissimulant les risques de dépendance qui peuvent se révéler et conduire à une surconsommation mortelle.
Mike DeWine, le ministre de la justice de l’Ohio, affirme que Johnson & Jonhson, Teva, Allergan, Endo et Purdue Pharma ont été malhonnêtes vis-à-vis des médecins en ne les informant pas suffisamment sur les effets secondaires de certains antidouleurs. La justice leur reproche notamment d’avoir pratiqué un marketing agressif auprès de praticiens qui « pouvaient ne pas être des spécialistes dans ce domaine », a expliqué M. DeWine lors d’une conférence de presse. « Ces fabricants de médicaments savaient que ce qu’ils faisaient n’était pas bien et l’ont fait quand même », a-t-il poursuivi, ajoutant que « cette procédure est une question de justice, une question d’équité, une question de droit ».
La plainte a été déposée dans le comté de Ross, dans le sud de l’Ohio, une zone qui a connu une sévère vague d’overdoses ces derniers mois. Dans l’ensemble de l’Etat, les autorités ont déploré en 2015 plus de 3 050 personnes décès liés à la prise d’antidouleurs à base d’opiacés. Les chiffres de 2016, qui seront rendus publics prochainement, devraient montrer une nouvelle recrudescence du phénomène. Sur l’ensemble des États-Unis, on dénombre plus de 15 000 overdoses fatales de ce type.
Des plaintes déposées par plusieurs Etats
Johnson & Johnson, la maison mère de Janssen Pharmaceutical, qui fabrique le Duragesic, un opiacé qui agit sur le cerveau pour augmenter la tolérance à la douleur, conteste les accusations. « Nous sommes fermement convaincus que les allégations de cette plainte sont infondées à la fois sur le plan légal et factuel. Janssen a agi de façon appropriée, de façon responsable et dans le meilleur intérêt des patients concernant nos traitements à base d’opiacés contre la douleur, qui sont approuvés par la Food and drug administration [FDA, l’agence fédérale américaine qui délivre les autorisations de mise sur le marché] », affirme le groupe dans un communiqué.
De son côté, Purdue, qui commercialise l’OxyContin, insiste sur le fait que sa direction « partage les préoccupations du ministre de la justice à propos de la crise des opiacés », tout en « s’engageant à travailler de façon collaborative pour trouver des solutions ».
L’Ohio n’est pas la première collectivité locale à se lancer dans ce type de procédure judiciaire. Chicago, les comtés d’Orange (Californie) et Santa Clara (Californie) ont également déposé plainte contre plusieurs laboratoires, tandis que la Virginie Occidentale a poursuivi les distributeurs de médicament pour avoir inondé cet Etat avec des antidouleurs qui peuvent provoquer des addictions. Par ailleurs, le Kentucky avait obligé en 2015 Purdue Pharma à verser 24 millions de dollars pour stopper les poursuites. Enfin, en 2007, l’une des filiales de ce groupe et trois de ses dirigeants avaient plaidé coupable alors qu’il leur était reproché d’avoir dissimulé les effets addictifs de l’OxyContin. L’affaire s’est soldée par le versement d’une amende de 634,5 millions de dollars.