Législatives : les nouveaux visages de La République en marche sont-ils défavorisés ?
Législatives : les nouveaux visages de La République en marche sont-ils investis dans des circonscriptions « gagnables » ?
Par Maxime Ferrer, Mathilde Damgé, Adrien Sénécat, Laura Motet, Maxime Delrue, Eléa Pommiers, Pierre Breteau, Maxime Vaudano, Anne-Aël Durand, Jérémie Baruch, Vincent Nouvet, Sophie Dupont
Les figures du « renouvellement » affiché par le mouvement d’Emmanuel Macron ont-elles hérité de circonscriptions favorables pour les législatives ?
- Les moins de 35 ans héritent plus souvent de circonscriptions plus difficiles
- Les candidats « stars » pas forcément favorisés
- On compte 60 % de femmes dans les circonscriptions plus dures à gagner
Qu’ils soient novices en politique, jeunes, femmes… Emmanuel Macron assurait pendant sa campagne présidentielle que les candidats de La République en marche (LRM) incarneraient le renouvellement et le retour des citoyens dans la vie politique. Sur le papier, en effet, la liste des candidats du mouvement traduit cet engagement. Mais ces « nouveaux visages » ont-ils hérité de circonscriptions « gagnables », seule garantie de voir le « renouvellement » se traduire dans les faits une fois les résultats des élections législatives connus ? Ou ont-ils au contraire été investis là où ils n’auraient que peu de chances de gagner ?
L’exemple des femmes en politique montre qu’il y a souvent un fossé entre investitures et résultats d’une élection. Malgré les efforts apparents de la plupart des grandes formations politiques pour présenter un nombre équivalent de femmes et d’hommes aux législatives, incitées par les sanctions financières prévues par la loi, il n’y avait que 26 % de femmes dans l’Assemblée élue en juin 2012. En cause, le fait que les hommes se partagent encore très souvent les meilleures circonscriptions.
Pour jauger la sincérité de la liste des candidatures LRM, nous avons comparé celle-ci avec les résultats du premier tour de la présidentielle. L’occasion de voir si les figures du « renouvellement » ont plutôt hérité de « bonnes » ou de « mauvaises » circonscriptions.
Alors que le président élu a réuni 24,01 % des voix au premier tour au niveau national, nous avons classé les 577 fiefs des députés en cinq groupes :
- les 57 circonscriptions « très défavorables », où Emmanuel Macron a réuni moins de 18 % des voix au premier tour ;
- les 177 « défavorables » (18 à 22 %) ;
- les 167 « moyennes » (22 à 26 %) ;
- les 108 « favorables » (26 à 30 %) ;
- les 68 « très favorables » (plus de 30 %).
Nous avons ensuite regardé quels profils de candidats ont été investis dans quels types de circonscriptions, afin d’évaluer leurs chances.
60 % de femmes dans les plus mauvaises circonscriptions
A première vue, LRM a investi autant de femmes (50,3 % des candidatures que nous avons étudiées) que d’hommes (49,7 %). « Le respect de la parité est également valable pour (…) les circonscriptions estimées favorables » au regard des résultats d’Emmanuel Macron à la présidentielle, a assuré Richard Ferrand, le 11 mai, lors de la présentation des 428 premières candidatures du mouvement.
C’est dans l’ensemble plutôt vrai, selon nos relevés. Peu ou prou, on retrouve la parité dans les candidatures au sein des différents profils de circonscriptions que nous avons étudiés. A une exception notable : on trouve 60 % de candidates là où Emmanuel Macron a fait ses plus mauvais scores, contre 52 % là où il a excellé.
Ainsi, cinq hommes sont candidats pour LRM dans les cinq circonscriptions où Emmanuel Macron a fait les meilleurs scores à la présidentielle, contre quatre femmes dans les cinq où le chef de l’Etat a fait les pires résultats.
Un constat à nuancer tout de même par le fait qu’on trouve une majorité de femmes dans les circonscriptions « moyennes » (52 %) et « favorables » (54 %).
Les jeunes à la fois testés et choyés
Du côté de l’âge, on aperçoit là aussi des différences de traitement. Les moins de 35 ans sont ainsi plus fréquemment envoyés dans les pires circonscriptions (21 % de celles-ci alors qu’ils représentent 14 % de l’ensemble). A l’inverse, les plus de 55 ans y sont sous-représentés (19 % contre 26 % sur l’ensemble des investitures).
Cela ne veut pas dire que tous les jeunes seraient envoyés au casse-pipe chez LRM. Car s’ils sont plus présents dans les endroits où Emmanuel Macron a fait ses plus mauvais scores, ils le sont également là où il a réuni le plus de voix. Ils y pèsent ainsi 26 % des investitures, près du double de leur poids d’ensemble. Parmi ces « privilégiés », on peut citer Alexandre Holroyd (30 ans), Pacôme Rupin (32 ans), Pieyre-Alexandre Anglade (30 ans) ou Paula Forteza (30 ans). Tous les quatre ont hérité de circonscriptions qui figurent dans le « top 10 » de celles où Emmanuel Macron a fait les plus gros scores le 23 avril.
Le secrétaire d’Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi (33 ans), est également bien loti avec la 16e circonscription de Paris, où Emmanuel Macron a réuni 29,92 % des suffrages au premier tour.
Globalement, l’âge moyen des candidats varie relativement peu en fonction du profil des circonscriptions :
Les vieux routards pas si privilégiés
De même, on aurait pu s’attendre à ce que les « novices » en politique, ceux qui n’ont été ni élus ni candidats, et n’ont jamais été membres de cabinets de ministres ou élus locaux, héritent plutôt des moins bonnes places. Ils sont effectivement surreprésentés dans les pires circonscriptions pour le mouvement d’Emmanuel Macron (44 % alors qu’ils pèsent 37 % des candidatures). Mais ils le sont aussi, dans les mêmes proportions, dans les territoires les plus favorables (44 %).
Parmi ces candidats en bonne position, on trouve le mathématicien Cédric Villani. Le lauréat de la médaille Fields est candidat dans la 5e circonscription de l’Essonne, où Emmanuel Macron a obtenu 34,30 % des suffrages. Mais beaucoup d’illustres inconnus aux yeux du grand public sont également investis dans des circonscriptions « faciles ».
Quant à ceux qui ont déjà été élus, ils n’ont, semble-t-il, pas bénéficié de traitement de faveur dans l’ensemble. Plutôt épargnés dans les circonscriptions perdues d’avance ou presque (33 % des candidatures alors qu’ils représentent 46 % du total), ils sont loin de réunir les meilleures places (33 % aussi). Ils sont à l’inverse plus présents dans le ventre mou, particulièrement dans les circonscriptions plutôt défavorables (53 %).
Plusieurs proches d’Emmanuel Macron tirent tout de même leur épingle du jeu. Parmi eux, Benjamin Griveaux, qui fut coordinateur des porte-parole d’En marche ! pendant la présidentielle : anciennement implanté en Saône-et-Loire, il a hérité de la 5e circonscription de Paris, où Emmanuel Macron a frôlé la barre des 40 % au premier tour.
Méthodologie et données utilisées
Dans le cadre de cet article, nous avons étudié 525 candidats investis par le mouvement La République en marche, tous partis d’origine confondus. Nous les avons ensuite identifiés sous les critères suivants :
- leur sexe ;
- leur âge ;
- leur engagement présent ou passé en politique en se confrontant au suffrage universel (mandats électifs, candidatures à des élections) ou en travaillant dans le monde politique (dans ministères, des cabinets, des collectivités locales...).
Nous avons ensuite pu, sur ces critères, étudier si certains profils héritaient d’une investiture de La République en marche dans des circonscriptions a priori plus favorables ou défavorables que d’autres, en fonction du score d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle.
Toutes les données utilisées sont consultables ici.
Enquête sur les candidats de La République en marche
Favori des élections législatives depuis la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, La République en marche (LRM) présente pour la première fois des candidats à un scrutin national. Âge, études, métiers, passé politique, profils sur les réseaux sociaux... Le Monde a épluché la liste des 525 candidats soutenus par ce nouveau mouvement pour en analyser la composition.
Voici les principaux volets de notre enquête :