La mère de Mathias Depardon, Danièle Vande Lanotte, et le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, devant l’ambassade turque à Paris, le 25 mai 2017. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

La mère du photojournaliste indépendant Mathias Depardon, 36 ans, arrêté et placé en rétention en Turquie depuis le 8 mai, a indiqué au Monde, mardi 6 juin, qu’elle pourrait rendre visite à son fils. Danièle Van de Lanotte doit s’envoler mercredi soir pour le sud-est de la Turquie. Le lendemain, accompagnée par des membres de Reporters sans frontières (RSF), cette retraitée française d’origine belge doit, en principe, pouvoir rencontrer son fils pendant une heure, dans le cadre des visites familiales au « centre d’accueil » géré par la direction des affaires migratoires.

Mme Van de Lanotte n’a eu, jusqu’ici, que deux entretiens téléphoniques avec Mathias Depardon. Il lui est, dit-elle, apparu d’abord inquiet, « au bout du rouleau », avec le sentiment d’être oublié, puis « plutôt combatif », encouragé par les marques de soutien qui lui ont été adressées et la mobilisation autour de son cas. Celle-ci a apparemment facilité les visites consulaires et celles d’avocats turcs. Le 26 mai, il a alors arrêté la grève de la faim qu’il avait commencée cinq jours auparavant.

Le seul journaliste retenu dans le centre de Gaziantep

Placé dans un centre de rétention, le photographe est toutefois derrière des barreaux, se voit octroyer des promenades extérieures limitées et est assez isolé, affirme sa mère. Il serait en compagnie d’un clandestin syrien ne parlant pas l’anglais, mais s’est vu refuser la cohabitation avec un Pakistanais qui parle cette langue. Il est, semble-t-il, le seul journaliste retenu dans le centre de Gaziantep. Son matériel, saisi lors de son arrestation, serait toujours à l’examen, mais, selon les informations dont dispose sa famille, aucun des clichés qu’il avait réalisés pour le magazine National Geographic ne serait finalement jugé « dangereux ».

Mme Van de Lanotte reste toutefois inquiète :

« Si même M. Macron ne reçoit pas de réponse, on se demande si la Turquie veut faire un exemple avec le cas de Mathias. »

Le président français avait demandé, le 25 mai, à Recep Tayyip Erdogan d’examiner le cas du journaliste. Le chef de l’Etat turc avait promis une réponse « rapide ». Samedi 3 juin, lors d’un entretien téléphonique avec M. Erdogan, M. Macron a, à nouveau, formulé la demande d’un retour en France « le plus vite possible ».

Déclaration inquiétante du ministre turc des affaires étrangères

Lundi 6 juin, une nouvelle déclaration est venue inquiéter la famille de M. Depardon et ses défenseurs. Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères, a affirmé, à Ankara, que « la tendance actuelle, au sein des services de renseignement européens, consiste à utiliser des journalistes en tant qu’agents en Turquie ». Le propos visait apparemment le germano-turc Deniz Yücel, arrêté en février pour « diffusion de propagande terroriste ». Né en Allemagne et correspondant de Die Welt, ce journaliste de 43 ans est en détention provisoire – elle pourrait durer jusqu’à cinq ans – et son dossier est à l’instruction, a indiqué le ministre. M. Yücel, qui a la double nationalité, se voit reprocher d’avoir interrogé des représentants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie).

Même si Mathias Depardon ne fait, lui, l’objet d’aucune charge à ce stade, le propos de M. Cavusoglu ne rassure pas. D’autant qu’il a été tenu au cours d’une conférence de presse commune avec le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel. Celui-ci avait vivement critiqué la détention du correspondant de Die Welt il y a quelques semaines, la qualifiant de « constitutionnellement et politiquement inacceptable ». « On doit presque supposer que Yücel sert de jouet au pouvoir turc dans une sale campagne électorale », déclarait-il au magazine Der Spiegel.