Sujets du bac 2017 : peut-on s’attendre à une fuite ?
Sujets du bac 2017 : peut-on s’attendre à une fuite ?
Par Laura Buratti
Si les sujets des épreuves pratiques du bac S semblent avoir fuité cette année, ceux des écrits des autres épreuves ont bien moins de chance d’être « grillés ». Voici comment ils sont verrouillés, de leur fabrication jusqu’à leur distribution aux candidats.
A l’occasion du bac 2016 au lycée Fustel-de-Coulanges àStrasbourg. | FREDERICK FLORIN / AFP
Alors que le ministère de l’éducation nationale a annoncé dimanche 11 juin avoir ouvert une enquête après des soupçons de fuite des sujets des épreuves pratiques (ECE) de physique-chimie du bac S la semaine précédente, peut-on s’attendre à ce que d’autres sujets sortent avant les écrits du bac 2017, qui débutent jeudi 15 juin ? Il faut savoir que ceux-ci sont mieux protégés que ceux des épreuves expérimentales, organisées en amont au sein de chaque lycée. Le secret d’un sujet, depuis qu’il a été pensé par un professeur jusqu’à parvenir dans les mains du candidat, est placé sous haute surveillance. Qui plus est, le pari d’un éventuel « fuiteur » se révèle risqué : voler, garder chez soi ou diffuser un sujet du bac avant le début des épreuves est passible de trois ans d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende.
Lire aussi : Premiers soupçons de fuite au bac 2017 et Fuites au bac 2017 : l’enquête de la gendarmerie s’annonce difficile
Mieux vaut donc ne pas compter sur un sujet « grillé » – c’est ainsi que le directeur du Service interacadémique des examens et concours (SIEC), Vincent Goudet, aime à appeler les sujets dont on doute qu’ils soient restés confidentiels. Étape par étape, il détaille les « verrous » mis en place à chaque étape de la procédure. Sans en donner les clés, bien entendu.
1. Propositions des sujets
Tout commence en septembre par un appel à sujets. Les inspecteurs d’académie désignent quels professeurs peuvent en proposer – un choix parfois limité, l’effectif des professeurs étant moindre dans certaines matières. Mais la règle est toujours la même : le sujet doit être original et inédit. De plus, le professeur s’engage à ne pas l’utiliser en cours durant les cinq ans qui suivent son élaboration, que ce soit en devoir sur table ou en entraînement.
- Le verrou : après avoir proposé son sujet, le professeur ignore totalement ce que va devenir ce dernier. Il ne sait ni si son sujet est retenu, ni quand (il est valable pendant cinq ans), ni où (métropole ou outre-mer), ni pour quoi (sujet principal ou de secours).
2. Sélection et mise en forme
Tous les sujets soumis par les professeurs passent ensuite devant une commission d’élaboration des sujets de l’académie, qui se réunit plusieurs fois jusqu’en janvier. Elle est composée de professeurs de lycée et présidée par un inspecteur général de l’éducation nationale et un universitaire. Son rôle consiste à sélectionner les sujets, à les mettre en forme et à envoyer des propositions au recteur.
- Le verrou : les membres de la commission signent une charte de déontologie. Ils n’ont évidemment pas le droit de parler de leurs réunions – qui se tiennent dans des locaux sécurisés – et ne sont même pas autorisés à dire qu’ils en font partie. S’ils sélectionnent les sujets, ils n’en connaissent pas l’affectation (métropole ou outre-mer, ou encore différents regroupements de pays à l’étranger, sujet principal ou de secours).
3. Validation et diffusion nationale
Chaque sujet est ensuite testé et corrigé par deux professeurs extérieurs à la commission. En février, le recteur procède au choix définitif des sujets dont il était chargé, et à leur affectation. Les sujets sont envoyés par informatique aux académies. Pour chaque matière de chaque série, quatre sujets sont choisis chaque année : le sujet principal et le sujet de secours, à la fois pour la session de juin et pour celle de rattrapage en septembre. Et ce pour la métropole, l’outre-mer et les différents regroupements de pays à l’étranger. Ce qui fait un total de 3 500 sujets d’épreuves élaborés pour chaque session.
- Le verrou : le réseau informatique utilisé pour envoyer les sujets est hautement sécurisé, interne à l’éducation nationale et donc indépendant d’Internet, pour éviter le piratage.
4. Impression et stockage
C’est au moment de l’impression des sujets que la fuite de 2011 était survenue : un employé chargé de la maintenance des imprimantes (extérieur à l’éducation nationale) avait ramené chez lui un sujet par erreur, trouvé par son fils, qui l’avait diffusé sur Internet. Depuis cet incident, les consignes de sécurité ont été renforcées et harmonisées entre les académies. Les sujets sont désormais imprimés dans chaque académie par des personnels de l’éducation nationale, signataires d’une charte de déontologie. Les sujets sont ensuite glissés dans des enveloppes opaques, cerclées de deux bandes de plastique qui se croisent. Le tout est ensuite plastifié avant d’être stocké.
- Le verrou : les sujets sont imprimés et mis sous pli dans des locaux académiques sécurisés, sans intervention extérieure. Le double conditionnement (enveloppe et plastique) n’est certes pas inviolable, mais il présente l’avantage de rendre très visible toute tentative de vol.
5. Acheminement et distribution
Les sujets sont distribués dans les centres d’examens quelques jours avant le bac. Ils sont conservés dans un coffre-fort jusqu’aux épreuves. Le jour J, toutes les enveloppes sont décachetées en même temps partout en France et en présence des candidats.
- Le verrou : seuls le chef d’établissement et son adjoint ont accès aux sujets et eux-mêmes n’en connaissent pas le contenu. Ils le découvriront en même temps que les candidats.
Le sujet de secours, un précieux joker
Chaque année, entre dix et vingt sujets de secours sont utilisés à l’insu des candidats. « Le plus souvent, c’est à cause d’un paquet de sujets perdu ou ouvert trop tôt, révèle le directeur de la Maison des examens, Vincent Goudet. La plupart du temps, cela vient d’une erreur d’un personnel de l’éducation nationale. » Au moindre doute, une alerte est lancée à la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco). Elle applique le plus souvent le principe de précaution, en recourant au sujet de secours. Conservé dans son académie d’origine, celui-ci nécessite 36 à 48 heures pour parvenir à tous les centres d’examens. Il n’est donc utilisable que si l’alerte est donnée à temps. Sinon, l’épreuve peut être reportée, voire annulée si la fuite est découverte après coup. C’est ce qui s’est passé en 2011 : l’exercice diffusé sur Internet à la veille de l’épreuve était bien dans le sujet soumis aux candidats. Mais à la correction, il a été annulé, et les copies ont été notées sur le reste des exercices.
Cet article a fait l’objet d’une première publication à l’occasion du bac 2015. Vincent Goudet nous ayant confirmé que la procédure n’a pas été évolué depuis, nous le republions cette année.